En 2019, puis en 2022, la population de la partie française de l’île de Saint-Martin s’était massivement mobilisée contre l’interdiction de reconstruire sur le littoral, notamment à Marigot. Cette décision avait été prise par les autorités locales, dans la cadre du nouveau Plan de prévention des risques naturels (PPRN), après les ravages causés par l’ouragan Irma en septembre 2017. Mais, sur ce petit bout de terre, les résidents, dont plusieurs étaient ainsi menacés de dépossession, voire d’expulsion, ne l’entendaient pas de cette oreille. Au final, le PPRN sera modifié.
Idem, la vente aux enchères des parcelles d’une succession colossale, celle concernant le domaine de la famille Beauperthuy couvrant plusieurs centaines d’hectares, avait causé des remous sur place.
On se souvient aussi du partage compliqué de parcelles, entre les héritiers Webster, sur fond, là aussi, d’une vente aux enchères à une société immobilière. Là aussi, la colère s’était exprimée ; des barrages avaient été érigés à Baie-Orientale.
Les Saint-Martinois sont très attachés à leur patrimoine. Pour les promoteurs, le foncier est, par ailleurs, un moteur de développement.
Mais dans l’île, il règne ce qu’une mission d’inspection a qualifié de "désordre foncier" ; une réalité à résorber. Le calme revenu, pour tenter de résoudre ces problématiques, l’État et la Collectivité territoriale de Saint-Martin ont décidé de créer une Agence Foncière.
Une agence sur laquelle reposent de grands espoirs
Ils étaient plusieurs partenaires à cosigner l’acte de création de l’Agence foncière, la semaine dernière (jeudi 31 octobre 2024), à l’hôtel de la collectivité de Saint-Martin, à Marigot. Leur objectif est d’aider la population locale à obtenir un titre de propriété, dans les règles de l’art.
Cette concrétisation suit les travaux d’une mission d’inspection, diligentée par le ministère de la Justice. L’un des deux inspecteurs a été rappelé, l’an dernier, pour aider à la mise en œuvre des 17 recommandations contenues dans leur rapport. Parmi elles, la création d’un Groupement d’intérêt public (GIP) en charge de toutes les compétences foncières ; cette proposition avait été validée en Conseil interministériel des Outre-mer (CIOM).
Nous avons beaucoup de Saint-Martinois soit qui occupent un terrain, même depuis longtemps, mais n’ont pas de titre, soit qui ont des titres de propriété qui sont contestés, qui ne sont pas sûrs. Et, donc, le but de cette agence, est de mettre à la disposition des Saint-Martinois qui le souhaitent, des spécialistes, des juristes, qui pourront leur permettre d’avoir réellement un titre de propriété.
Vincent Berton, préfet délégué de Saint-Barthélemy et Saint-Martin
L’Agence foncière va prendre l’attache des partenaires concernés, pour aider les volontaires à s’acquitter, sans débourser, d’une tâche souvent complexe et onéreuse.
Il faut parfois un avocat, parfois un généalogiste, parfois un notaire, souvent un géomètre expert... Tout cela a un coût, fait appel peut-être à une technicité que tout le monde n’a pas. L’agence est justement là, gratuitement, pour aider les gens à monter leur dossier et leur permettre d’acquérir ce titre de propriété.
Marc-Etienne Pinauldt, chargé de mission sur la résorption des désordres fonciers à Saint-Martin
La propriété, "corollaire de la dignité humaine" selon le préfet, c’est aussi la possibilité d’assurer ses biens et bien plus encore.
Ça nous permettra de régler les indivisions successorales ; c’est un problème de fond sur notre territoire. Nous pouvons aider les familles à obtenir un titre de propriété et, par ce biais, ils pourront justement faire des transactions, ils pourront vendre, faire la transmission vers d’autres héritiers de la famille...
Louis Mussington, président de la Collectivité de Saint-Martin
Dotée de 500.000 euros de budget, l’agence ouvrira ses portes début 2025. Une bonne moitié des habitants du territoire pourrait avoir recours à ses services.
Une agence, pour quelles missions ?
Trois grandes missions attendent l’Agence foncière.
D’abord, il s’agira de trouver à qui appartiennent des terrains qui manquent, ou n’ont pas, de titres de propriété établis dans les règles.
Deuxièmement, les agents devront faciliter le partage de terres en indivision, en cas de succession. Ce problème ralentit, par exemple, l’achèvement d’un collège à Marigot.
Enfin, l’agence devra se pencher sur la question des occupations irrégulières sur l’île. Pour y parvenir, elle va prendre l’attache des organismes concernés (notaires, cadastre, services fiscaux, etc.), pour une étude au cas par cas des situations.
Aucune obligation n’est faite aux habitants d’avoir recours à l’Agence foncière. Seuls les volontaires seront accompagnés dans toutes leurs démarches pour obtenir un titre de propriété en bonne et due forme.
Il faut tout de même savoir que, sans ce sésame, il n’est pas possible de transmettre à ses héritiers, de vendre ou d’assurer son bien immobilier.
Les prestations de l’Agence foncière seront gratuites.
Son financement est assuré, à parts égales, par l’État et la Collectivité.