Tsunamis : les refuges de l'archipel identifiés et cartographiés

En cas d'alerte tsunami, chacun doit rejoindre le point haut le plus proche.
Cela est désormais su : le risque tsunami est une réalité, aux Antilles*. Forte de cette information, la population a le devoir de se préparer à l’éventualité de la submersion de nos côtes, par une vague hors normes et dévastatrice.
 
Face aux tsunamis, le seul moyen de se mettre à l’abri est de s’éloigner du littoral, pour se rendre sur un "point haut" de l’archipel.
Des refuges qu’il fallait identifier.
Tel était l’objet du projet EXPLOIT**.

Entretien « Alerte Guadeloupe », avec Narcisse ZAHIBO, enseignant-chercheur à l’Université des Antilles, membre de « Large », le Laboratoire de recherche en géosciences et énergies (qu’il a dirigé pendant 10 ans), dont le travail porte précisément sur les risques de submersion, occasionnés par les tsunamis ou la houle cyclonique :
 

Extrait de cette interview réalisée par Nadine FADEL :

Alerte Guadeloupe : Des équipes, de part et d’autre de l’Atlantique, ont contribué à ce projet EXPLOIT. De quoi s’agit-il ?
 
Narcisse ZAHIBO : Nous sommes plusieurs partenaires sur ce projet EXPLOIT, porté par l’Université « Paul-Valéry Montpelier III » et financé par le Fondation de France, notamment. Le but était de pouvoir identifier, dans toutes les communes de la Guadeloupe, les voies d’évacuation, les sites d’évacuation et toute la logistique nécessaire, pour la mise à l’abri des personnes, en cas d’alerte tsunami. C’est chose faite. Le projet a été finalisé au mois de mars 2018. Les résultats sont sur une plateforme, à la disposition de toute la population. Chaque habitant peut la consulter, pour connaître les sites-refuges dans sa commune.

A.G. : Est-ce que cette plateforme Internet sera associée à une application pour Smartphone, consultable, à tout moment, où que l’on soit ?

N.Z. :
Pas pour l’instant. Mais, à l’ère de la 3G et de la 4G, tous les Smartphones sont connectés. Donc chacun peut quand même cliquer sur le lien qui correspond à son positionnement, pour identifier le point haut le plus proche.

A.G. : Vous avez voulu que le fruit de ce travail – cette plateforme – soit accessible au grand public.

N.Z. :
En effet, accès facile et utilisation facile. La Guadeloupe*** entière y est cartographiée, commune par commune. Un outil compréhensible par le plus grand nombre. Un tsunami, ne se prévoit pas longtemps à l’avance. Et comme, pour l’instant, le système d’alerte tsunami n’est pas encore opérationnels pour la Caraïbe (il est toujours en réflexion), l’idée de ce projet est d’informer les gens, au préalable. Il faut qu’ils aient un maximum d’éléments sur les possibilités d’évacuation, si le tsunami survient. On y trouvera aussi les caractéristiques du tsunami, commune par commune.
 

« Grâce à EXPLOIT, chaque Guadeloupéen peut trouver facilement le refuge le plus proche de là où ils se trouve, en cas d’alerte tsunami. »

A.G. : De quel scénario êtes-vous partis, pour évaluer les dégâts potentiels... et les contrer ?

N.Z. :
EXPLOIT est adossé à un précédent projet, financé par la Région Guadeloupe et le programme européen Interreg : le projet « Tsunahoule »****. Dans ce cadre, on a fait une batterie de simulations de tsunamis. Des scénarios catastrophes, sur la base des faits historiques, comme ceux de 1843* et de 1939*. Des évènements qui peuvent se reproduire. Donc, tout cela a été « rejoué » et les réponses, après ces submersions simulées, ont fini dans une banque de données. EXPLOIT, qui a suivi, a bénéficié de ces résultats, pour que soient identifiés, les lieux protégés, le temps pour les atteindre, les voies à emprunter pour y aller, etc.

A.G. : Une large partie de la population est exposée au risque tsunami ?

