Témoignages exclusifs de pompiers victimes de l’incendie de la rue Peynier : "Une petite voix dans ma tête m’a dit sors de là !"

Témoignages des pompiers victimes de l'incendie de la rue Peynier ©Eric Stimpfling - Guadeloupe La 1ère
Ils ont participé à l’extinction du ravageur incendie de la rue Peynier, à Pointe-à-Pitre, le dimanche 5 mai 2024. Ce jour-là, le mur d’une bâtisse en flamme s’est effondré sur eux et d’autres de leurs collègues. De quoi se rappeler que leur beau métier comporte des risques non négligeables. Après leur hospitalisation, l’heure est venue de panser leurs plaies et de gérer le contre-coup psychologique. Trois sapeurs-pompiers témoignent.

Le sergent Charly Distin, Clément René-Gabriel et Elodie Blondeau ont accepté de nous livrer leurs sentiments et de relater ce qu’ils ont vécu, le dimanche 5 mai 2024, à Pointe-à-Pitre.

Ils sont tous les trois affectés au centre de secours de Petit-Bourg. Ils font partie des plusieurs dizaines de soldats du feu dépêchés à la rue Peynier, où sévissait un très violent incendie. Dès les échanges radio, ils ont eu conscience de la gravité du sinistre qu’ils devaient combattre et, arrivés sur place, c’est vaillamment qu’ils ont affronté les flammes, au péril de leur vie.

Ils sont entraînés pour cela. Ils ont appris à travailler en synergie, avec un équipement lourd, dans une chaleur intense et durant de longues heures. Alors, ils ont joué leur rôle, courageusement, sereins pour les plus expérimentés et avec un peu d’appréhension pour quelques-uns.

Leur premier objectif a été d’empêcher la propagation du feu. Mais la configuration du site, les maisons en bois, collées les unes aux autres, avec le fort vent qui soufflait ce jour-là... ont complexifié leur tâche.

Le risque d’effondrement d’un mur était identifié mais, malgré tout, quelques-uns ont été surpris, lorsqu’un pan entier d’une bâtisse en feu a cédé. Certains se sont écartés à temps, d’autres ont été coincés en dessous ; parmi ces derniers, il y en a qui ont réussi à se dégager par leurs propres moyens. Dès lors, il fallait se ressaisir ; la seule urgence était de sortir leurs collègues des décombres.

J’ai entendu un bruit sourd, avec des craquements, donc quand j’ai levé ma tête, j’ai vu que la façade commençait à s’écrouler sur nous. Et, là, en fait, il fallait que je sorte d’ici, parce que moi, j’avais le climatiseur en plus au-dessus de moi, qui commençait à se décrocher. Donc, à ce moment-là, j’ai eu une petite voix dans ma tête, qui m’a dit : "sors de là !" (...).

Élodie Blondeau, sapeur-pompier

On a essayé de battre en retrait, mais c’est tombé très très vite et on s’est retrouvés pris au piège en dessous (...). J’ai essayé de sortir mais je n’y arrivais pas, mais j’entendais quand même tous mes collègues autour de moi, en train de me chercher (...)

Clément René-Gabriel, sapeur-pompier

Heureusement, le bilan n’est pas trop lourd ; il n’y a pas eu de morts. Mais ça aurait pu être bien pire que ça.

Sergent Charly Distin

Plusieurs sapeurs-pompiers ont dû être hospitalisés, pour des brûlures, pour avoir inhalé des fumées toxiques, ou pour des blessures plus ou moins graves. Le plus grièvement atteint a été Clément, opéré depuis pour une fracture au poignet ; il est arrêté pour plusieurs mois. Élodie a reçu une poutre sur le pied.

Un tel évènement marque une carrière professionnelle. Ces blessures psychologiques doivent absolument être traitées. C’est pourquoi, ce vendredi 10 mai, un débriefing psychologique est prévu, au sein du Service départemental d’incendie et de secours (SDIS). "Beaucoup n’ont pas été blessés, mais ont été choqués", explique le contrôleur général et directeur du SDIS, Félix Anténor-Habazac.

REPORTAGE/
Reporteur : Eric Stimpfling
Monteur : Sébastien Marchais
Mixeur : Canelle Aimé