Glissement de terrain à Deshaies : début du bras-de-fer judiciaire

Me Ariel Alimi avec quelques-uns de ses clients, victimes de l'éboulement de Deshaies, au palais de justice de Basse-Terre - 07/01/2025.
Le volet judiciaire faisant suite à l’éboulement massif du 3 décembre 2024, à Deshaies, s’est ouvert ce mardi 7 janvier 2025. Le tribunal des référés de Basse-Terre devait examiner les recours déposés par des victimes du glissement de terrain. Des victimes qui pointent du doigt leur voisin, à savoir la Société Antillaise de Granulats (SADG), qui exploite la carrière basée au lieu-dit Guyonneau. Cette dernière a évoqué son propre préjudice.

L’enjeu, ce mardi matin, était d’amener le tribunal des référés de Basse-Terre à se prononcer sur les conséquences du glissement de terrain majeur qui s’est produit le 3 décembre dernier, à Savane Paille, sur les hauteurs de la commune de Deshaies.

Glissement de terrain à Deshaies

L’audience a duré un peu moins de deux heures ; c’était le temps d’un duel entre deux avocats qui, à l’évidence, maîtrisaient parfaitement leur dossier.

Des victimes qui exigent relogement et indemnisation

Maître Ariel Alimi, dénonçant les activités de la Société Antillaise de Granulats (SADG), a demandé aux magistrats de faire cesser l’exploitation de la carrière de Deshaies. Cette suspension judiciaire viendrait s’ajouter à celle déjà prononcée, le 2 janvier dernier, par le préfet, en tant qu’autorité administrative.
Pour développer sa plaidoirie, l’avocat des victimes s’est d’ailleurs largement appuyé sur le travail des services de l’Etat, qui ont relevé de multiples infractions de la SADG.

Me Alimi, en outre, a demandé que cette dernière prenne en charge les frais de relogement des victimes, qu’elle paye une provision de 80.000 euros à chacune d’entre elles et, enfin, que le tribunal désigne un expert judiciaire, pour déterminer les causes précises de cet effondrement de 180.000 m3 de matériaux divers.

Les éléments que nous avons produits, c’est pratiquement 15 ans de mises en demeure par la préfecture de la Guadeloupe et de constatations de non-conformité, s’agissant des vibrations, s’agissant d’utilisation d’explosifs au-delà des normes, s’agissant de l’instabilité, s’agissant des dispositifs de ruissellement qui n’ont pas été mise en œuvre, s’agissant de l’absence de contrôle sur l’instabilité des fronts de la carrière... en gros, tout ce qui a causé les effondrements (...)

Maître Ariel Alimi, avocat de victimes du glissement de terrain

Maître Ariel Alimi, avocat de victimes du glissement de terrain ©Eric Stimpfling - Guadeloupe La 1ère

Patricia Quétel a perdu sa maison et son outil de travail, dans les faits. Elle se dit outrée par ce qu’elle a entendu à l’audience.

J’étais bien chez moi. Et, pourtant, on les a avertis, pendant des années, que ça va tomber. Ils ne nous ont pas écoutés, ils ont fait la sourde oreille. Même le jour où ça s’est effondré, ils ne voulaient pas y croire ! (...)

Patricia Quétel, une des victimes du glissement de terrain

Patricia Quétel, une des victimes du glissement de terrain ©Eric Stimpfling - Guadeloupe La 1ère
Glissement de terrain à Deshaies

 

La SADG se dit elle-même victime de l’éboulement

"Nous sommes d’accord sur ce dernier point", a répondu Maître Patrice D’herbomez à son confrère, au sujet de la quantité impressionnante de terre qui s'est effondrée.
Pour le reste, l’avocat de la SADG s’est opposé aux autres demandes, en soulignant à plusieurs reprises que l’entreprise était elle-même victime de ce glissement de terrain. 

La SADG exploite cette carrière et il ne vous a pas échappé que 180.000 m3 nous sont tombés dessus, en provenance de terrains qui sont extérieurs à notre exploitation. Et cela a évidemment des incidences extrêmement graves, bien sûr pour les autres riverains, mais aussi pour nous (...).

Maître Patrice D’herbomez, avocat de la SADG

L’avocat a, en outre, assuré que son client se conformait entièrement à la réglementation. L’extraction et les tirs de mines ont été suspendus. En revanche, le traitement des roches déjà à terre est poursuivi, comme l’autorise l’arrêté préfectoral, a-t-il argumenté. 

Ce qui est suspendu, c’est extraction des matériaux et, par conséquent, nous avons stoppé l’extraction.

Maître Patrice D’herbomez, avocat de la SADG

Maître Patrice D’herbomez, avocat de la SADG ©Eric Stimpfling - Guadeloupe La 1ère

Pour trancher ce point, la présidente du tribunal a demandé que lui soient communiqués les rapports de gendarmerie et de la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL), qui se sont rendus, hier après-midi (lundi 6 janvier 2025), sur le site de la carrière. 

Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 15 janvier prochain. 

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