Faculté de médecine : des étudiants refusent de poursuivre leur cursus à l’UA

Faculté de médecine "Hyacinthe Bastaraud", sur le campus de Fouillole, en Guadeloupe.
Tensions au sein de la faculté de médecine du pôle Guadeloupe de l’Université des Antilles. Le projet de création d’un externat, à la rentrée prochaine, contrecarre les plans d’étudiants de 2ème et 3ème année, qui comptaient poursuivre leur cursus dans l’Hexagone.

La création en Guadeloupe d’un externat, au sein de la faculté de médecine de l’Université des Antilles (UA), aurait dû être une bonne nouvelle. Mais ce projet entre en opposition avec les désidératas de plusieurs étudiants inscrits en 2ème et 3ème années sur place. Ces derniers se sentent piégés. Ils pensaient pouvoir librement choisir de poursuivre leurs études dans une autre faculté ; mais ils en sont empêchés.

C’est ainsi qu’a été créé le "Collectif droit au choix externat médecine Antilles-Guyane", dont l’objet est de "défendre les droits des étudiants en médecine inscrits à l’Université des Antilles pour pouvoir continuer à effectuer le 2ème cycle de leur cursus, s’ils le désirent, dans une faculté de l’Hexagone, à l'instar des années passées". Cette association regroupe les étudiants concernés ainsi que des parents en colère et, surtout, inquiets, soit une centaine d’adhérents.

Ils n’avaient pas signé pour ça, lors de leur inscription à la fac !

Jusqu’ici, le 2ème cycle (4ème, 5ème et 6ème années) n’existait pas dans les Antilles-Guyane. Il sera créé en septembre 2023. C’est pourquoi les 400 étudiants en médecine de Fouillole sont appelés à rester aux Antilles.

Ils affirment n’avoir été avertis que très tardivement de l’ouverture d’un externat, dès la rentrée 2023, en Guadeloupe ; l'information a été communiquée en mars 2022. La décision de l’UA est abusive, pour le collectif, qui précise qu’il n’est pas "vent debout contre cette création d’un externat". Ses membres dénoncent, en revanche, le fait qu’on les oblige à rester aux Antilles.

Les étudiants qui sont en 2ème et 3ème années de ce cursus n’ont pas été informés, lors de leur inscription à l’Université des Antilles, qu’ils seraient contraints de rester ici. Le deal, c’était : "vous faites votre 1er cycle et puis, ensuite, vous serez envoyés dans une faculté de l’Hexagone". Par rapport à ça, il y a un tas de projets (projets de vie, projets familiaux...). Ce sont des cursus qui sont longs, qui coûtent, en temps, en argent, en investissement personnel, en stress... et il y a plein de situations qui se sont organisées déjà, il y a deux/trois ans !

Parent d’un étudiant en 3ème année de médecine à l’UA, membre du collectif

Le collectif considère que deux promotions sont ainsi prises en otage, par cette décision unilatérale qui modifie les règles de leur cursus ; ce, d’autant que "l’université refuse de considérer le refus exprimé, depuis plusieurs mois, par une majorité d’étudiants".

Dans cette affaire, il y a l’université qui est dans une posture autocratique, en prétendant modifier le cursus de 400 étudiants. De l’autre côté, il y a le gouvernement qui, par la voix de son ministère des Outre-mer, nous a confirmé par écrit que les étudiants qui le souhaitent pourraient effectuer leur externat dans une faculté de l’Hexagone

Parent d’un étudiant en 3ème année de médecine à l’UA, membre du collectif

Nous avons rencontré un étudiant en 3ème année de médecine, sur le campus de Fouillole. Il n’est plus en mesure de poursuivre ses études en Guadeloupe. L’obliger à rester ici, lui complique considérablement la vie.

