Vers 10h10, le matin du 8 février 1843, la Guadeloupe et plus particulièrement la ville de Pointe-à-Pitre est secouée par un tremblement de terre sans précédent. Un séisme d'une magnitude estimée aujourd'hui à 8,8 sur l'échelle de Richter.
En quelques secondes, toutes les maisons de pierre sont détruites…
Et pour ajouter à la catastrophe, celles en bois qui sont restées debout, partent rapidement en fumée dans l’incendie monstre qui suit le séisme.
Pointe-à-Pitre meurtrie
Le bilan est lourd : plus de 3 000 morts et 1 500 blessés.
Les témoins rapportent des scènes d’apocalypse. Durant plusieurs jours, l’odeur des cadavres ensevelis sous les décombres empuantit l’atmosphère.
Ce séisme a en fait été ressenti dans tout le bassin caraïbe et l’Amérique centrale.
Le chaos règne dans les zones les plus touchées. Le Gouverneur de l’époque, l’Amiral Gourbeyre, informé du désastre survenu à Pointe-à-Pitre, se rend immédiatement sur les lieux, en compagnie du médecin en chef et de chirurgiens de l’hôpital militaire de Basse-Terre. Le docteur Arnoux, chirurgien de Marine, installe un hôpital de campagne sur l’actuelle Place de la Victoire et procède, avec son équipe, à des centaines d’amputations, parfois avec des scies égoïnes, ne disposant pas du matériel adéquat.
Le risque de tétanos étant alors très fort; on craint même une épidémie de choléra avec tous les corps en putréfaction sous les décombres.
Le maire de Pointe-à-Pitre, Jean-Antoine Champy, prend alors un arrêté pour mettre en place des équipes chargées de ramasser les bras et jambes amputés, ainsi que les cadavres, pour les brûler sur le quai de la Martinique ou pour les jeter dans le Canal des Saintes ou dans la mangrove proche de l’actuel Jarry.
Le gouverneur Gourbeyre organise lui-même les secours et la gestion de crise. Il est aussi à l'origine de la reconstruction de la ville. Un chantier où il ne s'épargne aucune peine. Il en mourra d'ailleurs.
La place qui sépare l'église Saint-Pierre et Saint-Paul et le tribunal de Pointe-à-Pitre, porte son nom ainsi que la section du nom de "Dos d'Âne" est ensuite devenue la commune de Gourbeyre.
"Le premier Big One"
Peu après le séisme, à la Martinique toute proche, la solidarité s’organise… Des vivres et des équipes médicales sont envoyées en secours. Mais la lenteur des communications de l’époque retarde les opérations de secours. Il faudra attendre le 10 mars pour que l’information arrive en France… et les premières aides de l’Hexagone n’atteindront l’île que 2 mois après…
Mais, au-delà de ce retard, le cataclysme fera l’objet d’une couverture médiatique inédite bien au-delà de notre région. Cette catastrophe est donc relativement bien connue.
En 2020, Luc Reinette, directeur du C.P.R.S., Centre de Préparation aux Risques Sismiques, affirmait que "ce séisme fut le plus médiatisé du 19ème siècle, et demeure dans les mémoires comme le premier "Big One" connu dans la Caraïbe."
Un avis partagé par Christian Anténor-Habazac, ancien directeur de l'Observatoire Volcanologique qui confirmait que "c'est le seul séisme majeur connu dans les Petites Antilles, depuis l'arrivée des premiers colons en 1635 et probablement depuis l'arrivée de Christophe Colomb en novembre 1493."
Selon un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (document parlementaire), une simulation réalisée en 1972 indiquait que compte tenu des conditions du séisme du 8 février 1843, le bilan, 129 ans après, serait catastrophique, avec plus de 100 000 morts sur l'ensemble des Antilles.
La Guadeloupe connaît régulièrement des séisme de faible ou moyenne intensité. Un épisode fort est attendu
Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, nous devons garder à l’esprit - sans jamais céder au catastrophisme - que nous sommes dans l’attente d’un nouveau ‘’Big One’’, la subduction existant depuis des millions d’années entre la plaque Nord Américaine et notre plaque Caraïbe étant une réalité intangible... Le dernier Big One remontant à 177 années, nul ne sait quand surviendra le prochain
Luc Reinette