Haïti : le nombre d'enfants recrutés par des gangs a grimpé de 70% en un an, alerte l'UNICEF

Un membre d'un gang, qui porte un masque de super-héros, pose pour une photo à Port-au-Prince (Haïti) - 13/11.2024.
Le nombre d'enfants recrutés par des bandes armées a augmenté de 70% en Haïti sur un an et ils forment près de la moitié des effectifs de ces gangs, alerte l'Unicef. Alors que la situation s'est fortement détériorée ces dernières semaines, les enfants sont les premiers à subir les violences. Leur recrutement les fait passer de victimes à bourreaux et ils se retrouvent pris au piège d'une spirale infernale.

Le chiffre fait froid dans le dos, le nombre d'enfants recrutés par des bandes armées a augmenté de 70% en Haïti sur un an. Selon les toutes dernières estimations de l'UNICEF, ils formeraient aujourd'hui la moitié des effectifs de ces gangs qui maintiennent le pays sous le joug de la violence.
"Ce pic sans précédent, enregistré entre les deuxièmes trimestres de 2023 et 2024, montre une aggravation de la crise de la protection de l'enfance", s'inquiète le Fonds des Nations unies pour l'enfance dans un communiqué.

Une situation de chaos sans précédent

Depuis fin février, Haïti, pays pauvre déjà plongé dans des années de crises, fait face à une flambée d'attaques de gangs, accusés de meurtres, d'enlèvements et de violences sexuelles à grande échelle.
Ces gangs, qui contrôlent environ 80% de la capitale Port-au-Prince, s'en prennent régulièrement aux civils malgré le déploiement cette année d'une mission multinationale d'appui à la sécurité menée par le Kenya et soutenue par l'ONU.

Sous la férule de Jimmy Chérisier, ancien policier devenu chef de gang et surnommé "Barbecue", la majorité de ces groupes armés ont formé cette année une coalition dans le but d'obtenir le départ de l'impopulaire Premier ministre Ariel Henry, qui a démissionné en avril. Après des semaines de lutte pour le contrôle du gouvernement, son successeur Garry Conille vient d'être démis de ses fonctions par le Conseil présidentiel de transition, qui a nommé à sa place Alix Didier Fils-Aimé.

Selon l'Unicef, l'escalade de la violence, la pauvreté généralisée, le manque d'accès à l'éducation et le quasi-effondrement des services essentiels alimentent le recrutement massif d'enfants.

Les enfants d’Haïti sont pris au piège d’une spirale infernale : enrôlés par les groupes armés à l’origine même de leur désespoir. Et leur nombre ne cesse de croître. Il faut renverser cette tendance inacceptable en veillant à ce que la sécurité et le bien-être des enfants soient considérés comme prioritaires par toutes les parties.

Catherine Russell, directrice générale de l’UNICEF

Les enfants pris au piège de la violence

Les enfants sont souvent contraints de s’enrôler pour subvenir aux besoins de leur famille ou sous peine de voir leur sécurité menacée. Nombre d’entre eux sont recrutés après avoir été séparés des personnes qui s’occupaient d’eux, privés de protection et d’options alternatives de survie. Ils représentent la moitié des 703 000 personnes déplacées dans le pays.

Par ailleurs, les enfants vivant dans les zones – de moins en moins nombreuses – qui échappent au contrôle des groupes armés sont souvent considérés avec suspicion et peuvent être considérés comme des espions, voire être tués par des mouvements d’autodéfense. Lorsqu’ils font défection ou refusent de se joindre à la violence, leur vie et leur sécurité sont immédiatement menacées.

L'appel de l'UNICEF

L’UNICEF demande instamment à toutes les parties en Haïti, y compris les forces de sécurité et le gouvernement, de :

  • Prioriser la sécurité et la protection de tous les enfants et veiller à ce qu’ils soient traités comme des enfants avant tout, en prenant toutes les mesures nécessaires pour éviter que d’autres enfants, y compris ceux qui ont été recrutés, ne soient tués ou blessés.
  • Soutenir la libération immédiate des enfants recrutés par les groupes armés et leur transfert immédiat aux acteurs civils de la protection de l’enfance en vue de leur réadaptation et de leur réintégration.
  • Veiller à ce que les droits et la protection de tous les enfants en Haïti soient au cœur de tous les programmes actuels et futurs. Les enfants doivent être protégés du recrutement, de la violence sexuelle et d’autres formes de violence, et avoir un accès sûr aux services de base, y compris l’éducation, la santé, la nutrition et la protection.