L’affaire des deux militaires tués à Dorlin en 2012 devant la cour d’assises de Martinique

Manoelzinho lors de son arrestation au Brésil
Cités à comparaître à Fort de France, le suspect numéro un, Manoel Moura Ferreira alias « Manoelzinho », et "Brabo", son complice de cavale, sont toujours détenus au Brésil. Seuls deux membres présumés de la bande seront devant la cour. Le procès est prévu du 10 au 18 octobre.

Le 27 juin 2012, deux commandos du 9ème Rima sont tués et deux gendarmes grièvement blessés par des tirs d’armes de guerre, lors d’une embuscade tendue sur un layon de Dorlin, une zone d’orpaillage clandestin dans la  commune de Maripasoula, en Guyane. Les gendarmes et militaires interviennent alors dans le cadre d’une opération de lutte contre l’orpaillage illégal. Le caporal-chef Sébastien Pissot est décédé sur place et l’adjudant chef Stéphane Moralia est mort lors de son évacuation. L’adjudant Laurent Chauvet et le maréchal des logis-chef Raphaël Perriraz, de la gendarmerie, ont été grièvement blessés respectivement à l’abdomen et aux jambes.   Ce même jour, l’adjudant Jean-Philippe Guillet de la gendarmerie, a été légèrement blessé dans l’hélicoptère Puma pris pour cible par la bande, alors qu’il volait au dessus de Dorlin.   

Folle cavale

L’auteur principal présumé est un jeune chef de bande âgé de 25 ans au moment des faits, Manoel Moura Ferreira alias « Manoelzinho ». Il est soupçonné d’avoir pris le contrôle de la zone des mines d’or clandestines de Dorlin de janvier à juin 2012, faisant régner la terreur avec ses complices. « Manoelzinho » et certains complices sont également poursuivis pour des tirs présumés sur une patrouille de cinq gendarmes, sans faire de blessés, le 19 mai 2012 sur la rivière Inini, à Maripasoula. Peu après le double meurtre de Dorlin du 27 juin, le « petit Manoel » prend la fuite à travers la forêt guyanaise avec trois autres personnes. Au cours de cette folle cavale, le 11 juillet, les fuyards tentent de voler une pirogue sur l’Approuague en tirant sur l’embarcation, avec deux hommes à bord. Blessés, ils réussissent à s’enfuir. Le 21 juillet, à Régina, les malfrats essaient de braquer une voiture sur la RN2 en lui tirant dessus. L’automobiliste accélère et échappe au guet-apens, indemne, ainsi que son passager. Le 27 juillet, Manoelzinho et « Brabo » (Ronaldo Silva Lima) sont arrêtés au Brésil, à Macapa, qu’ils ont rejoint à partir d’Oiapoque.

Un procès à 1400 kms du lieu des crimes

L’enquête a été confiée à la Juridiction Inter-Régionale Spécialisée (JIRS) en matière de crime organisé, basée à Fort de France pour la zone Antilles-Guyane. Si le service d’enquête qui a travaillé sur cette affaire est la Section des Recherches de la gendarmerie de Guyane, les magistrats instructeurs sont en Martinique. Conformément à cette organisation judiciaire – et à la décision de confier l’enquête à la JIRS - c’est donc la cour d’assises de Fort de France qui va juger cette affaire, prévue du 10 au 18 octobre, à plus de 1400 kilomètres de la Guyane. Vingt-huit parties civiles sont représentées, les proches des deux disparus, des militaires et gendarmes pris pour cible par la bande, et l’automobiliste braqué sur la RN2.

Quatre accusés, deux seulement à l’audience

Quatre ressortissants brésiliens sont cités à comparaître devant la cour d’assises de Fort de France pour l’ensemble de ces faits : Manoel Moura Ferreira, alias « Manoelzinho » et Ronaldo Silva Lima, surnommé « Brabo », Itamar Bezerra Alves, alias « Itamar », et Ronaldo Miranda Carvalho, surnommé « Ronaldinho ». Les deux premiers ne seront pas présents : « Manoelzinho » et « Brabo » sont détenus dans une prison de haute sécurité dans le sud du Brésil, pays qui n’extrade pas ses ressortissants. Selon le bureau du procureur fédéral de l’Amapa, ils doivent être jugés à Macapa par la justice fédérale brésilienne, à une date encore inconnue.
Un 5ème accusé était cité dans l’ordonnance de mise en accusation du 20 juillet 2015 du juge d’instruction Thierry Rolland, du tribunal de Fort de France : José Antonio Brito, poursuivi pour détention d’armes en bande organisée et association de malfaiteurs en vue de la commission de crimes ou délits. En juin dernier, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Fort de France l’a renvoyé devant le tribunal correctionnel pour ces faits présumés. Mais ce suspect échappe à la justice : il a été libéré de la prison de Ducos en 2013, suite à une erreur de procédure, selon des sources judiciaires. En janvier 2016, en son absence, il a été condamné par la cour d’assises de Cayenne à 25 ans de prison dans l’affaire de l’embuscade tendue à une autre bande à Dorlin, en février 2012.

Déjà condamnés à Cayenne

« Manoelzinho » a déjà été condamné trois fois « par défaut » - en son absence - par la cour d’assises de Cayenne : en janvier dernier, 20 ans de prison pour le meurtre d’une prostituée en 2011 Saint Elie; la réclusion criminelle à perpétuité pour cinq meurtres de ressortissants brésiliens à Dorlin début 2012 (il s'agissait de prendre le contrôle de la zone en liquidant la bande à « Felipe »). En mars dernier, à nouveau 20 ans de prison pour le meurtre de deux hommes à Dorlin, toujours en 2012 (avec « Brabo » pour cette dernière condamnation). Itamar Bezerra Alves alias « Itamar » a lui aussi été condamné en janvier dernier à Cayenne à 25 ans de prison dans l’affaire de l’embuscade de la bande à Felipe.

Le début de ce procès a été reporté au début de l'après-midi de 10 octobre car l'un des accusés en détention n'était pas encore arrivé de Guadeloupe.
Le second, détenu en Guyan, a été ramené dimanche en Martinique par le vol Air France, encadré par plusieurs policiers.