Education à la sexualité à l’école : une vive polémique relancée par un guide instauré en Belgique

Ecoles d'Anquetil, aux Abymes (illustration).
Peut-être avez-vous entendu parler, ces deniers jours, de l’EVRAS (Education à la vie relationnelle affective et sexuelle). Il s’agit d’un guide instauré en Belgique ; un programme éducatif dénoncé sur les réseaux sociaux. Il est en effet à l’origine d’une vive polémique, alors que des parents d’élèves ont affirmé qu’il serait appliqué en France, notamment en Guadeloupe. Pour vous, nous avons démêlé le vrai du faux.

Les réseaux sociaux s’affolent, depuis plusieurs jours. De même, lors d’assemblées de parents d’élèves, les propos sont virulents ; beaucoup s’insurgent contre la possibilité qu’une éducation sexuelle soit dispensée à leurs enfants, en milieu scolaire, parfois dès la maternelle.

Ce débat n’est pas récent, ni en France, ni même en Guadeloupe.
Il a récemment été relancé par un amalgame fait autour du guide EVRAS (Education à la vie relationnelle affective), qui nous vient de la Belgique ; il s’agit d’un programme éducatif prévu dès l’âge de 5 ans, mis en place dans ce pays voisin de l’Hexagone.

Dans ce contexte, la pétition "Supprimez la loi EVRAS !", adressée au Ministre de l’Education nationale Gabriel Attal, a récolté plus de 13000 signatures en 10 jours. Pour ses détracteurs, ce guide (rendu obligatoire par décret en Wallonie) viserait à évoquer la masturbation, l’orgasme, ou encore la pornographie, avec les élèves, dès le premier degré.

Sauf que le texte en question ne concerne pas notre pays ; il y a donc eu une confusion.

En France, un guide pratique "Accompagnement à la vie relationnelle, affective et sexuelle" existe ; il est accessible > sur le site du ministère de l’Education nationale et de la jeunesse.
La rectrice de Guadeloupe évoque aussi une circulaire française qui remonte au 12 septembre 2018.

Il n’y a pas de modification, pour ce qui concerne la France ; on est basé notamment sur une circulaire qui date de 2018 qui n’a pas évolué récemment.

Christine Gangloff-Ziegler, rectrice de la région académique de la Guadeloupe

Des parents foncièrement contre l’éducation sexuelle

La polémique relancée par le guide EVRAS belge a donné lieu à un récent rassemblement, sur la place de la Victoire, à Pointe-à-Pitre. À cette occasion, un homme s’est montré particulièrement révolté. Une vidéo de lui a été largement partagée sur le réseau social TikTok :

On ne laissera pas ces gens-là agir contre nos enfants ! Nos enfants, c’est l’avenir ! (...) Ce n’est pas normal qu’on veuille enseigner la fellation à nos enfants ! Ce n’est pas normal qu’on veuille enseigner la pénétration à nos enfants ! Au lieu de produire des intellectuels, des ingénieurs... on veut former des acteurs de films X...

Guadeloupéen opposé à l’éducation sexuelle en milieu scolaire

Guadeloupéen opposé à l’éducation sexuelle en milieu scolaire

Les parents que nous avons rencontrés sont eux aussi catégoriques : c’est à eux d’aborder les questions de sexualité avec leurs enfants et de trouver la bonne manière de dire les choses, en fonction du caractère et de l’âge de ceux-ci.

Il faut laisser le soin aux parents d’expliquer aux enfants ce que c’est, la sexualité. Ce n’est pas à l’école de faire cela !

Stévie, parent d’élève

À partir du collège, oui, on peut proposer certaines choses aux enfants mais, en maternelle et primaire, non, je ne crois pas. Laissez l’innocence des enfants.

Béatrice, parent d’élève

Il y a même des gens que je connais qui, à l’âge de 18 ans, ne savaient pas comment ça fonctionnait et qui ont eu des enfants, qui ont une vie épanouie !

Bruno, parent d’élève

Education sexuelle : l'avis de quelques parenst de Guadeloupe ©Lydia Querin et Daniel Quérin - Guadeloupe La 1ère

Qu’en est-il dans les écoles de Guadeloupe ?

C’est dit : EVRAS n’est pas applicable en France.
Pour autant, on ne peut pas dire que certaines questions liées à la sexualité ne sont pas abordées dans les écoles locales...

Il s’agit ici, à travers l’éducation à la sexualité, d’envisager des aspects biologiques. C’est la question de la reproduction, c’est la question aussi de la protection contre les maladies sexuellement transmissibles, par exemple. Mais c’est aussi les parties juridiques et sociales, la réglementation qui existe, ce qui est autorisé, ce qui ne l’est pas. C’est aussi apprendre, si nécessaire, à l’enfant à dire non et c’est l’éducation aux médias (...).

Christine Gangloff-Ziegler, rectrice de la région académique de la Guadeloupe

Christine Gangloff-Ziegler, rectrice de la région académique de la Guadeloupe ©Lydia Querin et Daniel Quérin - Guadeloupe La 1ère

Sur le site de l’Éducation Nationale, il est précisé que l’éducation à la sexualité prend la forme d’une invitation au dialogue, en France.

Dans les faits, il ne s’agit pas pour l’école de supplanter le parent, mais bien d’amorcer des discussions autour de la biologie, de la physiologie, de l’hygiène, ou encore d’aborder des aspects juridique et social.
Il appartient aux parents de prendre le relais et de compléter ce discours, selon Maryse Camprasse.

Nous ne faisons pas d’éducation sexuelle à l’école. Nous faisons de l’éducation à la sexualité, de l’éducation affective.

Maryse Camprasse, infirmière scolaire, secrétaire académique du syndicat SNICS-FSU

Maryse Camprasse, infirmière scolaire, secrétaire académique du syndicat SNES-FSU ©Lydia Querin et Daniel Quérin - Guadeloupe La 1ère

Mais pourquoi une telle levée de boucliers ?
Le tabou autour de l’éducation à la sexualité a la dent dure, dans notre société judéo-chrétienne et française, selon Delphine Tinval. En Guadeloupe, la sexualité est surtout vue comme un moyen de reproduction ; on peine à l’évoquer comme outil de lien social, mais aussi de plaisir.

La sexualité c’est un tabou, c’est surtout un interdit. Pourquoi ? Parce que l’objectif était que les filles ne tombent pas enceintes.

Delphine Tinval socio-anthropologue

Delphine Tinval socio-anthropologue ©Lydia Querin et Daniel Quérin - Guadeloupe La 1ère

Les observateurs avertis et les professionnels intervenant en milieu scolaire se veulent donc rassurants. Mais cela suffira-t-il à convaincre les parents d’élèves, dont certains se montrent particulièrement virulents ?