Elie Domota reprend la main pour le dernier round du combat des suspendus

Elie Domota, meeting du 4 mai 2023
Il s'était fait discret ces derniers temps pour laisser toute la place à ceux qui dirigent le mouvement de soutien à la cause des suspendus des travailleurs de la santé et assimilés. Mais les conditions de réintégration des suspendus voulues par le gouvernement et le risque de désappointement de ces derniers, l'ont incité à s'exprimer. En véritable théoricien du mouvement LKP, l'ancien leader de l'UGTG a évoqué jeudi soir lors d'un meeting, les cartes que le mouvement compte mettre sur la table pour défendre ces travailleurs des secteurs public et privé de la santé.

Même s'ils expriment leur confiance dans la lutte qu'ils mènent depuis 20 mois, soutenus en cela par des organisations syndicales et politiques, les personnels de santé et assimilés qui font l'objet d'une mesure de suspension ne pouvaient pas accueillir la nouvelle émanant de la note d'instruction du gouvernement sans une certaine appréhension, voire même une certaine inquiétude.

Une note qui se limite à prévoir leur éventuelle réintégration au lendemain de la publication du décret, sans leur accorder quoi que ce soit d'autre. En clair, et particulièrement pour ceux qui sont dans la fonction publique hospitalière, ils perdent les 20 mois de salaires au cours desquels il n'ont pas travaillé, ils n'ont sur cette période aucun droit à congés et de fait, n'ayant pas côtisé durant leur suspension, ils n'ont pas alimenté de caisse de retraite et ont perdu 20 mois de droits. (Voir : "Un décret qui ne reconnait qu'un seul droit aux suspendus : celui de réintégrer leur poste ")

Il fallait donc regonfler le moral des troupes et les galvaniser en vue des prochains combats qui se profilent à l'horizon immédiat.

Comme un boxeur qui attendait son heure


Cette étape-là, Elie Domota l'attendait. Le stratège syndical se réservait pour cet instant. Dans le meeting qui lui en donne l'occasion, les mots sortent comme des coups assénés. Tous les coins du rings sont passés en revue. 
Et le premier d'entre eux vise à souligner une situation de discrimination entre ces personnels, privés ou publics, et d'autres professionnels qui, malgré leur refus de la vaccination, n'ont jamais été suspendus. 

S'ils disent aujourd'hui que vous ne serez pas payés, que vous n'avez pas droit à une carrière reconnue durant ces mois de suspension, ni à une retraite, ni aux indemnités chômage, parce que vous n'avez pas travaillé et ne pouvez pas justifier de service effectué, ils doivent aussi pouvoir nous expliquer pourquoi cette loi de l'obligation vaccinale n'a pas été appliquée aux pompiers. Puisque les pompiers n'étaient pas tous vaccinés pourquoi n'ont-ils pas tous été suspendus ? Pourquoi les ambulanciers n'ont-ils pas tous été suspendus ? Pourquoi n'ont-ils pas suspendu tous les psychologues qui travaillent à Pôle Emploi ? Pourquoi n'ont-ils pas suspendu tous les personnels du Département affectés à la protection maternelle et infantiles ? Pourquoi n'ont-ils pas suspendu tous les personnels des associations subventionnées par le Département et qui travaillent dans le domaine de l'enfance ? Ils doivent aussi nous expliquer pourquoi ils n'ont pas appliqué le pass-sanitaire dans les centres commerciaux ? Ils doivent nous expliquer pourquoi le pass-vaccinal n'a jamais été appliqué en Guadeloupe. Parce que si on me dit que comme je n'ai pas travaillé je ne peux pas être payé, on doit aussi pouvoir me dire pourquoi certains qui auraient dû être suspendus comme moi ne l'ont pas été. Il faut aussi me dire pourquoi certains ont pu travailler avec des certificats de rétablissement périmés quelquefois depuis plus d'un an et demi. Et si cela ne peut pas m'être expliqué, je dois être rémunéré !

Elie Domota, leader du LKP

Et la conclusion est simple pour lui : si les suspendus ne bénéficient pas des mêmes droits que tous ces autres travailleurs cités, il s'agira alors d'un cas de discrimination. Les applaudissements pleuvent. L'argument a fait mouche. L'audience est acquise. D'autant plus que, la porte qu'on commençait à croire fermée, s'entr'ouvre à nouveau avec de nouvelles perspectives crédibles. 
Ce n'est alors que la première salve de coups. Le syndicaliste repart au combat. Cette fois, c'est le taux réel de vaccination qu'il cible. Des taux qui diminuent de doses en doses alors même qu'ils sont sensés être obligatoires.
Or, le nombre de suspendus n'ayant pas augmenté malgré tout, c'est qu'il n'y avait aucun contrôle et que certains ont travaillé même sans ces doses de rappel. Pour lui, là encore, c'est un cas de discrimination envers les suspendus estampillés comme tels.

