Présence de la dépouille de Richepance au Fort Delgrès : "une insulte pour la mémoire des ancêtres qui ont lutté pour la liberté !" selon le LKP

Tombe d'Antoine Richepanse au fort Delgrès, photographiée en juillet 2013
Le collectif Lyannaj Kont Pwofitasyon interpelle une nouvelle fois l’exécutif du Département de la Guadeloupe : la dépouille de l’esclavagiste Richepance ne peut reposer au Fort Delgrès, site patrimonial géré par la collectivité. Ce général, envoyé par Bonaparte pour rétablir l’esclavage dans l’archipel en 1802, n’a tout bonnement pas "sa place dans notre terre", affirme le LKP. Une demande maintes fois formulée, mais restée sans suite, à ce jour.

Le prestigieux Fort Delgrès a été bâti en 1650. Il surplombe la ville de Basse-Terre et offre une vue imprenable sur le volcan la Soufrière, depuis le morne Houël. Classé monument historique en 1977, c’est aujourd’hui une propriété du Département de la Guadeloupe.
Le Fort Delgrès fait figure de patrimoine emblématique de l’archipel, un lieu de mémoire incontournable.

Entrée principale du Fort Delgrès, à Basse-Terre.

C’est sur ce site de plus de 5 hectares qu’annuellement la collectivité commémore solennellement l’abolition de l’esclavage. Il s’agit, en effet, du principal lieu d’affrontement, entre les troupes de Guadeloupe menées par le commandant Louis Delgrès, libre de couleur, et celles du général Antoine Richepance (né Richepanse), missionné par Napoléon Bonaparte pour rétablir l’ordre colonial, en 1802.

Vue sur le volcan La Soufrière, depuis le fort Delgrès - avril 2024.

Au final, le système d’asservissement des Noirs de Guadeloupe a bel et bien été réinstauré en juillet, cette année-là.

De cette page d’histoire du territoire, il reste une ombre au tableau, pour de nombreux Guadeloupéens offusqués : la dépouille de l’esclavagiste Richepance, décédé à 32 ans des suites d’une fièvre jaune, le 3 septembre 1802, y repose.

"Tiré misyé la !"

Maintes fois, des organisations ont demandé que le corps de ce militaire soit retiré du Fort Delgrès et envoyé dans l’Hexagone... en vain jusqu’ici.
Le collectif Lyannaj Kont pwofitasyon (LKP) revient régulièrement à la charge. Cette année encore, ses membres demandent au Conseil départemental de procéder au retrait de la sépulture du bonapartiste.

Sa famille est originaire de Metz, d’accord... Enlevez ce type d’ici et envoyez-le à sa famille. Si sa famille n’en veut pas, je ne sais pas, envoyez-le à Macron et au gouvernement français. Ils feront ce qu’ils veulent avec ! D’autant plus qu’il est un héros, pour l’Etat, puisque son nom est marqué sur l’un des quatre pylônes de l’arc de Triomphe (...).

Elie Domota, porte-parole du LKP (au micro de Julien Babel) – [Traduction du créole]

Une mise en demeure a été adressée au président Guy Losbar. Les prédécesseurs de ce dernier avaient aussi été interpellés, à ce sujet. 

Nous avons fait une ultime mise en demeure, pour provoquer une réponse. Si on n’a pas de réponse dans un délai de deux mois, comme la loi le prévoit, nous attaquerons devant le tribunal administratif.

Elie Domota, porte-parole du LKP (au micro de Julien Babel) – [Traduction du créole]

Pour le LKP, le 27 mai, jour de commémoration de l’abolition de l’esclavage en Guadeloupe, ce n’est pas à Delgrès, Ignace, Palerme, Massoteau et leurs camarades combattants pour la liberté, qu’un hommage est rendu, en ces lieux. Les discours sur la liberté ne peuvent pas être prononcés et les gerbes de fleurs déposées au pied du tombeau de cet homme, martèle le collectif.

MANTI ! Ils sont là pour honorer Schoelcher, Richepance, Napoléon, la monarchie française esclavagiste, la République française esclavagiste. Mais en aucun cas pour reconnaître la responsabilité de la France Monarchique ou Républicaine dans tous ces crimes que sont la colonisation, le massacre des Kalinagos, la déportation, la mise en esclavage des Africains et la pérennisation d’une société construite sur la discrimination pour l’éternité (...). Quelle INSULTE !

Communiqué du LKP – 27/05/2024.

Pour les militants, les crimes passés de la République sont ainsi "légitimés".

NOTA BENE/ Le fort a porté plusieurs noms, au fil de l’histoire : Fort Richepanse, Fort Saint-Charles (1960), avant d’être rebaptisé Fort Delgrès en 1989.

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Sculpture au coeur du Mémorial Louis Degrès, dans le Fort éponyme, à Basse-Terre (Guadeloupe).