Les habitants des Tuamotu seront-ils les premiers réfugiés climatiques de France?

Les habitants des Tuamotu en Polynésie seront-ils les premiers réfugiés climatiques de France?
La mer monte de 5 mm par an. Dit comme ça, cela paraît peu. Et pourtant, c’est déjà deux fois plus que la moyenne globale. Sur les îles basses comme les Tuamotu ou sur le littoral polynésien, cela fait une grande différence.

Les plages sont déjà grignotées. La faute au dérèglement climatique. Deux urbanistes, notamment, ont travaillé sur le SAGE, le Schéma d’Aménagement Général de la Polynésie. Dans une tribune au journal Le Monde, ils appellent à l’urgence des décisions politiques avant que les habitants des Tuamotu ne deviennent les premiers réfugiés climatiques de la République. A Rangiroa, William Petis habite à en bord de lagon. L'an dernier, une forte houle a atteint son garage à plus de 20m de la berge.

"C'est monté jusque dans le garage, et partout dans cette zone (proche de l'eau NDLR) c'était inondé. Avec un grand "maraamu" le vent du sud-est, avec la montée des eaux, je pense que ça sera triste à l'avenir pour nos enfants."

William Petis à Rangiroa voit son terrain attaqué régulièrement chaque année par la mer

C’est un combat sans fin face aux assauts de la mer. Essayer de gagner du temps, de sauver les quelques mètres de terre. Aux Tuamotu, l’atoll de Rangiroa est particulièrement exposé. Avant, devant chez William, se déroulait une large plage de sable blanc. Mais "la houle a creusé la berge et laissé du gravier."

le littoral de Rangiroa est régulièrement grignoté par les flots

A Hao, ancienne base avancée de l’armée française, la houle grignote peu à peu la route menant à l’aéroport. Plus loin, des entrepôts ont dû être consolidés avec des blocs de béton pour les maintenir en place. La végétation elle aussi est rongée par la mer.

La route de Hao est régulièrement grignotée par la mer

Le changement climatique entraîne une montée du niveau de la mer. Entre 5 et 11 mm par an, selon les régions du Pacifique. Cela paraît peu, mais c’est déjà deux fois et demie à trois fois la moyenne globale. Il est responsable également d’inondations plus fréquentes et des effondrements de terrain…L’institut de recherche américain Climate Central (https://coastal.climatecentral.org/) a créé une  carte interactive.

Les zones inondables pour Rangiroa et Tikehau selon la projection de Climate Central en 2050

En rouge, le niveau de la mer en 2050. En Polynésie, des motu entiers de Rangiroa ou Tikehau disparaissent. L’aéroport international de Tahiti est submergé.

En 2050 selon les projections du GIEC et de Climate central, la piste de Faaa disparaît

Le mois dernier, Laurent Perrin et Jean-François Henric, urbanistes, ont signé une tribune dans le journal Le Monde. Ils appellent l’Etat et le Pays à anticiper dès aujourd’hui. Pour Laurent Perrin "c'est un combat de Sisyphe, il est perdu d'avance! Il faut construire léger et c'est valable pour Tahiti aussi, avec les effondrements de terrains en raison de l'érosion (...) Il faut intégrer les risques et anticiper"

Jean-François Henric (à gauche) et Laurent Perrin (à droite), ont signé une tribune dans Le Monde en décembre 2022 pour alerter la France et la Polynésie sur les risques climatiques et leurs impacts sur l'urbanisation des atolls notamment.

Laurent Perrin et Jean-François Henric ont tous deux participé au Schéma d’Aménagement Général de Polynésie, le SAGE, de 2017 à 2019. Aujourd’hui, ils ont le sentiment de ne pas avoir pu aller au bout des choses, face à un phénomène qui va s’amplifier. Pour eux, l’urgence n’est pas immédiate, mais c’est maintenant qu’il faut repenser l’aménagement du territoire pour le siècle à venir, notamment en déplaçant le cœur des communes sur les points hauts des îles. Les risques climatiques doivent désormais guider les décisions politiques.