Coronavirus : Les religions s'adaptent au contexte de la pandémie

Une messe sans fidèle
Depuis l'instauration des mesures de confinement, les fidèles de toutes les religions ont dû renoncer à leur pratique ordinaire. Pour autant, loin d'ébranler leur foi, cette situation a mis en exergue leur imagination et suscité celle des artistes qui font preuve de génie dans ce qu'ils en disent
Etymologiquement, le mot religion signifie "relier". De fait, toutes les grandes religions visent à former des communautés et à les rassembler. 
Mais le Coronavirus est venu s'immiscer dans cette relation entre les hommes, les isolant les uns des autres. Comme l'a annoncé le président Emmanuel Macron le 23 mars dernier aux représentants des cultes réunis par audioconférence : les célébrations religieuses du mois d'avril devront se faire "sans rassemblement". 
Plus de rassemblements de fidèles, plus d'actes caractéristiques de ces cultes et le mois d'avril qui devait être un véritable carrefour pour les trois grandes religions monothéistes, se vivra chacun chez soi.
C'est en effet durant ce même mois que les Juifs fêteront Pessah, à partir de ce mercredi 8 avril 2020 au coucher du soleil, jusqu'au soir du jeudi 16 avril 2020. Pour les Chrétiens, ce sera la fête de Pâques dimanche et les catholiques ont entamé ce lundi leur Semaine Sainte. Enfin les Musulmans, même si les dates peuvent encore bouger, vivront le Ramadan à partir de la soirée du jeudi 23 avril jusqu'à la soirée du samedi 23 mai.

Une adaptation des pratiques


Pour le Président de la République, "les fêtes (religieuses) ne seront pas vécues comme habituellement. Il y a une possibilité de les vivre de manière virtuelle". De fait, la pratique de tous les cultes se fait désormais via les réseaux sociaux ou pour le moins, grâce à des retransmissions télévisuelles. Mais pour la pratique des grandes fêtes, chaque culte a essayé de s'adapter aux mesures sanitaires en vigueur.

Le temps de Pessah

Pour les Juifs, ces fêtes religieuses du mois d’avril devront se faire sans rassemblement. La soirée du séder (1) sera limitée à la cellule familiale au sens le plus strict. Mais il faut bien l'avouer, l'idée d'une Pessah digitale a du mal à passer. L'idée de fournir des ordinateurs aux personnes âgées pour leur permettre de participer à la soirée du séder n'a pas manqué de faire débat. Un rabbin a même du rendre un "psak", un avis religieux sur la question, et considérer que, face à une situation "d'urgence" comme la pandémie du coronavirus, il est licite d'utiliser un ordinateur pour célébrer la fête avec des "personnes âgées" et ou des "malades".

Le temps de Pâques ou de Pâque

Pour les Chrétiens, les Eglises Protestantes, particulièrement les différentes mouvances évangéliques, ont amplifié leur présence sur les réseaux sociaux et devraient remplacer les différentes conventions prévues autour de Pâques par des échanges sur les réseaux sociaux. Pour les Adventistes, traditionnellement il n'y a pas de raison évidente d’observer Pâques en tant que fête religieuse. Mais, comme pour Noël, beaucoup d'Adventistes ont pris l'habitude de marquer ce temps de Pâques. Pour autant , c'est plutôt l'occasion de mettre en place des études spéciales dans la Bible et cette année, ce sera l'opportunité de toucher le public avec le message qui se fera donc par le biais des réseaux sociaux.
Enfin pour les Catholiques, Pâques est l'un des deux temps forts de leur calendrier. Face à la pandémie, l'Eglise Catholique s'est immédiatement adaptée avec, à la pointe de cette nouvelle posture, le Pape François lui-même. Le souverain pontife célèbre désormais chaque jour une messe diffusée en direct dans le monde entier. Il en sera donc ainsi pour les principaux rendez-vous de la Semaine Sainte et pour le jour de Pâques. Des célébrations dépouillées où la distanciation physique des intervenants est strictement respectée. 
Et dans les diocèses, les prêtres autant que les évêques se sont habitués à officier par les réseaux sociaux. Le dimanche des Rameaux aura été aux Antilles et en Guyane, l'occasion de retransmissions spéciales de messes célébrées par les évêques eux-mêmes et cela se renouvellera pour le dimanche de Pâques. 
Pour les Orthodoxes, la Pâque est la plus grande fête en Grèce et c'est une fête mobile (chez les Orthodoxes on dit « Pâque » au singulier et non pas « Pâques »). Du calcul de la date de Pâque dépendent plusieurs autres fêtes religieuses; et selon le calendrier orthodoxe, en 2020, la Pâque grecque sera fêtée le : Dimanche, 19 avril 2020. Un fête que les Orthodoxes ne conçoivent qu'en grande communauté (2). C'est dire la difficile adaptation que le contexte de confinement leur imposera.

