"C’est intolérable. Ça ne peut pas continuer comme ça". Jean-Jacques est en vacances en Guadeloupe, dans la commune de Sainte-Anne. Il est venu dans l’archipel pour passer du bon temps. Un plaisir qui vaut son pesant d’or, entre le prix des billets d’avion, de l’hébergement et des frais de bouche, notamment. Mais les coupures d’eau ont transformé son séjour en enfer.
La propriétaire du gîte où il est accueilli, comme ses confrères, subit aussi cette situation désastreuse.
Colère et incompréhension des touristes
L'eau est vitale, pour boire, cuisiner, se laver, pour l'hygiène, pour avoir du linge propre, etc. Seulement voilà, dans certains secteurs de la Guadeloupe...
On ne peut pas prendre de douche quand on veut, on ne peut pas faire des lessives comme on veut... C’est très pénalisant pour nous, touristes, mais je pense surtout aux Guadeloupéens qui, eux, souffrent au quotidien (...). Ça vient par intermittence, au compte-gouttes on va dire.
Jean-Jacques, en vacances en Guadeloupe
Idem, l’épouse de Jean-Jacques, Christiane, est excédée.
Je vais vous dire franchement : s’ils nous font une coupure une journée, je veux bien tolérer, je fais attention, il n’y a pas de soucis. Mais 8 jours sans eau, ce n’est pas tolérable ! On ne peut pas vivre sans eau !
Christiane, en vacances en Guadeloupe
Dans ce contexte de pénurie récurrente d’eau, la propriétaire du gîte où est logé le couple se donne du mal pour, autant que possible, satisfaire les besoins de ses clients. C’est ainsi qu’elle livre quotidiennement, à chacun des touristes qu’elle héberge, des packs d’eau minérale pour la boisson et des seaux pour les sanitaires. Un déplaisant manège qui dure depuis près de deux semaines. Là où se situe la propriété, faute du précieux liquide aux robinets, les citernes sont vides.
Jean-Jacques et Christiane étaient déjà venus en Guadeloupe, l’an dernier. Ils étaient persuadés que le problème était réglé, depuis. D’où leur retour, sans doute pour la dernière fois.
Je croyais que c’était résolu ! Je pensais que quelqu’un allait faire quelque chose, réagir, parce qu’on ne peut pas laisser un pays comme ça, sans eau ! On n’a jamais vu ça nulle part... si, dans les pays d’Afrique mais, en France, on ne peut pas tolérer ça, ce n’est pas possible !
Christiane, en vacances en Guadeloupe
À VOIR/ Les témoignages complets de Jean-Jacques et Christiane :
Tous deux partiront avant la fin prévue de leur séjour. Ils dissuaderont leurs amis de venir en Guadeloupe.
Des professionnels en souffrance
Partout où le problème de pénurie d'eau perdure, le tableau n’est guère reluisant : des toilettes qui débordent, des éviers pleins de vaisselle sale, des paniers à linge remplis et des corps qui, par cette chaleur, ne peuvent bénéficier d’une bienfaitrice douche.
Dans les communes concernées par les tours d’eau, pour cause de pénurie, de travaux, de casse, d’épisode de pollution et autres, la population locale se plaint continuellement.
Mais les visiteurs, eux, ne l’acceptent pas. Les Français venus de l’Hexagone s’émeuvent d’une telle situation, abasourdis de constater qu’une telle situation puisse perdurer sur le sol national, depuis des années.
Les professionnels du tourisme (hébergeurs, restaurateurs...), eux, ne peuvent que constater les dégâts sur leur activité économique et sur leur trésorerie.
L’achat de packs d’eau représente une somme considérable. Il ne leur est plus possible de laver le linge de maison ; il leur faut donc recourir aux services d’un pressing.
Et, pour couronner le tout, ils font face à des clients mécontents, dont plusieurs demandent à être remboursés, voire dédommagés. D’ailleurs, des plateformes de réservation qui ont pignon sur rue exigent ces remboursements, aux vues du préjudice subi.
Au final, on dédommage les clients, on écoute les plaintes des clients, le prestataire en ligne prend son pourcentage, même s’il rembourse le client et qui écoute les propriétaires ? Qui écoute les gîteurs ? Personne ! Personne ne nous entend ! Personne ne nous rembourse !
Cynthia Dinane, hébergeur touristique
Après la crise sanitaire liée au Covid-19, le défaut de fourniture d’eau potable est synonyme de nouveau coup de massue.
Aux grands maux les grands remèdes : des professionnels appellent à arrêter de payer les factures, prônent une action en justice et le retrait de la compétence eau aux collectivités locales.
(...) Là, aujourd’hui, le seul moyen de s’en sortir, ce serait que l’Etat tape du poing sur la table et dise : "On enlève la compétence eau aux communautés d’agglomération, elles ne savent pas gérer et on fait une délégation de service public". Laissons cela aux professionnels !
Emmanuel Bréchot, professionnel du tourisme
De guerre lasse, certains professionnels ont recours à des solutions en dehors des clous, comme par exemple s’alimenter via le réseau d’eau agricole. Un plan B qui s’apparente à de l’entraide, en ces temps difficiles.
Des "réhabilitations de filtres" à l’origine des perturbations
Dans un communiqué daté du 19 janvier 2024, le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG) informe les usagers des communes de Saint-François, Sainte-Anne, le Gosier et La Désirade, "que les travaux à l’usine de Deshauteurs ont débuté pour réhabiliter les filtres et ce pour une durée de deux mois". "Ces travaux perturbent de manière conséquente la distribution de l’eau, car la production est diminuée pendant la durée du chantier", complète l’opérateur.
Dans le reportage suivant, Eric Stimpfling expliquait en détails cette problématique (1ère diffusion le 17 janvier 2024) :
Mais "Quand tout se passe bien", dans certaines zones de Sainte-Anne, "l’eau est coupée un soir sur deux, de 18h00 à 6h00", planning de tour d’eau à l’appui, nous a indiqué Cynthia Dinane.
La Fédération du tourisme de proximité de Guadeloupe dénonce l’inaction des responsables locaux, quant à cette situation responsable d’une "véritable destruction d’image de la destination" Guadeloupe. Sa présidente Olivia Ramouta annonce avoir entamé "une action collective et radicale".