Le secrétaire d'Etat adjoint chargé de l'hémisphère ouest, Brian Nichols, à la tête de la délégation américaine à Port-au-Prince, accompagné de responsables du Pentagone et d'autres agences fédérales, doit s'entretenir mercredi et jeudi avec les autorités haïtiennes et des membres de la société civile, selon un communiqué du département d'Etat.
Une aide humanitaire renforcée mais pour l'heure, pas de troupes annoncées
Le gouvernement américain a par ailleurs annoncé mercredi (12 octobre) imposer des restrictions de visa à l'encontre de responsables haïtiens accusés de protéger ou financer les gangs, et indiqué travailler de concert avec le Mexique sur une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU visant à imposer de nouvelles sanctions, ont indiqué de hauts responsables sous couvert de l'anonymat.
Le gouvernement haïtien a officialisé la semaine dernière sa demande à la communauté internationale d'envoi d'une "force spécialisée armée" afin de "stopper, sur toute l'étendue du territoire, la crise humanitaire" provoquée par l'action des gangs, qui gangrènent le pays.
Et dimanche, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a "exhorté la communauté internationale (...) à examiner en urgence" cette demande.
"Nous examinons la requête du gouvernement haïtien et explorons un certain nombre d'options de concert avec la communauté internationale", a déclaré à des journalistes un haut responsable américain sous couvert de l'anonymat.
Le responsable a assuré que les Etats-Unis fourniraient "un soutien robuste" à tout ce que déciderait le Conseil de sécurité, qui doit se réunir au sujet de Haïti le 21 octobre.
Mais, a-t-il ajouté, "je crois qu'il est prématuré de parler d'une présence sécuritaire américaine" sur le terrain, en reconnaissant que les Etats-Unis "avançaient de manière prudente" à ce sujet, forts d'expériences passées.
En attendant, le gouvernement américain a dépêché à la demande du gouvernement haïtien un navire des gardes-côtes au large de Port-au-Prince et cherche à accélérer l'envoi d'aide humanitaire supplémentaire y compris pour aider le pays à faire face au choléra.
Dans le même temps, des milliers de Haïtiens ont manifesté lundi (10 octobre) à Port-au-Prince pour protester contre le gouvernement et son appel à l'aide étrangère afin de faire face à l'insécurité endémique, à la crise humanitaire et à une épidémie naissante de choléra.
Des manifestations contre "l'ingérence" de la communauté internationale
La manifestation dans la capitale a été émaillée de violences, de scènes de pillages et la police a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser la foule, a constaté un correspondant de l'AFP.
Plusieurs personnes ont été blessées par balle et une personne a été tuée, a également constaté le correspondant de l'AFP.
Les organisateurs ont accusé la police d'être à l'origine de ce décès. "Cette jeune fille ne représentait aucune menace. Elle a été tuée en exprimant son désir de vivre dans la dignité", a dénoncé un manifestant quadragénaire qui a souhaité conserver l'anonymat.
"Les Etats-Unis et le Canada font de l'ingérence dans les affaires internes de Haïti", a dénoncé un autre manifestant.
"Nous avons certes besoin d'aide pour développer notre pays. Mais nous n'avons pas besoin de bottes. De plus, ce gouvernement n'a pas de légitimité pour demander une assistance militaire. Nous nous opposons à cette option", a-t-il ajouté.
Haïti est le théâtre depuis plusieurs semaines de manifestations violentes et de pillages, après l'annonce par le Premier ministre Ariel Henry d'une hausse des prix des carburants.
Des manifestations appelant à sa démission, et qui s'opposent désormais à son appel à l'aide internationale, ont également lieu dans d'autres villes du pays.
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a dénoncé dans une lettre aux membres du Conseil de sécurité "les bandes criminelles qui ont pris le contrôle d'infrastructures stratégiques telles que le port international de Port-au-Prince et le principal terminal de carburant du pays (Varreux)".
A cette situation de pénurie d'hydrocarbures s'ajoute la résurgence du choléra, trois ans après la fin d'une épidémie qui avait fait plus de 10.000 morts.
Déjà 32 cas confirmés de la maladie et 16 décès ont été recensés sur la période du 1er au 9 octobre, selon un point lundi du ministère haïtien de la Santé publique, qui cite également 224 cas suspects notamment dans la prison civile de Port-au-Prince, le plus grand centre carcéral du pays.