Lorsque l’actuel conflit qui occupe l’actualité de la Guadeloupe a été lancé, c’était en tout premier lieu pour des raisons sanitaires. Il s’agissait, notamment pour les soignants assujettis à l’obligation vaccinale et au passe-sanitaire, de refuser cette obligation et, pour certains, de refuser purement et simplement la vaccination contre la Covid 19.
C’est que, dès le début de la crise, à la faveur des réseaux sociaux, s’est répandue toute une série d’informations faisant état de la dangerosité de tous les vaccins contre le coronavirus et par la suite, particulièrement contre les vaccins à ARN Messager.
Parce que, alors même que les scientifiques progressaient pas à pas dans la recherche contre le virus, les réseaux sociaux avaient déjà fait l’analyse, le diagnostic et la sentence. Ce faisant, ils ont créé un climat de suspicion et même de peur face aux vaccins. Se faire vacciner relève alors de la bravoure ou, de la folie.
C’est sur cette vague que beaucoup ont choisi de surfer pour aller le plus loin possible dans la contestation. Contestation par principe qui, en l’occurrence, a trouvé un motif par excellence. De fait, les motifs pour refuser de se faire vacciner ne manquaient pas : pas assez de recul, méfiance envers les molécules de l’ARN Messager. Très vite, se sont ajoutées les thématiques sur les effets secondaires qui sont devenues un sujet de prédilection parce qu’il fallait prouver que cette absence de recul n’avait pas permis de voir les effets de l’ARN Messager dont certains témoignaient quant à leur caractère nocif, ce qui justifiait la méfiance. CQFD.
Une enquête journalistique ou scientifique sur chacun des cas signalés pouvait très vite établir la vérité. En réalité, très peu de cas d’effets secondaires par rapport au nombre de vaccinés et pas plus d’effets secondaires que les autres vaccins.
Les spécificités de la Guadeloupe
Mais la rumeur a toujours la dent dure et s’alimente d’elle-même et de tout ce qui peut lui permettre de survivre, de s’étendre et de perdurer.
Mais, quand elle est instrumentalisée, plus rien ne l’arrête parce qu’elle devient alors une arme de destruction massive.
Et c’est bien ce qui s’est passé lorsque pour augmenter les doutes et la peur, certains ont fait un parallèle avec le chlordécone, cette molécule qui a empoisonné des générations de Guadeloupéens et de Martiniquais. Et l’argument a si bien été manié que même en sachant que des milliards de personnes à travers le monde se font vacciner, beaucoup ont cru que, vaccinés, ils risquaient l’empoisonnement « comme pour le chlordécone ».
Il ne restait alors que l’argument « coup de grâce » : les spécificités de la Guadeloupe. Et on pouvait même entendre des soignants et des sapeurs-pompiers arguer de cette spécificité pour justifier de l’inutilité de la vaccination en Guadeloupe.
Une spécificité qui, visiblement, n’a pas été comprise par le virus lui-même puisque, lors de la 4ème vague, des centaines de Guadeloupéens sont décédés et, pour la plupart, ils n’étaient pas vaccinés. Bien sûr, ils avaient écouté tous ceux qui leur avaient déconseillés de le faire, leur suggérant quelques bonnes tisanes du terroir, plus efficaces leur avait-on dit, que tous les vaccins. Ils auront été les victimes directes de toutes ces campagnes de désinformation, de toutes les rumeurs et fake news des réseaux sociaux, mais aussi, de tous les discours oscillant pour ménager la chèvre, le chou et le rimèd razyé.
Le recul souhaité au début, les longs mois d’enquêtes, de rapports, de constats objectifs n’ont pas servi à grand-chose puisque rien n’a suffit pour convaincre les hauts parleurs des adversaires de la vaccination.
Pourtant, toutes ces études ont démontré que bon nombre de morts auraient pu être évitées aux Antilles si ces victimes avaient été vaccinées.
D’autres études ont ajouté la dangerosité du virus pour les femmes enceintes non vaccinées. Mais là encore, beaucoup ne l’étaient pas à leur arrivée en urgence au CHUG et certaines n’ont pas pu être sauvées.
(Voir :
- Plus de 800 morts auraient pu être évitées grâce à la vaccination selon le collectif Covid Urgence Outremer
- Le lourd tribut payé par les femmes enceintes atteintes du COVID)
Et Omicron vint
Argument mobilisateur, la contestation contre l’obligation vaccinale a surtout été la mèche depuis longtemps souhaitée par les organisations syndicales pour générer une mobilisation de masse. Elle a donc permis de soulever tous les tapis où des poussières avaient été reléguées, plongeant ainsi la Guadeloupe dans un nouvel aggiornamento.
Des thèmes qui ont pris le pas sur la question sanitaire. Certes, il sera question de la réintégration des personnels soignants mis à pied parce qu’ils n’étaient pas vaccinés. Très peu en réalité puisqu’entre temps, beaucoup ont choisi de se soumettre à la vaccination, y compris dans le secteur libéral.
Mais, alors que le monde entier s’arc-boute pour faire face au nouveau variant que l’on dit plus contagieux, la Guadeloupe panse ses plaies sociales et sociétales. Comme immunisée par ses spécificités, elle ne semble adopter aucune posture pour faire face au virus. Et alors que le monde entier préconise une troisième dose pour renforcer ses défenses face à Omicron, en Guadeloupe où plus de la moitié de la population n’est pas vaccinée, aucun chapitre de l’accord de méthode ne porte sur la meilleure manière pour la Guadeloupe de faire face à la prochaine vague de contamination.
Peut-être d’ailleurs que tous espèrent qu’elle oubliera la Guadeloupe pour ne pas avoir à dire à la population que la vaccination est encore le seul moyen connu pour lutter contre les formes graves de la maladie, que les gestes barrières restent les premières armes pour freiner la course du virus et qu’en cas de contamination massive, les soignants, risquent gros et seront à nouveau sur le pont.
Alors il faudra encore miser sur une spécificité qu’Omicron au moins devra respecter, ce que Delta n’a pas fait.