Haïti : divisions sur la transformation de la mission multinationale en force de l'ONU

Des gens se mettent à l’abri, lors d’un échange de coups de feu entre des gangs et la police, à Port-au-Prince (Haïti) - 11/11/2024.
En Haïti, où les gangs armés donnent du fil à retordre à la police nationale et à ses renforts, l’administration américaine, l’Equateur, le gouvernement de transition haïtien et même le Kenya plaident pour une transformation de la Mission multinationale d'appui à la sécurité, en force de l’ONU. La Russie et la Chine s’oppose à cette idée, même si la mission décriée est démunie. Pour ces deux pays, l’ONU n’a pas vocation à combattre le crime, ni sauver un Etat dysfonctionnel.

Alors qu'Haïti subit une nouvelle escalade de la violence des gangs, les Etats-Unis ont plaidé, mercredi 20 novembre 2024, pour la transformation de la Mission multinationale d'appui à la sécurité (MMAS), en force de l'Organisation des Nations Unies (ONU). La Russie et la Chine s'opposent à cette requête des autorités américaines.
Pour rappel, cette Mission est menée par Kenya et de premiers hommes avaient été déployés fin juin. Elle avait été créée un an plus tôt, pour aider la police haïtienne submergée face à aux gangs armés.

En septembre dernier, au moment du renouvellement, par le Conseil de sécurité de l'ONU, du mandat de la MMAS, Washington avait déjà lancé cette idée, écartée alors par le Conseil.
Depuis, les autorités de transition haïtiennes ont envoyé une requête formelle au Conseil, demandant "la transformation le plus tôt possible" de la MMAS en mission de maintien de la paix.

Alors que la mission fait face à un manque criant de moyens, la transformer permettra "de profiter des structures financières, en personnel et logistiques de l'ONU", a plaidé l'ambassadrice américaine adjointe Dorothy Shea. "Nous appelons les membres du Conseil de sécurité de l'ONU à ne pas tourner le dos à Haïti", a renchéri l'ambassadeur adjoint de l'Equateur, Andrés Efren Montalvo Sosa.
Un projet de résolution, préparé par les deux pays et vu par l'Agence France Presse (AFP), demande au secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, de se pencher sur cette transformation, lui donnant 45 jours pour présenter des recommandations précises, incluant structures, nombre de personnels, mandat, etc.

La MMAS n'a, pour l'instant, déployé que quelque 400 policiers, principalement kényans, sur les 2.500 attendus. La conseillère nationale à la sécurité du président kényan a assuré que Nairobi "soutenait" l'idée d'une transformation. Mais cette transition "doit être réalisée avec prudence pour éviter tout vide qui saperait la situation sécuritaire sur le terrain", a souligné Monica Juma, notant que les gangs profitent déjà aujourd'hui du "déploiement sous-optimal" de la mission pour "intensifier leurs activités criminelles".

Ce pays pauvre des Caraïbes pâtit, depuis des dizaines d'années, d'une instabilité politique chronique. Mais il doit aussi faire face à une flambée de violences de gangs.

De nombreux membres du Conseil se sont montrés ouverts à l'idée de la transition vers une force de l'ONU. Mais la Russie et la Chine, qui disposent d'un droit de veto, ont clairement exprimé leur réticence. Le rôle des Casques bleus "est de maintenir la paix, pas de combattre le crime en zones urbaines ou sauver un Etat dysfonctionnel plongé dans un conflit national", a commenté l'ambassadeur russe adjoint, Dmitry Polyanskiy, dénonçant les "revirements" des Etats-Unis, à l'origine de la création de la MMAS.