Le rapport de l'étude menée conjointement par les scientifiques des antennes du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) de Guadeloupe, de Martinique et de Montpellier, associés à d’autres chercheurs du Museum d’histoire Naturelle est consultable en ligne et est intitulé : "Long-term pollution by chlordecone of tropical volcanic soils in the French West Indies: a simple leaching model accounts for current residue".
Il annonce ce qui peut être considéré comme une très bonne nouvelle, concernant la persistance de la pollution des sols des Antilles, par la chlordécone.
En effet, les auteurs de cette étude viennent de déterminer que cette persistance pourrait être bien moins importante qu’initialement prévu. Les premières estimations laissaient entendre que la molécule serait présente dans les terres de Guadeloupe, notamment, pour des siècles. Mais, forts de leur dernières mesures, les scientifiques avancent désormais 2070, comme date de décontamination possible.
Les estimations à l'épreuve de la réalité du terrain
Pour rappel, la molécule Chlordécone (CLD) était contenue dans un pesticide utilisé, durant des décennies, pour lutter contre le charançon, dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique. Il en découle une pollution massive des terres concernées, pour une période préalablement évaluée à plusieurs centaines d'années.
Les projections établies au début des années 2000, grâce à un modèle mathématique appelé WISORCH, estimaient cette persistance à 100 ans, pour les nitisols et à 600 ans, pour les andosols.
Grâce à la recherche, le temps passant, l’état de connaissance de l'évolution de la Chlordécone, dans les sols contaminés, a fait un bond incroyable, particulièrement quant à la décontamination naturelle des sols.
L'étude du CIRAD et du Museum d’histoire Naturelle rebat un peu plus les cartes, alors que les scientifiques avaient déjà pu établir que la CLD se dégradait naturellement, dans certains types de sols, grâce à des bactéries.
Il convenait donc de réévaluer la durée de persistance.
Le fait est que, sur la base d’observations in situ, effectuées entre 2001 et 2020, mais aussi au regard de 17 échantillonnages, les analyses montrent une diminution inattendue, quatre fois plus importante que celle initialement prévue.
Une augmentation de dégradation qui ne s’explique ni par l’érosion, ni par le lessivage des sols.
Les scientifiques ont donc mis à jour leur modèle mathématique et estiment désormais une décontamination, pour certains sols, dans les années 2070.
Une excellente nouvelle, qui implique désormais de revoir les stratégies de décontamination et d’accompagnement récemment évoquée, lors d’une audition sénatoriale.
A revoir aussi : la nature des produits de dégradations, leur toxicité et la gestion des cultures sur les sols contaminés.
Entretien avec Philippe Cattan, co-auteur du rapport
Philippe Cattan est agronome au CIRAD de Montpellier. Il a longtemps travaillé au CIRAD de Guadeloupe, entre 1999 et 2016, sur la question de l’impact des pratiques agricoles sur l’environnement. C’est lui qui est le correspondant presse de l’équipe de recherche qui a mené cette étude.
Joint par Sébastien Gilles, au téléphone, il revient sur l'intention de l'équipe de chercheurs et sur la finalité des résultats de cette étude.
Le fait est qu'au fur et à mesure de la décontamination des sols, d'un seuil à l'autre, la culture de certaines plantes peut être envisagée.
Philippe Cattan : "On a obtenu des baisses plus importantes, que celle qu'on aurait pu avoir en prenant les premières estimations (...). La quantité de chlordécone dans le champ est divisée par deux tous les 5 ans".