Fête des mères : polémique autour de la vente à la sauvette de fleurs, en Guadeloupe

Beaucoup aiment dire leur amour à leur maman avec des fleurs. Mais où les achètent-ils ? Dans une enseigne officielle, ou en borudre de route ?
Interpellée par les artisans fleuristes, la préfecture de la Guadeloupe a rappelé, dans un communiqué, que la vente de fleurs sur la voie publique par des marchands non déclarés est interdite ; c’est d’ailleurs aussi vrai pour tout autre article... De quoi lever une polémique, à propos de cette pratique traditionnelle en période de fête. Les services de l’Etat ont alors changé leur discours : la priorité des forces de l’ordre reste la lutte contre la délinquance et la criminalité. Les fleuristes en règle, qui pâtissent de cette concurrence déloyale, devront donc attendre pour une résolution de leur problème.

Comme chaque année, des stands éphémères ont fleuri aux abords des routes de Guadeloupe, sur des axes passants, en ce week-end de fête des mères. Des vendeurs à la sauvette, en effet, font commerce de bouquets, au bénéfice de ceux qui veulent honorer, avec des fleurs, celle qui les a mis au monde. Cette pratique est considérée comme une tradition, dans l’archipel. Les retardataires, ceux qui n’ont pas eu le temps de faire les magasins, ou encore ceux qui comptent sur ces fleurs rapidement trouvées, sur le chemin de la maison familiale, apprécient de n'avoir pas à faire de détour... et de payer moins cher que chez les professionnels.

Mais cela a de quoi faire grincer des dents.

Une concurrence déloyale

Les artisans fleuristes dénoncent cette forme de concurrence déloyale, un jour où leur chiffre d’affaires aurait pu être substantiellement augmenté. Ces professionnels en règle, qui paient des charges tout au long de l’année (en termes de salaires, de loyers, de taxes, etc.), disent avoir des fins de mois difficiles.

Ce n’est pas la même clientèle, mais c’est quand même un manque à gagner pour la profession. S’il n’y avait pas ces personnes, ces marchandes sauvages, placées un petit peu partout aux abords des routes, les clients seraient venus chez les fleuristes. Donc, c’est un manque à gagner considérable. Nous souhaitons que les choses se régularisent.

Micheline Elphenor, présidente du syndicat des fleuristes de la Guadeloupe

Micheline Elphenor, présidente du syndicat des fleuristes de la Guadeloupe
Boutique de Micheline Elphenor, présidente du syndicat des fleuristes de la Guadeloupe.

Il est vrai, qu’en cette période de fête des mamans, les stands éphémères sont installés ici et là. Certains proposent, en plus des fleurs, une multitude d’articles de fabrication artisanale, susceptibles de séduire et de combler les femmes à l’honneur aujourd’hui.

Stand informel d'une marchande de fleurs et d'articles artisanaux.

Parmi ces vendeurs, on compte ceux qui font cela depuis des années et qui ont une clientèle fidèle, histoire de gagner un peu de sous. Ils ne veulent pas que cela change. 

Moi, ce que je pense : quand c’est les jours de fête, c’est le moment de faire notre budget (...). Je trouve que ce n’est pas tellement gentil, ça. Ils ont déjà un travail tous les jours, nous, les marchandes, on souffre beaucoup, parce que c’est à ce moment qu’on doit pouvoir faire quelque chose.

Sylviane Belfort, dite "Moumoune", vendeuse à la sauvette

Sylviane Belfort, dite "Moumoune", vendeuse à la sauvette
Stand de Sylviane Belfort, dite "Moumoune", vendeuse à la sauvette de fleurs.

 

Quand la préfecture rétropédale

La préfecture s’en est mêlée, interpellée par les artisans fleuristes légaux. Un communiqué a été produit le 23 mai dernier. 

Le 26 mai prochain, la fête des mères sera l’occasion d’offrir des fleurs à toutes les mamans de Guadeloupe. Au vu du développement constaté, ces dernières années, de la vente illégale de fleurs et de ses conséquences, en termes de concurrence déloyale pénalisant les artisans fleuristes régulièrement installés, des opérations de contrôle seront menées sur l’ensemble du département, lors de la fête des mères, par les services de police et gendarmerie notamment aux abords des routes.

Extrait du communiqué de la préfecture de la Guadeloupe – 23/05/2024

Pour dissuader les contrevenants, un rappel à la loi a été ajouté à cette missive :

Pour rappel, le fait de vendre ou d’exposer, en vue de la vente, des marchandises dans des lieux publics sans autorisation ou déclaration régulière constitue une contravention de cinquième classe réprimée par le code pénal (amende de 1 500 €) et à titre complémentaire, la possibilité de voir consignée pour un mois la marchandise qui peut par la suite être saisie et confisquée.

Extrait du communiqué de la préfecture de la Guadeloupe – 23/05/2024.

De quoi provoquer quelques remous. Nombreux sont ceux qui ont estimé que les forces de l’ordre ont mieux à faire. Certains ont rappelé que cette économie informelle est salvatrice pour plusieurs personnes aux faibles revenus, en Guadeloupe. 

En signe d’apaisement, la préfecture a revu son discours, comme un aveu de bug de communication... 

Le préfet de la région Guadeloupe, Xavier Lefort, a souhaité rappeler, à titre pédagogique, la réglementation en matière de vente de fleurs sur la voie publique, afin de prendre en compte la situation économique des fleuristes. Pour autant, les forces de sécurité seront mobilisées ce week-end sur d’autres priorités.

Extrait du dernier communiqué de la préfecture de la Guadeloupe – 24/05/2024.

Le directeur de cabinet de la préfecture de Guadeloupe confirme qu’il n’y aura pas de contrôle de vendeurs à la sauvette, aujourd’hui. Les policiers et gendarmes ont "d’autres choses plus importantes à faire".

Pour la préfecture, l’enjeu n’est pas d’aller faire des opérations de police, par rapport à des personnes qui vendent des fleurs. L’enjeu, pour la préfecture, c’est de sauver des vies, c’est de lutter contre les stupéfiants, c’est de lutter contre le trafic d’armes et c’est lutter contre l’insécurité routière.

Franck Dorge, directeur de cabinet préfecture de Guadeloupe

Franck Dorge, directeur de cabinet préfecture de Guadeloupe

D’autres priorités, certes, mais la vente illégale reste un vrai sujet économique, qui impacte des professionnels. Ce sujet "sera réglé sur le long terme, dans une dynamique économique, pas sous l’angle répressif ", précise le haut fonctionnaire.

Une circulaire a tout de même été envoyée, par la préfecture, aux maires des différentes communes de l’archipel, les incitant à prendre leurs responsabilités, en tant que garants de la sécurité sur leurs territoires respectifs. Pour rappel, pour occuper un espace du domaine public, il faut une autorisation municipale. 

Quoi qu’il en soit, puisse chaque maman recevoir un présent et, surtout, beaucoup d’amour❤️, en ce jour qui lui est dédié.