C'est la lutte qui crée le droit. Nous devons le comprendre : si vous ne vous étiez pas levés depuis le 17 juillet 2021 avec toutes les organisations syndicales, populaires ou politiques, mais aussi, vos familles, vos amis, vos proches, on ne parlerait pas aujourd'hui de "circulaire de réintégration", on ne parlerait pas d'abrogation de la loi sur l'obligation vaccinale en première lecture. Rien de tout cela n'aurait existé. Nous serions tous vaccinés et ça s'arrêterait là. Mais c'est en raison de votre résistance, parce que nous sommes debout, parce que les travailleurs guadeloupéens sont debout, qu'ils sont obligés de changer de stratégie et d'en revenir au droit. C'est la lutte qui crée le droit ! Personne ne doit vous voler cette victoire et vous faire croire que c'est à l'Assemblée nationale ou au gouvernement qu'ils ont adopté un texte ! C'est votre mobilisation qui les a forcés à adopter un tel texte !

Elie Domota, leader du LKP

L'obligation vaccinale, prémice du démantèlement du secteur public hospitalier

L'argument suivant s'attaque ensuite à la question de fond sur la nécessité réelle de la vaccination. Pour Elie Domota, si les députés, majoritairement vaccinés, en arrivent à s'accorder sur un texte qui abroge l'obligation vaccinale, c'est qu'ils ont "enfin fait preuve de bon sens". Ce qui, selon lui, est une manière d'admettre que le vaccin n'était pas efficace. Ils auraient simplement pu suspendre cette obligation, or, ils choisissent de l'abroger, niant de fait son utilité et reconnaissant de fait que cette obligation était une "abomination". Ce qui, une fois de plus, justifie que les personnels suspendus soient rétablis dans leurs droits.

Cela veut aussi dire, et nous lançons ici un appel à toutes les personnes qui se sont faites vaccinées, elles aussi ont droit à une indemnisation. Parce que ce sont des personnes qui ont été prises en otages et à qui l'on a dit que, si elles veulent avoir une vie sociale elles doivent être vaccinées. Quand ces personnes-là ont analysé leur situation financière, elles ont préféré se soumettre à la vaccination... Or, avec l'abrogation, on leur signifie que c'était inutile. Aujourd'hui nous lançons un appel à toutes ces personnes pour qu'elles rejoignent la lutte et exigent une indemnisation.

Elie Domota leader du LKP

Une manière aussi de rassembler les soignants vaccinés ou non vaccinés dans une lutte commune, les uns pour faire valoir l'ensemble de leurs droits, les autres pour revendiquer une indemnisation parce qu'ils auraient été trompés par l'obligation vaccinale.
Le leader syndical inscrit alors son discours dans le cadre de la défense des libertés, singulièrement symbolisée par le combat mené par les personnels suspendus.

Un discours devant un public concerné et particulièrement attentif

Et il conclut enfin en rappelant que pour l'heure, rien n'est acquis. Il formule alors son dernier argument qui sera probablement repris par tous ceux qui auront à communiquer sur cette lutte sociale. Selon lui, plus qu'ailleurs, l'action qui a été menée contre les suspendus visait particulièrement les salariés du CHUG. Pour Elie Domota, à la veille du déménagement vers le nouvel établissement hospitalier, il s'agissait de trouver un moyen pour réduire la masse salariale. 

A partir du moment où ils n'ont pas appliqué cette obligation vaccinale pour beaucoup de professions parallèles comme ils l'ont fait pour les salariés des hôpitaux, des cliniques et du secteur médico-social, c'est parce que leur volonté première était certes d'éliminer les syndicats, mais surtout de réduire la masse salariale. Au mois de février dernier, le 18 février, ils étaient prêts à prendre un décret pour une rupture conventionnelle exceptionnelle uniquement pour la Guadeloupe et la Martinique, uniquement pour les personnels hospitaliers et uniquement pour les agents publics, parce qu'il considère qu'il y a trop de salariés à l'hôpital en Guadeloupe. Ils ont fait un CHU à Perrin qui comporte 600 lits. Or dans l'actuel CHU, il y a plus de 800 lits. Ce qui signifie qu'il y a au moins 500 salariés de trop dont il faut se débarrasser. C'est pour cela que toute cette politique qui relève d'une logique capitalistique a été mise en œuvre... Et c'est pour cela qu'ils continueront parce qu'ils veulent démanteler le service public, le privatiser et transformer progressivement l'hôpital en dispensaire. C'est pour cela que le combat que nous menons doit être salué parce que c'est un combat pour la liberté dont la victoire ne doit vous être volée par personne !...

Elie Domota leader du LKP

Un discours qui a rendu aux uns et aux autres leur volonté de poursuivre la lutte entamée depuis 20 mois. Mais aussi, des arguments qui vont maintenant être distillés à chaque occasion et probablement dans des actions politiques et judiciaires.

Si la publication de l'argument de fermeté du gouvernement a été savamment organisée pour mesurer à priori l'impact du prochain décret, il permet en tout cas au gouvernement de savoir que le bras de fer ne fait que commencer puisque sur le ring, les adversaires l'attendent avec une égale fermeté.