Souvenez-vous : le 8 octobre 2020, Laurent Lafferrière a été renversé, sur la RD6, la route de Mazarin, à Vieux-Fort, alors qu'il était à vélo.
Ce professeur de sport, lui-même sportif de haut niveau, triathlète membre du Tri Team Karayib (TTK), n'a pas survécu à ses blessures.
Dans la voiture banalisée de location qui l'a percuté, il y avait trois gendarmes mobiles. Ils n'étaient pas en fonction, à ce moment-là. Tous étaient sous l'emprise d'alcool.
Le procès du conducteur, qui était sous contrôle judiciaire depuis le début de cette affaire, s'est tenu ce vendredi 2 juillet 2021, à la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Basse-Terre.
Le verdict
Kevin Bonelli a été condamné à 4 ans de prison, dont 3 ans avec sursis et un an de prison ferme, avec mandat de dépôt (ce qui signifie qu'il va effectuer cette année derrière les barreaux), à une obligation de soins et à indemniser les victimes. Il écope également d'une interdiction de passer son permis de conduire, pendant deux années.
Un verdict plus sévère que ce qu'a requis le procureur.
Pas de quoi apaiser la douleur éprouvée par la famille de la victime, selon Maître Pierre Salem-Cormier, avocat de la partie civile :
A noter que, dans cette affaire, les deux autres gendarmes présents à bord de la voiture, le jour de l'accident, n'ont pas été poursuivis. Ils ont pourtant laissé Kevin Bonelli prendre le volant, sous l'emprise de l'alcool.
A ce sujet, durant le procès, il est ressorti que le condamné était celui des trois qui était le plus apte à conduire...
Le procès
Le prévenu, Kevin Bonelli, gendarme mobile depuis 2014, âgé de 27 ans, était jugé pour homicide involontaire, sous emprise alcoolique. Son taux d'alcoolémie était de 1,38 gr/l, selon les précisions apportées par le procureur de Basse-Terre.
L'accident est survenu, le 8 octobre 2020, à 17h10, par un temps sec et clair.
Laurent Lafferrière a été percuté de face ; son corps a enfoncé le pare-brise de la voiture.
L'homme, en bon sportif aguerri, portait ses équipements de sécurité. Mais le choc a été tellement violent qu'il a été victime d'un polytraumatisme.
Il est décédé vers 18h30, malgré les soins prodigués par les secours dépêchés sur place.
Le conducteur effectuait son deuxième séjour professionnel, en Guadeloupe. Au moment des faits, il était entre deux services.
Il ressort des débats qu'il connaissait bien la Route départementale 6.
Deux témoignages soutiennent que le véhicule du prévenu roulait au-dessus de 70km/h, limite maximale sur la RD6 ; mais celui-ci a affirmé qu’il roulait normalement.
Kevin Bonelli pensait avoir le temps de doubler la voiture qui le précédait et, donc, d’éviter les cyclistes qui venaient en sens inverse.
Une déclaration que la présidente du tribunal a jugé très "éloignée des éléments du dossier".
Par ailleurs, il apparait que le jeune homme a contacté la gendarmerie prioritairement, plutôt que les pompiers, d'où la question posée par la présidente :
- "Pourquoi avoir contacté la gendarmerie et ne pas avoir appelé les secours, alors que vous aviez un homme en face de vous, blessé, à travers votre pare-brise ?"
- "J’étais en état de choc", a répondu Kevin Bonelli.
Cyrille Caponi, membre du Tri Team Karaïb, roulait devant la victime. Il a expliqué à la barre, ému, qu’il a réussi, lui, "à échapper à la voiture" du prévenu :
- "J’ai aidé à sortir Laurent de la voiture, lui n’a rien fait" a-t-il précisé en désignant le prévenu.
Et puis, durant le procès, il a été longuement question de Laurent Lafferrière.
Maître Rémy Le Bonnois, avocat de la partie civile, a rappelé la carrière de la victime, ses engagements et a expliqué le bouleversement qu'a provoqué son décès, dans de telles circonstances, pour la famille. Cet avocat a demandé une obligation de soins, une condamnation et un dédommagement substantiel.
Le vice-bâtonnier de la Guadeloupe, Maître Josselin Troupé, avocat de l'association Tri Team Karaïb), a déploré que le prévenu se soit d’abord inquiété de sa propre personne et a rappelé l’engagement de la victime, au sein du club de triathlon, où il était le référent sécurité...
Le gendarme a eu quelques mots pour les proches de la victime, dont sa compagne Guénaëlle Feriot : "Je me sens honteux. Je suis complètement désolé envers la famille. J’ai pas les mots".
Suspendu au lendemain de l’accident, Kevin Bonelli a indiqué souffrir d’un stress post-traumatique, être suivi par un psychologue et suivre un traitement médicamenteux.
Il risque la radiation de la gendarmerie.
Enfin, le procureur a déclaré que le prévenu avait fait le mauvais choix et a fait preuve d’un comportement égoïste, d'autant plus qu'il connaissait la route et a doublé un véhicule, dans un virage, alors qu’il y avait plusieurs sportifs, sur le site, à cette heure, comme habituellement.
- "Vous avez bafoué toutes les règles que vous aviez apprises et que vous étiez chargé de faire respecter, en tant que gendarme !", a déclaré le procureur, en s'adressant à Kevin Bonelli.
Pour autant, le magistrat n'a requis que 3 ans de prison, dont 2 ans avec sursis, une obligation d’indemniser les victimes et l'annulation du permis de conduire pendant 2 ans.
Maître Lorenza Bourjac, avocate de la défense, quant à elle, a dit comprendre la souffrance de la famille, mais a plaidé la relaxe de son client, un gendarme exemplaire... jusqu’au drame.
Elle n'est pas encore décidée à faire appel de la décision du tribunal :