Je trouve, personnellement, que c’est un très beau projet qui est en train de se développer. Ca permettra de former des médecins pour la Guadeloupe. Cependant, tout n’est pas abouti encore. Il y a encore du travail à faire. Personnellement, il a toujours été convenu que je rejoigne ma famille dans l’Hexagone, pour continuer mes études. Là, actuellement, je travaille, j’ai mes études de médecine et un Master. C’est compliqué déjà de gérer tout ça. Pour un 2ème cycle, ça risque d’être plus compliqué. Il va falloir que je retourne dans ma famille, pour pouvoir continuer.

Etudiant en 3ème année de médecine à l’UA

Les membres du collectif doutent, par ailleurs, que les moyens logistiques et humains soient suffisants pour un 2ème cycle efficient.

Des dérogations possibles, mais...

Le projet de création d’un externat à l’Université des Antilles remonte à une quinzaine d’années. C’est en 2013 que les travaux ont concrètement débuté, en vue de cette mise en place.
Pour l’UA, l’évolution et les avancées du projet étaient connus, depuis de longues années.

Ça n’a pas été mis en place tout de suite, parce qu’à l’époque nous n’étions pas prêts. Au fil des années, nous nous sommes préparés, nous avons muri ce dossier et nous arrivons, dix ans plus tard, 2023, à la possibilité d’offrir aux étudiants qui s’inscrivent en 1er cycle chez nous de pouvoir poursuivre leur formation, dans la même université, dans la même UFR.

Professeur Suzy Duflo, doyenne de la faculté de médecine de l’UA

La réalisation a été actée et accréditée par le ministère, il y a environ deux ans, pour une annonce faite en mars 2022, soit un an et demi avant l’ouverture officielle.

C’est donc une faculté de plein exercice qui va voir le jour, en septembre prochain, avec la même réglementation que toutes les facultés de plein exercice.

Et donc tout changement d’université est dérogatoire. Il n’y a aucune obligation à rester puisque la loi dit qu’un étudiant qui commence son cycle dans une université termine le 1er et le 2ème cycles, avant de passer son ECN [épreuves classantes nationales], pour pouvoir accéder à sa spécialité, ou au 3ème cycle.

Professeur Suzy Duflo, doyenne de la faculté de médecine de l’UA

Les demandes de dérogations sont donc possibles, affirme l’UA, qui dit avoir pris acte de demandes de dérogation reçues, pour un départ vers l’Hexagone. En revanche, si elle ne retient personne, l’université locale n’accompagnera pas les étudiants qui font le choix de partir.

Obligation, à l’époque, pas de 2ème cycle, d’accompagner les étudiants vers l’Hexagone. Obligation, ce jour, avec la mise en place du 2ème cycle, de les accompagner sur nos différents territoires. Donc, il n’y aura pas d’accompagnement de ces étudiants, à partir de septembre 2023, dans l’Hexagone. Ils devront prendre en charge ces demandes de dérogation, avec les démarches et nous rendront la réponse, suite à la commission.

Professeur Suzy Duflo, doyenne de la faculté de médecine de l’UA

Sauf que les demandes de dérogation sont compliquées, affirme l’étudiant interrogé :

Les facultés de l’Hexagone me demandent l’accord de la doyenne de la faculté de médecine de Guadeloupe, alors que la doyenne d’ici me demande l’accord des doyens de France hexagonale. Du coup, chaque faculté se renvoie la balle et, moi, je n’arrive à obtenir aucune réponse. Ce qui cause une anxiété chez moi et chez plein d’autres étudiants.

Etudiant en 3ème année de médecine à l’UA

Le "Collectif droit au choix externat médecine Antilles-Guyane" a déposé une requête au tribunal administratif de Basse-Terre, afin d’obtenir une médiation, dans ce dossier. Mais cette possibilité a été rejetée par le président de l’UA.

S’il y avait eu une réelle volonté de dialogue des requérants, j’aurais été sollicité en tant que président de l’Université des Antilles, par un autre biais que celui d’une procédure contentieuse.

Pr Michel Geoffroy, président de l’UA