Maître Jamil Houda, bâtonnier de l’ordre des avocats de la Guadeloupe.
Divorce à l'amiable
Les avocats dénoncent la méthode, sans concertation et en catimini. Le poids du juge est éliminé dans cette réforme pour désengorger le système judiciaire, mais cela pose le problème de l’équité dans les divorces.
Maître Jamil Houda, bâtonnier de l’ordre des avocats de la Guadeloupe.
Divorce à l'amiable 2
Pour le gouvernement, les choses n’ont pas été organisées sans garde-fous. Bien au contraire, même les avocats ont un rôle prépondérant à jouer puisqu’il leur revient de contresigner l’acte afin d’attesté que la ou les parties conseillée(s) par eux, a ou ont été suffisamment éclairées quant aux conséquences juridiques de l’acte. Les époux bénéficient d’un temps de réflexion pour, s’ils le souhaitent, se rétracter avant la publication de la décision.
Cette simplification des procédures du divorce fait grincer des dents du côté de l'Eglise Catholique. Dans le quotidien La Croix cette semaine, Oranne de Mautort, directrice adjointe du service national Famille et société de la Conférence des évêques de France, considère que la simplification du divorce fait progresser la banalisation du divorce dans la société. La possibilité de se passer d’un juge supprime un élément important de la protection des enfants. (Voir entretien en annexe)
O. de M. :"Nous sommes avant tout surpris. Le divorce est un sujet majeur pour la vie des familles, qui mérite davantage qu’un simple amendement. Cela nécessite beaucoup plus de concertation, avec les associations familiales, les professionnels de l’enfance… Cet amendement reprend une idée qui a déjà été rejetée par le passé, et qui met en avant l’argument financier. Bien sûr, le coût et la durée de la procédure sont des questions importantes, mais cette réponse paraît inadaptée.
Le divorce est un événement grave pour les conjoints, et cette proposition gouvernementale tend à l’occulter. Il y a une banalisation du divorce, qui prend mal en compte son impact réel sur la vie des personnes. On note un hiatus entre les expériences concrètes de divorces, et cette facilitation administrative. On sait que l’expression « divorce par consentement mutuel » ne reflète pas toujours une réalité aussi simple, et que l’un des deux peut être plus durement touché. Et il y a les enfants, évidemment. Le juge, que cet amendement propose d’écarter de la procédure, est le plus à même de protéger les enfants, en prenant les décisions dans leur meilleur intérêt.
Quelle mesure irait, selon vous, dans le bon sens ?
O. de M. : Ce qu’il faudrait, c’est insister sur l’accompagnement des personnes, justement pour éviter cette banalisation, en donnant davantage de moyens aux magistrats pour qu’ils puissent honorer cette dimension du temps, dans la gestion des crises conjugales. Mais c’est un choix de société, un choix politique. Le budget de la justice a beaucoup augmenté sur les prisons, mais pas en direction des affaires liées à la vie ordinaire.
Dans ces crises, la dimension du temps est capitale. Avec cet amendement, on laisse entendre que plus on ira vite au divorce, mieux ce sera. Je crois que c’est une illusion. Il faut au contraire laisser du temps au couple, soit pour lui donner une chance de résoudre finalement les difficultés qui l’ont amené à se poser la question du divorce, soit pour confirmer sa décision de se séparer, mais sans agir dans la précipitation.
Quelle alternative l’Église peut-elle proposer ?
O. de M. : L’Église reconnaît bien, et le pape François l’a clairement redit dans son exhortation apostolique sur la famille Amoris Laetitia, que la vie de couple n’est pas un long fleuve tranquille, mais un « défi », marqué par des crises. Le pape rappelle, avec toute la Tradition, que la séparation est parfois nécessaire, par exemple en cas de violence. Il ne s’agit pas de nier tout cela. Mais les crises que traverse un couple ne lui sont pas nécessairement fatales. Comme l’écrit le pape, « l’amour peut renaître ».
’’Essayons à présent de nous approcher des crises matrimoniales avec un regard qui n’ignore pas leur charge de douleur et d’angoisse’’, nous demande le pape dans Amoris Laetitia. En clair, il nous demande d’imaginer de nouvelles manières d’être proches des couples en difficultés. Il y a bien, dans certaines paroisses, une tradition de conseil conjugal et familial, mais elle est trop méconnue. Les diocèses doivent à présent y travailler. Il n’y a pas encore assez de propositions, mais c’est un grand appel qui nous est lancé.