Affaire Michel Zecler : des messages retrouvés dans les téléphones des policiers mettent un peu plus à mal leur version

Capture d'écran d'une vidéosurveillance montrant le producteur de musique Michel Zecler frappé par des policiers dans son studio de musique à Paris, le 21 novembre 2020.
La vidéo du passage à tabac du producteur de musique d'origine martiniquaise avait déjà contraint les policiers à changer leur version des faits. Des échanges révélés par le média d'investigation en ligne Mediapart démontent une autre partie de leur récit.

C’était il y a quatre ans, jour pour jour. Dans la soirée du 21 novembre 2020, Michel Zecler, un producteur de musique d’origine martiniquaise, était passé à tabac par des policiers dans son studio d’enregistrement du XVIIe arrondissement de Paris.

Dans la foulée, les policiers portent plainte contre lui. Ils l’accusent de les avoir frappés, et même d’avoir tenté de s’emparer de leurs armes. Au moment de donner cette version des faits, ils ignoraient que la caméra de vidéosurveillance du studio enregistrait la scène.

Quelques jours après l'agression, la diffusion de la vidéo par les journalistes de Loopsider provoque un émoi national, poussant même le président de la République, Emmanuel Macron, à parler pour la première fois de "violences policières".

"Il s'est juste débattu"

Alors que la vidéosurveillance a déjà contraint les policiers à changer leur version, le média d'investigation en ligne Mediapart diffuse des éléments de l’enquête des échanges de messages tirés de leurs téléphones qui mettent un peu plus à mal leur récit initial.

La version policière est la suivante : alors qu’ils veulent contrôler Michel Zecler pour non-port du masque – en novembre 2020, l'épidémie de coronavirus bat son plein – ce dernier s’enfuit et se réfugie dans le hall d’un immeuble. Le producteur les tire de force dans le hall avant de les frapper. Les policiers affirment n’avoir rendu les coups qu’ensuite, pour se défendre.

L’un des messages que révèle Mediapart, envoyé par l’un des policiers 48h après les faits, ne laisse pourtant que peu de place au doute : "Le mec n’a porté aucun coup, il s’est juste débattu".

Alors que le procès-verbal écrit par les policiers dénonçait des violences de la part du Martiniquais, les messages laissent entendre l’inverse. Celui dont les blessures sont censées être les plus graves écrit par exemple : "Oui tkt jai la main gonfle pcq jai tapé le mec". Un autre répond à l’un de ses contacts, qui s’inquiète de ses blessures : "J’ai rien". Une blessure imaginaire qui lui a pourtant valu deux jours d’interruptions temporaires de travail (ITT). Mesurées en jours, les ITT permettent aux magistrats d’évaluer la gravité des violences qu’a subies une personne, et donc de fixer la sanction en conséquence.

Les blessures subies par Michel Zecler lors de son passage à tabac sont bien plus graves, évaluées à 45 jours d’ITT. "En vrai, pas suffisamment, on n’a pas été méchant je trouve", commente pourtant par message l’un des policiers, en référence aux blessures du producteur.

"Sale nègre" ?

La caméra d’où a été tirée la vidéosurveillance n’enregistre pas le son. Michel Zecler affirme que les policiers l’ont insulté et l’un des jeunes qui travaillaient au sous-sol du studio et qui, alertés par les bruits, sont venus aider Michel Zecler affirme avoir entendu "On va te tuer sale nègre". Sur ce point, les policiers continuent de nier. L’enjeu est important : s’il est retenu, le caractère raciste de l’agression est une circonstance aggravante.

Les messages consultés par Mediapart ne parlent pas précisément de ce point, mais, comme l’avait révélé Envoyé spécial en 2021, un photomontage retrouvé dans le téléphone de l’un des policiers interroge. La mention "quand tu dégonfles ton matelas en fin de soirée" a été rajoutée sur l’image. La photo représente la mort de Georges Floyd, un afro-américain mort étouffé sous le poids du policier qui l’interpellait, devenu le symbole des violences policières aux États-Unis.

Dans l’affaire Michel Zecler, quatre policiers ont été mis en examen pour violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique. Ils sont aussi accusés de faux en écriture publique, car soupçonnés d’avoir menti lors de l’établissement du procès-verbal de l’interpellation. Quatre ans après les faits, l’enquête est terminée et le réquisitoire du parquet est attendu prochainement.