Mobilisation de 2009 en Guadeloupe... et après...
#LKP : La difficile équation entre les « nou » et les « yo »
F-J. Ousselin avec P. Labéca et Ch. Martial - Publié le , mis à jour le
De mémoire de Guadeloupéens, on n’avait jamais vu pareille manifestation. Lorsqu'en fin janvier dans un crescendo de la mobilisation de 2009, le mouvement atteint son apogée en mobilisant plus de 65 000 personnes qui défilent dans les rues de Pointe-à-Pitre.
Du jamais vu en Guadeloupe
Il faut dire que ce paroxysme de la mobilisation voit une population guadeloupéenne qui ne s’était pas forcément prononcée jusque là, rejoindre ceux qui, depuis le mois de décembre, ont fait monter chaque fois, d’un cran supplémentaire, les attentes du regroupement de syndicats, associations et autres mouvements que compte le LKP. Peut-être la lenteur des négociations, peut-être le sentiment d’une légitimité quant à ce qui est revendiqué, ou pour certains, peut-être les deux, toujours est-il que, ce 29 janvier, si l’on s’attendait à atteindre un fort niveau de mobilisation qui légitimerait encore plus le mouvement et ceux qui le portent, beaucoup sont surpris, y compris parmi les responsables du LKP, par l’ampleur du mouvement et le nombre de Guadeloupéens qui ont choisi de marcher dans les rangs tracés par le LKP.
ME PIERRE YVES CHICOT POLITOLOGUE 1
RAYMOND OTTO SOCIOLOGUE ANTHROPOLOGUE 1

© Guadeloupe La 1ère
JEAN MARIE NOMERTIN SEC GAL CGTG
ELIE DOMOTA SEC GAL UGTG LEADER DU LKP 1

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ELIE DOMOTA SEC GAL UGTG LEADER DU LKP 2
Il ne faut pas croire pour autant, que les Guadeloupéens en sont à attendre le grand soir pour entrer dans un mouvement social ou sociétal. C’est souvent l’absence de réponse des autorités ou des organisations patronales ou encore l’intervention -brutale- des forces de l’ordre qui a conféré à ses différentes dates de l’histoire de la Guadeloupe l’ampleur qu’elles ont alors connue et un caractère mémoriel qui s’attache désormais à elles.
JEAN MARIE NOMERTIN SEC GAL CGTG 2
"La Gwadloup sé tan nou..." un chant fédérateur ….
65 000 personnes qui n’ont probablement pas les mêmes motivations. Mais, on aura du mal, aujourd’hui encore, à mesurer l’impact réel de la chanson phare du mouvement. Tous l’entonnent d’un seul chœur : « La Gwadloup sé tan nou la Gwadloup sé pa ta yo, yo péké fè sa yo vlé adan péyi an nou ». S’il nous faudra revenir sur le « yo » et le sens que chacun lui donne à ce moment-là, il n’y a aucun doute sur l’aspect identitaire du « nou ». Il est fondateur d’une reconnaissance mutuelle et d’un objectif commun : défendre les intérêts de la Guadeloupe.
ELIE DOMOTA SEC GAL UGTG LEADER DU LKP 3

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Pour comprendre le « nou » il faut pouvoir définir le « yo ». C’est de cette définition que naît l’adhésion des uns et des autres au mouvement. Le « nou » se forme quand le « yo » est identifié. Et dans ce yo, tous n’auront pas mis les mêmes fiches. Certains croient y reconnaître les traits de l’Etat et du gouvernement ; d’autres en font le symbole des patrons en Guadeloupe, d’autres enfin lui donnent une couleur ; les blancs sont les «yo ». Les autres, tous confondus, sont les « nou ».

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Et c’est dans cet état d’esprit, avec chacun le sens qu’il donne au mouvement et à ses dirigeants, que plus de 65 000 Guadeloupéens vont se retrouver dans les rues de Pointe-à-Pitre, scandant à qui veut l’entendre et déjà pour soi-même : « La Gwadloup sé tan nou, la Guadeloupe sé pa ta yo, yo péké fè sa yo vlé adan péyi an nou »
ME PIERRE YVES CHICOT POLITOLOGUE 3
RAYMOND OTTO SOCIOLOGUE ANTHROPOLOGUE 2
Alain Andréa UPLG
Les années maigres
Comme à chaque fois après ce type de conflits, la Guadeloupe se « rendort » comme s’il ne s’était rien passé. Dès lors, aucun de tous les conflits sociaux qui ont émaillé l’actualité de la Guadeloupe, n’a été suffisamment mobilisateur pour servir de nouvelle mèche sociale. Certes, les leaders syndicaux ont lancé plusieurs appels en ce sens mais, le faible nombre de participants les a conduits eux-mêmes à ne pas faire référence au LKP et à sa force mobilisatrice, pour ne pas avoir à gérer une telle comparaison. Tout au plus, chaque organisation syndicale, soutenue ou pas par les autres, mène son combat mais ne peut compter que sur ses propres adhérents pour parler de mobilisation.
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La grève de Milénis, un cadeau pour le 10ème anniversaire du LKP
Il faut regarder avec beaucoup de précaution le mouvement des salariés de l'hypermarché de Milénis. Il est symptomatique de l’après LKP 2009. Au départ, la CGTG est un peu seule à lancer le mouvement mais elle est vite rejointe par la section UGTG du centre commercial. Très vite, s’installant dans la durée, le conflit change de nature avec l’entrée en scène de Jean-Marie Nomertin. Le leader syndical s’y connait, il sait comment donner au mouvement un nouveau souffle. Son altercation avec les gendarmes le 18 janvier 2019 et sa rapide interpellation incitent les autres organisations syndicales à se manifester sur le terrain. Très rapidement, Elie Domota autant que Jean-Marie Nomertin sont en première ligne, même s’ils accordent toujours la première place aux responsables syndicaux du conflit.
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RAYMOND GAMA LKP
Mais en face, le préfet Philippe Gustin a lui aussi une grille de lecture des événements et du calendrier. Il a, très probablement, joué un rôle dans l’interpellation de Jean-Marie Nomertin et sa rapide libération. Probablement pour afficher à la fois sa fermeté, sa bonne connaissance du calendrier et sa mission d’éviter tout nouvel embrasement.
D’ailleurs, son implication personnelle comme médiateur dans le conflit de l'hypermarché de Milénis avec, dès le départ, une date de fin de la médiation, est, en quelque sorte, une preuve de son objectif affiché de couper l’herbe sous les pieds des nouvelles composantes du LKP. En pressant les dirigeants de l’entreprise à faire des propositions acceptables par les grévistes, il force ainsi le destin de ce mouvement et tente le tout pour le tout pour que la mèche ne fasse pas long feu.
Pas un anniversaire, la continuité de la lutte
Elie Domota, l’aura dit et répété : il ne s’inscrit nullement dans l’atmosphère du dixième anniversaire du LKP, mais seulement dans la lutte syndicale. Pourtant, il est évident que toutes les organisations syndicales ont vécu des lendemains amers à cause de l’impossibilité de mobiliser les Guadeloupéens dans un nouveau mouvement de protestation. Elles n’y songent pas moins pour autant.
JEAN MARIE NORMERTIN SEC GAL CGTG 3

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Négociations à Milénis, Février 2019 © Guadeloupe La 1ère