Le temps du Ramadan

Pour les Musulmans, la grande mosquée de Paris, à l’instar des autres lieux de culte,  a prévu de ne pas accueillir plus de 20 fidèles, "à condition de respecter les règles de distanciation sociale." D’ores et déjà, le CFCM prépare les musulmans à l'éventualité d'une impossibilité totale lors de la fin du Ramadan et leur indique la conduite à tenir :

"Dans la perspective d’une prolongation de la fermeture des mosquées pendant tout ou une partie du mois de Ramadan, le CFCM appelle les responsables musulmans et les imams à user de tous les moyens possibles pour continuer à maintenir le contact avec les fidèles, notamment les plus fragiles, et de faire en sorte que l’esprit du partage de ce mois béni puisse s’exprimer davantage en cette période de confinement", indique l’instance religieuse.

 

Une exception qui ne devra pas devenir une règle


En fait, il faut bien l'avouer, ces dernières années beaucoup de lieux de cultes se sont vidés, quelquefois au profit d'autres, mais souvent, parce que la pratique religieuse a perdu du terrain. Chacun estime pourvoir vivre son culte de manière personnelle. Un principe combattu par toutes les religions. Le coronavirus cependant les a obligées à admettre l'inadmissible jusque là. Mais ici comme pour d'autres secteurs économiques ou sociaux, on pense déjà à l'après. Un rabbin disait récemment : 

"Le problème c'est que des rabbins craignent que ça dégénère et qu'à toutes les fêtes à venir, les gens utilisent Zoom, WhatsApp et Facebook et que ça mène à un mépris de la religion."

et ils ne sont probablement pas les seuls. 
Ici et là, Zoom, Whatsapp et Facebook sont devenus les canaux de l'expression des assemblées religieuses. Même les veillées mortuaires se font sur Zoom. Un culte virtuel qui donne l'impression d'un rassemblement d'individu mais qui montre déjà ses limites, et les responsables des différentes religions le savent : Il faudra certes en tenir compte mais pour le reste, tout sera à rebâtir.
En attendant, la situation inspire beaucoup les artistes. Certains composent, d'autres dessinent et d'autres encore, utilisent ces réseaux sociaux pour exprimer tout cela avec la pertinence de leur regard.
Exprimant sur twitter son regard sur ces fêtes de Pâques très spéciales,
MythAddict a imaginé la Cène (la seder) en visioconférence  (1) Le Séder est le repas rituel pris les deux premiers soirs de la fête juive de Pâque (seulement le premier soir en Israël). Au cours de ce dîner, on lit la Haggada qui retrace l’histoire de l’Exode des Hébreux hors d’Égypte où ils étaient réduits en esclavage, d’après la tradition biblique.
Le Séder répond au commandement religieux que tous les Israélites doivent rappeler et transmettre dans leurs familles le souvenir de la libération divine.

(2) Les pratiques de la Paque Orthodoxe : Durant cette célébration, une procession est organisée le samedi à minuit. On remet des cierges aux fidèles qu'il faut allumer dans l'église qui est elle-même plongée dans le noir. Apparaît ensuite le prêtre avec une bougie qui dit "Venez prendre la lumière à la Lumière sans déclin et glorifiez le Christ ressuscité d'entre les morts". La bougie passe alors de main en main pour allumer toutes les autres. Parfoi, une procession est organisée autour de l'église, les fidèles portent des bougies et des croix. Une personne reste dans l'église et allume toutes les autres bougies. De cette façon quand les fidèles reviennent l'église est entièrement illuminée. Le dimanche après-midi, les Orthodoxes célèbrent le “dimanche de l'Amour”. L'évangile de Jean est alors lu dans plusieurs langues pour que tous les peuples entendent la parole de Dieu durant les vêpres.