Maquillé en noir, perruque afro sur la tête, le footballeur, semble t-il, voulait ressembler à un basketteur noir. Aussitôt, les internautes l'ont accusé de "blackface".
Le blackface ?
Aux Etats-Unis, le "blackface" est condamné. Ce terme remonte au temps de l'esclavage. A l'époque, le blackface était une forme théâtrale pratiquée dans les "minstrel shows", des spectacles burlesques nés durant le XIXe siècle. Période durant laquelle sont instaurées les lois Jim Crow, créant la ségrégation raciale dans le Sud du pays. Dans ces spectacles, le comédien blanc incarne une caricature stéréotypée de personne noire. Le noir y est représenté comme inférieur, ignorant, uniquement doué pour la danse et la musique.Durant des années, le blackface est pratiqué au cinéma, jusqu'au mouvement de lutte pour les droits civiques, dans les années 60.
Aujourd'hui, porter le blackface est considéré comme raciste, en Amérique du Nord.
Vague de réactions sur la toile
Immédiatement après la publication de cette photo, les internautes n'ont pas manqué de réagir. Si certains ont crié au racisme, d'autres ont voulu expliquer pourquoi ce tweet d'Antoine Griezmann pouvait être offensant.Synthèse pour ceux qui ne veulent pas comprendre:
— Kalidou SY (@Kalidoo) 17 décembre 2017
- #Griezmann n'est pas raciste
- Son déguisement est raciste
- Être noir n'est PAS UN DÉGUISEMENT !
En fait, bande d'abrutis, personne ne dit que griezmann est raciste: il publie un blackface, symbole du racisme structurel et institutionnel. C'est déplacé, c'est insultant, c'est oppressif. La couleur de peau n'est pas un déguisement, un point c'est tout
— Pocho (@Robin__Gt) 17 décembre 2017
Griezmann n'est pas raciste. Mais l'acte lui, l'est. Maladresse ou pas. Certaines personnes ont du mal à piger la chose, de la sorte.
— Yann. (@Makuendos) 17 décembre 2017
Le chanteur martiniquais de dancehall, Kalash s'est lui aussi exprimé sur cette polémique.
Réactions à l'étranger
L'affaire ne s'arrête toutefois pas aux frontières de la France, outre-Manche et aux Etats-Unis, le blackface d'Antoine Griezmann fait également réagir.Le site américain TMZ, qui relate l'actualité des stars, scandales et potins, en parle dans son édition du jour. En plus de publier la photo polémique, le site a également diffusé une vidéo de la star du ballon rond en "basketteur noir", soulignant le manque d'égard de Griezmann.
En Grande-Bretagne, le parlementaire, David Lammy, membre du Labour Party et ancien ministre, a lui aussi fait part de son indignation.
Traduction : "Il existe de très nombreuses manières de faire la fête à l'occasion d'une soirée années 80, mais le blackface n’en fait pas partie. Je ne peux pas croire qu’en 2017, qu'il faille encore dire qu’il ne faut pas s’habiller en blackface".There are so, so many different options for an 80’s party, or a night out at the darts for that matter, that don’t involve blackface. I can’t believe we’re out here in 2017 saying don’t dress up in blackface. https://t.co/TzqsVdSOeg
— David Lammy (@DavidLammy) 17 décembre 2017
Polémique ou pas polémique ?
Parmi les centaines de milliers de commentaires et réactions, d'autres sont plus nuancées. Comme celle de Florian Gazan, animateur à RTL, pour qui, il y a des actes plus graves. Pierre Ménès, consultant sportif, prend, lui, la défense d'Antoine Griezmann, affirmant que le footballeur est ami avec les joueurs noirs de l'Equipe de France. Pour lui, la polémique n'a pas lieu d'être. Une défense qui a, elle aussi, été largement commentée.En cette soirée Griezmann il ne faut pas non plus oublier les bananes sur Mandanda à Lyon qui me semblent beaucoup plus graves et pour le coup là racistes au 1er degré ! #OLOM
— Florian Gazan (@flogazan) 17 décembre 2017
@AntoGriezmann raciste ? C’est une blague? Le mec kif la NBA, il est pote avec tous les blacks en bleu. Je ne trouve même pas son costume des harlem globe trotters déplacé. On vit vraiment une époque de merde ou la délation règne en maître
— Pierre Ménès (@PierreMenes) 17 décembre 2017
Les excuses de Griezmann
Face aux nombreuses réactions outrées, Antoine Griezmann a finalement supprimé son tweet, avant de présenter ses excuses dans un autre post. Quelques minutes avant, il avait voulu calmer le jeu en déclarant avoir voulu rendre hommage aux Harlem Globetrotters dont il est fan. Pas suffisant pour les internautes, d'où ces excuses publiées en fin de soirée. Je reconnais que c’est maladroit de ma part. Si j’ai blessé certaines personnes je m’en excuse.
— Antoine Griezmann (@AntoGriezmann) 17 décembre 2017
La France aussi coupable de "blackface" ?
Mais pour certains, il est encore plus important de respecter et de comprendre l'indignation suscitée par cette photo.
Mais il s'est excusé, en espérant qu'il ait réellement saisi l'impact . Donc on avance et on passe à autre chose. Mais le devoir de mémoire est important et favorise la reconstruction d'un peuple qui s'est senti brimé (a juste titre ) à mon sens. Respectons.
— Queen And Mama (@queen_and_mama) 18 décembre 2017
Car pour beaucoup, s'indigner face au "blackface" est vu comme une "américanisation" de la société française. D'ailleurs, le terme "blackface" n'a pas d'équivalent en français.
En 2013, l'historien et sociologue Pap Ndiaye, interviewé par France 24 expliquait qu'en "France, la question du 'blackface', qui n’est pas sans choquer, ne suscite pas immédiatement les mêmes réactions qu’aux Etats-Unis, car il ne mobilise par le même imaginaire historique".
Pourtant, pour l'anthropologue Sylvie Chalaye, la France, a elle aussi eu des personnages noirs, véritables caricatures, dès le XVIIIe siècle, mais également au XXe siècle. Elle l'explique dans une interview pour le magazine Slate. Il y a eu en France des spectacles dans lesquels des Africains étaient mis en scène pour faire rire. Parfois, certains "comédiens" se maquillaient en noir, exagérant les traits : de grosses lèvres et de gros yeux, comme dans la pièce Malikoko, roi nègre, dans les années 30.