C'est le média spécialisé tourisme "TourMag" qui a dévoilé les suites de cette affaire qui dure depuis deux ans maintenant. Un bras de fer économique devenu juridique entre trois compagnies aériennes françaises, Air France, Air Caraïbes et Corsair et l'Etat.
Au lendemain de la crise sanitaire, la hausse des cours du pétrole change la donne.
En 2022, à la mi-juin, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA), en situation de monopole, annonce l'augmentation de 15% du prix du carburant pour les avions. Une mesure rétroactive au 3 juin 2022. Une conséquence de la décision du gouvernement - mise en œuvre par les préfets des Antilles et de la Guyane - d'élever les taxes sur le kérosène de 15% pour la Guadeloupe et la Martinique et de 5% pour la Guyane. Au lieu d'augmenter les prix à la pompe pour la population.
La FNAM (Fédération nationale de l'aviation et de ses Métiers) porte un recours contentieux remettant en cause la légalité de la pratique. Leur argument, l'essence est réglementée mais pas le kérosène, sauf aux Antilles. L'action est rejetée.
Les compagnies aériennes montent aussi au créneau, attaquent l'Etat en justice, s'estimant victimes d'une double pleine, le carburant étant déjà plus cher aux Antilles. Elles annoncent, à ce moment, que la conséquence pèserait sur les passagers et les prix des billets. En effet, ces derniers mois, les tarifs appliqués sont régulièrement décriés par la population et les élus.
Les trois compagnies aériennes réclament alors l'arrêt de la pratique et des compensations, en réparation des préjudices.
Selon leurs calculs, du 4 août 2022 au 28 avril 2023, le manque à gagner et les intérêts de retard s'élèveraient à :
- 10,51 millions pour Air Caraïbes,
- 2,44 pour Corsair,
- 4,99 pour Air France
À la lecture de la décision du tribunal administratif de Martinique du 8 juin 2023, on peut y lire que les responsables des compagnies ont fait état de discussions avec le préfet de cette région les 30 et 31 mai 2022.
Le préfet aurait déclaré verbalement qu'il appartenait aux compagnies aériennes de faire des efforts, et que l'augmentation du prix du pétrole ne pouvait être supportée intégralement par le grand public, qui a déjà subi des hausses de prix conséquentes sur les produits pétroliers courants. Si la société requérante soutient que la tenue de cette réunion, et la prise de parole du préfet de la Martinique à cette occasion, révèlent une décision non formalisée de sa part d'augmenter le prix de vente du kérosène afin de tempérer l'augmentation des prix des carburants automobiles et du gaz à usage domestique, réglementés par arrêté préfectoral, tout en garantissant un chiffre d'affaires d'équilibre de la SARA, il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier que le préfet de la Martinique serait à l'origine d'une telle décision.
Extrait de la décision du tribunal adminsitratif de Martinique du 8 juin 2023
En somme, la décision de taxer le kérosène et donc les compagnies aériennes serait une stratégie pour ne pas accabler les populations des trois territoires.
Le tribunal a rejeté la requête, arguant qu'aucune preuve ne permettait d'établir la teneur des déclarations du préfet de la Martinique. Ce dernier s'est d'ailleurs défendu en déclarant ne pas être à l'origine des tarifs pratiqués par la SARA.
Corsair, Air France et Air Caraïbes ont décidé de faire appel auprès devant la Cour administrative d'appel de Bordeaux.