Le Met n'est pas seulement connu pour son gala annuel et ses stars qui se pressent pour y assister. Le Metropolitan Museum of Art de New York est le plus grand musée d'art des États-Unis et l'un des plus grands musées d'art au monde.
Il accueille, depuis le 25 février, l’exposition inédite "The Harlem Renaissance and Transatlantic Modernism" (La Renaissance de Harlem et le modernisme transatlantique).
Ce musée grandiose adossé à Central Park a présenté un panorama complet du premier mouvement international d'art moderne fondé par des artistes afro-américains, censé représenter "la vie quotidienne moderne de nouveaux quartiers noirs comme Harlem à New York et South Side à Chicago dans les années 1920-1940".
"Grâce à des portraits, des scènes de la vie urbaine et nocturne, par des artistes majeurs de l'époque, cette exposition met en exergue le rôle central du mouvement "Harlem Renaissance" pour façonner le sujet noir moderne et même l'art moderne du début du XXe siècle", avait expliqué le directeur du Met, l'Autrichien Max Hollein.
Parmi les artistes mis à l'honneur figurent Charles Alston, Miguel Covarrubias, Aaron Douglas, Meta Warrick Fuller, William H. Johnson, Archibald Motley, Winold Reiss, Augusta Savage, James Van Der Zee et Laura Wheeler Waring.
Parmi ces œuvres d'afro-américains, des tableaux de la peintre française Germaine Casse. Elle est célèbre pour ses représentations d'Antillais et de paysages de Guadeloupe.
La présence d'artistes européens est une manière pour le directeur du Met de démarginaliser et rehausser le statut de "Harlem Renaissance", un mouvement ni structuré dans le temps, ni cantonné à Harlem, quartier multiculturel et populaire du nord de Manhattan.
La Guadeloupe au cœur de ses toiles
La peintre naît à Paris en 1881. Elle est la fille du député guadeloupéen Germain Casse, qui a été notamment gouverneur de Martinique. L'homme est un abolitionniste engagé. La mère de la peintre, Julie John, vient du Sénégal.
Germaine passe son enfance aux Antilles. Très tôt, elle se met à la peinture.
Christelle Lozère, maître de conférences HDR (habilitation à diriger des recherches) en histoire de l'Art à l'Université des Antilles, la présente dans le catalogue de l'exposition de Harlem Renaissance, en collaboration avec le Met. On y apprend qu'en 1923, elle organise la première exposition artistique officielle de Guadeloupe. L'année suite, elle crée à Pointe-à-Pitre, une "Société des artistes antillais" avec comme but affiché de faire découvrir l'art moderne en Guadeloupe et en Martinique.
Alors qu'elle vit dans l'archipel, elle peint au moins 145 tableaux, des plages, des scènes de vie ou des portraits d'hommes et de femmes. Celui baptisé "Édoualine, portrait de jeune fille", représente une Guadeloupéenne coiffée d’un foulard en madras. Des visages que l'on voit peu sur des toiles, exposées en 1925, lors d'une exposition consacrée à Germaine Casse à la galerie Georges Petit, à Paris.
Une reconnaissance des artistes afro-américains
Dès 1923, ses peintures attirent l'œil des Américains, notamment celui de l'écrivain, philosophe et mécène Alain Locke, détaille Christelle Lozère. Il a beaucoup écrit sur le mouvement afro-culturel "Harlem renaissance". Ce courant entre 1918 et 1937 environ "constitua le phénomène le plus riche d'influences de l'histoire littéraire noire américaine. Actifs dans le domaine de la littérature, de la musique, des arts du spectacle et des arts plastiques, ses membres tentèrent de repenser la conception du "Nègre" sans tenir compte des stéréotypes blancs qui avaient influencé le rapport que les Noirs entretenaient avec leurs racines et entre eux" précise l'encyclopédie Universalis.
Locke, dans la revue afro-américaine Opportunity souligne l’apport de Germaine Casse dans le nouveau traitement de la représentation des personnes noires" et salue le "développement d’un intérêt mûri" pour la représentation des Noirs.
C'est alors pour Germaine Casse le début d'une reconnaissance en Amérique du Nord. Cinq ans plus tard, en 1928, un autre journal en fait l'éloge. Il s'agit cette fois du bi-hebdomadaire "The Afro American of Baltimore", qui rappelle le métissage de la peintre. Un article publié à une période où les États-Unis "débattent de la question de la représentation plastique des Noirs".
Prônant un discours assimilationniste et colonial, Germaine Casse ne peut prendre part à la "démarche militante et engagée des artistes afro-américains tout comme de celle de la Négritude".
La femme noire, sujet de nombreuses toiles de Germaine Casse
Le Met a choisi de mettre en avant une partie de l'histoire de Germaine Casse. En 1924, elle organise en Guadeloupe une exposition d'art moderne qualifiée de "révolutionnaire".
Son dessin pour l'affiche de l'exposition est un véritable manifeste de l'art antillais et, plus particulièrement, un appel aux femmes à contribuer à la production artistique des îles. Elle personnifie la société comme une femme noire moderne entourée des attributs de la peinture, de la sculpture, de l’écriture et de la musique. Si la composition s'inscrit dans les codes de la peinture assimilationniste - madras, couleurs chaudes, paysage -, elle critique également une société qui, depuis environ trois siècles, a empêché la jeunesse noire de Guadeloupe et de Martinique d'étudier les beaux-arts. L'affiche a servi d'invitation aux personnes d'origine noire et multiraciale à organiser une renaissance artistique aux Antilles.
Germaine Casse présentée par Christelle Lozère maître de conférences HDR en histoire de l'Art à l'Université des Antilles pour le Met
L'exposition est visible jusqu’au 28 juillet 2024 à New York.
Source : Christelle Lozère pour l'association Archives of Women Artists, Research & Exhibitions