"Je suis aux Tonga pour émettre un SOS mondial -- Save our Seas (Sauvez nos mers, ndlr) --, sur l'élévation du niveau des mers. Une catastrophe mondiale met en péril ce paradis du Pacifique." C'est ce qu'a déclaré Antonio Guterres, le secrétaire général de l'ONU ce mardi au sommet du Forum des îles du Pacifique (FIP).
Les îles du Pacifique, faiblement peuplées et peu dotées en industries lourdes, rejettent collectivement moins de 0,02% des émissions mondiales annuelles de gaz à effet de serre.
Mais ce vaste ensemble d'îles volcaniques et d'atolls coralliens de basse altitude est touché de plein fouet par les effets du réchauffement climatique, via notamment la montée des eaux.
Une hausse de 15 cm
D'après un nouveau rapport de l'Organisation météorologique mondiale (OMM) présenté au Forum, le niveau des mers a cru de 9,4 cm en moyenne à l'échelle mondiale en trente ans. Une hausse qui s'élève à 15 cm dans certaines zones du Pacifique.
"Il est de plus en plus évident que nous allons rapidement manquer de temps pour enrayer la tendance", s'alarme Celeste Saulo, secrétaire générale de cette agence onusienne de référence.
"Les populations, les économies et les écosystèmes de toute la région du Pacifique Sud-Ouest sont fortement touchés par les effets en cascade" du changement climatique, rappelle-t-elle dans l'avant-propos du rapport.
Les Tuamotu exposées
Aux Tuvalu, les terres émergées sont déjà si réduites que les enfants investissent le tarmac de l'aéroport international comme terrain de jeu. Un accord a déjà été trouvé avec l'Australie pour que les habitants puissent y trouver refuge si leur nation venait à disparaître.
Dans les Outre-mer du Pacifique, les situations sont plus ou moins urgentes. À Wallis, des travaux d'enrochement avancent sur certaines parties de l'île, mais la population reste inquiète face à l'inexorable montée des eaux et à l'érosion du trait de côte.
En Polynésie française, les îles Tuamotu sont particulièrement exposées. Des plages ont disparu laissant place à du gravier, la végétation est rongée par la mer. Une tribune avait d'ailleurs été publiée dans Le Monde début 2023 pour appeler les politiques à prendre des décisions urgentes pour sauver cet archipel.
La Guadeloupe, territoire le plus touché par l'érosion
La détresse des pays du Pacifique a pu être ignorée par le passé, notamment du fait de leur isolement et de leur moindre poids économique. Mais la région est considérée par les chercheurs comme le révélateur de ce qui pourrait survenir dans d'autres régions du monde.
Les Outre-mer français des océans Indien et Atlantique sont ainsi concernés. D'ici à 2050, le recul du trait de côte de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, de La Réunion et de Mayotte pourrait rendre inhabitables plus d'un millier de logements, selon les projections du Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) publiées en avril 2024.
Dans le détail, la Guadeloupe serait le département d'Outre-mer français le plus touché par l'érosion côtière, avec 552 logements qui deviendraient inhabitables. La Martinique serait également concernée, avec 284 habitations menacées. Dans une moindre mesure, les habitants de la Guyane (167 logements), de Mayotte (109) et de La Réunion (78) subiront aussi le recul du trait de côte.
Dans la caraïbe, l'île de Gardi Sugdub qui dépend du Panama, est une des premières concernées par la montée des eaux.
A Saint-Pierre et Miquelon, le village de Miquelon, menacé par la montée des eaux, doit être déplacé dans les prochaines années. Une relocalisation inédite en France qui fera des habitants de Miquelon les premiers réfugiés climatiques du pays. À moins qu'une accélération de l'érosion dans le Pacifique ne touche d'abord les Tuamotu.
"Pollueur-payeur"
En provoquant une submersion des terres, la hausse du niveau des mers réduit non seulement l'espace vital mais aussi les ressources en eau et en nourriture des populations, rappellent les Nations Unies.
La température plus élevée de l'eau conduit par ailleurs à des catastrophes naturelles plus violentes, tandis que l'acidification des océans affecte la chaîne alimentaire marine.
Les nations insulaires du Pacifique figurent logiquement "en première ligne de la bataille contre le changement climatique", a rappelé lundi à l'ouverture du forum le secrétaire général du FIP, Baron Waqa, de l'île de Nauru.
Le ministre du Climat tuvaluan Maina Talia a exhorté les "pays les plus pollueurs" à assumer financièrement les coûts croissants liés au changement climatique, selon le principe du "pollueur-payeur".
Le forum du FIP, qui regroupe 18 États et territoires associés, dont la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, doit se tenir jusqu'à jeudi.