Médecins au CHU : Entre le découragement et la conscience professionnelle

12 Mois sont passés depuis l'incendie qui a bouleversé le système de santé en Guadeloupe. Après bien des mots et autant de maux, une nouvelle organisation a été mise en place. Elle repose en partie sur des praticiens qui, pour beaucoup, sont à bout et dont certains ont même choisi de s'en aller.
S'il est une arlésienne dans l'univers du CHU post incendie, c'est bien celle du départ des médecins et spécialistes d'un Centre Hospitalier qui ne leur garantit plus les moyens nécessaires pour fonctionner au mieux. Arlésienne, parce qu'il est presque impossible de trouver un praticien qui le confirmera. 
Celui que nous avons rencontré (et dont nous tairons l'identité) est en pleine réflexion, lui aussi, quant au fait de quitter ou non le CHU et la Guadeloupe. Ses conditions d'exercice, la vision de certains collègues qui arrivent et qui n'ont même pas de bureaux pour travailler et puis qui finissent pas repartir, tout cela a fini par l'interpeller.

Il faut parler mais de manière consensuelle

Pas de gaité de coeur  d'ailleurs. Les patients, on s'y attache. Et puis, malgré tout, l'incendie a fait naître des solidarités de fait qui finissent par peser dans la balance. On ne veut rien dire qui pourrait nuire à l'établissement. Mais l'exaspération est aussi là : 

Il est difficile de prendre la parole de façon consensuelle pour tous les médecins, car tous ne ressentent pas les mêmes précarités dans leur pratique quotidienne, même si certaines difficultés sont parfois communes (accès et disponibilité du plateau technique, aux blocs opératoire, etc...

Des solutions, notre interlocuteur en voit peu et, en tout cas, non applicables à court ou moyen terme, tant le contexte est difficile et même, bloqué

On est tributaires des instances : direction du CHU, ARS, directions ministérielles (outremers et santé) et présidentielles... faillites des dépenses de santé et du coût des travaux...

"On subit mais on travaille..."

Mais alors, pourquoi cette grogne ne transparaît-elle pas au grand jour ? Notre interlocuteur a la réponse, en tout cas, selon son propre vécu : 

un des problèmes : les médecins sont trop "faisants" (il faut bien s'occuper des malades !!); on courbe l'échine, on subit, mais on travaille...et ensuite burn out, arrêt de travail, et surtout mutations : la démographie médicale du CHU, du CHBT et en libéral est en fuite !

A sa manière, le Professeur Suzy Duflo ne dira pas le contraire, même si elle en tire une toute autre conclusion :
 
©guadeloupe
D'ailleurs, pour le CHU, il n'y a pas d'hémorragie des praticiens. Et notre interlocuteur remarque également que 

des praticiens sont et restent motivés, des recrutements sont en cours afin d'améliorer l'offre de soins proposée sur le territoire.

Ce que confirme la direction du CHU qui souligne que, après une période de troubles et d'incertitudes après l'incendie et durant la nouvelle répartition géographique, lors du dernier mouvement des internes, la Guadeloupe n'a pas été boudée. Mieux, elle a reçu tous ceux qu'elle était en droit d'escompter
 
©guadeloupe

Perspectives : Entre le sombre et les nuances...

Quant à l'avenir et la perspective du nouvel hôpital de Perrin aux Abymes, loin d'être alarmiste, notre interlocuteur veut espérer que le CHU surmontera  ses difficultés conjoncturelles pour que Perrin soit une vraie chance pour la Guadeloupe.
Un sentiment partagé par le professeur Duflo qui veut y croire. Malgré et malgré, il faudra continuer de faire pour le mieux...
©guadeloupe