N.Z. :
Oui, parce que nous sommes une petite île. Toutes les zones basses sont de plus en plus habitées. De surcroît, la Guadeloupe est très touristique, grâce à la beauté de nos plages, de nos eaux, etc. Il y a beaucoup de sites balnéaires ; autant de sites à protéger et au sein desquels il faut essayer de réduire l’impact d’un tsunami, s’il survenait.

A.G. : Pour aller plus loin, ne faudrait-il pas installer, dans le territoire, une signalétique physique (des panneaux), pour indiquer les points hauts ? Est-ce que cela est envisagé par l’Etat et les collectivités territoriales ?

N.Z. :
C’est quelque-chose que l’on suggère depuis très longtemps, en Guadeloupe. De tels dispositifs existent déjà dans les pays d’Amérique latine, ou encore dans l’Océan Indien : il y a des panneaux d’information, sur le littoral, pour indiquer que l’on entre dans une zone susceptible d’être submergée par un tsunami, de façon à alerter le public. Il est d’emblée sur ses gardes. Et il y a un deuxième type de panneaux, qui indiquent quelle voie emprunter pour quitter dans la précipitation le littoral.

A.G. : Et alors, comment réagissent les autorités locales ?

N.Z. :
Pour l’instant, c’est très timide, puisqu’il n’y a pas encore, à ma connaissance, de plage, ni de zone littorale équipée. Quand on discute avec les autorités, l’argument qu’elles avancent c’est qu’elles ne veulent pas faire peur à la population*****. Or, c’est complètement l’inverse ! Imaginez : devant un tel panneau qui vous signale le danger, vos enfants vont vous poser des questions ; ce sera l’occasion de les informer, de leurs expliquer… le plus important, face aux risques naturels, c’est la communication et la prévention. Ce ne sont pas des panneaux pour faire peur, mais pour que la connaissance du danger fasse partie de notre culture. Mais bon, c’est un travail de longue haleine. Il faut, avec pédagogie, insister. Depuis le tsunami de 2004, en Indonésie, les organismes de recherche et l’UNESCO suggèrent et, même incitent toutes les populations qui habitent au contact de la mer à réfléchir à un système d’alerte tsunami. Cela a été fait en Méditerranée, alors qu’ils n’ont pas beaucoup de tsunamis dans cette zone. Cela a été fait dans l’Océan Indien. Des dispositifs accompagnés d’énormément d’informations. Il existe même une codification internationale, pour les panneaux. Parce que ça se fait déjà ailleurs ! Y a plus qu’à s’appuyer sur l’existant. Maintenant il s’agit d’une décision politique, qui ne nous permet pas de franchir la deuxième étape.
 

POUR ALLER PLUS LOIN /

* A lire : l’interview du Maître de conférences, Pascal SAFFACHE, « Le risque Tsunami : une réalité aux Antilles ».

** Le projet EXPLOIT – pour « EXPLOItation et Transfert vers les collectivités des Antilles françaises d’une méthode de planification des évacuations en cas d’alerte tsunami » – est un projet scientifique, porté par l’UMR GRED (Université Paul Valéry Montpellier 3 & IRD), au service de la prévention du risque tsunami, auquel sont exposées 180 000 personnes aux Antilles françaises. Il concerne les 31 communes littorales de la Guadeloupe et 27 de la Martinique, ainsi que les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Des territoires cartographiés, avec identification des zones sensibles et des refuges possibles. Des plans d’évacuation détaillés et des consignes sont délivrés.
https://exploit.univ-montp3.fr/

*** La Guadeloupe, mais aussi les autres territoires français des Antilles (la Martinique et les îles du Nord).

**** Le programme TSUNAHOULE a permis aux scientifiques de modéliser les cyclones et les phénomènes liés à la houle, pour déterminer quels dégâts pourraient être engendrés, dans les communes du littoral des Petite Antilles françaises. Les résultats de ces travaux ont été confiés à une entreprise, pour l’édition d’une application de prévention des risques et de géolocalisation : « My Predict ».

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