Procès chlordécone : La possibilité d'un non-lieu provoque la colère des plaignants

Il aura fallu attendre plus de 14 ans pour que le dossier chlordécone prenne un nouveau tournant et soit enfin pris en compte par un juge d’instruction, avec peut-être à la clé des mises en examen réclamées par les plaignants.

Trois associations de Martinique et quatre de Guadeloupe ont été auditionnées mercredi et jeudi en visio-conférence par deux juges d'instruction du pôle santé du Tribunal de Grande Instance de Paris, 14 ans après le dépôt de leur plainte pour "mise en danger de la vie d'autrui". 

Colère des associations martiniquaises

Elles avaient déposé plainte dès février 2006 contre l'empoisonnement de leurs îles au chlordécone, un pesticide interdit en France en 1990 mais qui a continué à être autorisé dans les champs de bananes de Martinique et de Guadeloupe par dérogation ministérielle jusqu'en 1993. 
Plus de 90% de la population adulte en Guadeloupe et Martinique est contaminée par le chlordécone, selon Santé publique France, et les populations antillaises présentent un taux d'incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.

Les juges d'instruction ont appris aux associations que des preuves avaient disparu et que le dossier pouvait être sous le coup d'une prescription, ont déclarées les associations martiniquaises au sortir de l'audition.
"Ça fait 14 ans que ça traine devant leurs tribunaux et aujourd'hui on nous dit que les faits sont prescrits ? Ce n'est pas de notre fait !", s'est emporté Pascal Tourbillon, représentant l'ASSAUPAMAR (l'Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Martiniquais).
Maître Louis Boutrin, l'avocat de l'Association pour une écologie urbaine basée en Martinique, demande pour sa part à ce qu'on clôture au plus vite l'instruction pour passer aux mises en examen et précise qu'"il y a aujourd'hui des rapports de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) qui n'ont pas été pris en compte, qui sont des infractions commises en 2006 et qui permettent de repousser les limites de la prescription".

Les associations mobilisées en Martinique, l'AMSES (l'Association Médicale de Sauvegarde de l'Environnement et de la Santé), l'ASSAUPAMAR et l'Association pour une écologie urbaine, envisagent désormais de saisir les juridictions européennes notamment la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

Des pièces du dossier mystérieusement disparues

Colère et frustration également en Guadeloupe, à l'issue de l'audition qui s'est déroulée ce jeudi 21 janvier, au palais judiciaire de Pointe-à-Pitre. Quinze ans après le dépôt d'une plainte pour empoisonnement, les deux associations de production agricole, l'association de consommateurs et le syndicat CGTG ont été entendus pour la première fois par les deux magistrats instructeurs en charge du dossier.

Pendant plus de 4 heures de débat, les plaignants ainsi que les parties civiles qui étaient présentes ce matin, à l'instar du Conseil régional ont appris que plusieurs pièces importantes avaient mystérieusement disparues du dossier.

Autre déconvenue, le délai de prescription des faits serait désormais échu, ce qui aboutirait à une décision de non lieu. De quoi provoquer la colère de certains. Ainsi, Jean-Marie Nomertin, secrétaire général de la CGTG a été jusqu'à insulter les magistrats instructeurs.

L'incident a provoqué une suspension de séance de 15 minutes. L'audition a pu reprendre, avec ce qui pourrait bien se terminer par un enterrement de première classe. Une décision qui sera vraisemblablement contestée par les avocats des parties civiles et des plaignants. Les syndicats UGTG et CGTG, eux, appelent à une mobilisation générale de la population dans les prochains jours. 

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