En révélant en août dernier que de l’éthéphon avait été retrouvé sur des lots de bananes plantains, les autorités martiniquaises ont non seulement ravivé de douloureux souvenirs liés à la chlordécone au sein de la population…pas si lointains que cela d’ailleurs…mais surtout, elles ont suscité de nombreux doutes et questionnements chez le consommateur.
Et pour cause, selon le laboratoire d’analyses Phytocontrol, l'Ethéphon est un régulateur de croissance végétale utilisé pour promouvoir la maturation de certains fruits comme les tomates, les betteraves ou encore le café. Il peut être utilisé pour simplifier la récolte des fruits et accélérer la maturation en aval de la récolte.
En Martinique, il est autorisé exclusivement en culture d’ananas pour accélérer la floraison.
La molécule disparaît au bout de 3 ou 4 mois. C’est la raison pour laquelle son utilisation n’est autorisée que sur certaines plantes, et seulement lorsqu’elle est au stade floral. Sinon, son usage est strictement interdit sur tous les fruits, quel que soit leur stade de maturité
Gwendoline Le Liard – cheffe du service de l’alimentation à la DGTM
Sauf que certains producteurs peu scrupuleux le détournent son usage premier.
Dans un communiqué publié le jeudi 25 août 2022, Clarisse Taron, procureure de Fort-de-France, indiquait: "Cette molécule serait pulvérisée sur les fruits cueillis encore verts pour accélérer le passage vers la couleur jaune afin de présenter à la vente des produits plus attrayants pour le consommateur".
Le spectre d'un nouveau scandale sanitaire
Chez nous, 5 services d’État dont le service de l’alimentation de la Direction Générale des Territoires et de la Mer (DGTM), sont en cours d’évaluation du risque.
Nous avons réalisé 15 prélèvements entre la semaine dernière et cette semaine, en collaboration avec nos collègues du service des fraudes de la DGCOPOP. Ceux que nous avons effectué ont été envoyés pour analyse à un laboratoire de Lyon, ceux effectués par la DGCOPOP ont été envoyés dans un laboratoire parisien. Les résultats seront connus d’ici à 2 semaines.
Gwendoline Le Liard – cheffe du service de l’alimentation à la DGTM
Les lots d’un kilo ont été prélevés sur des lieux de commercialisation du territoire, de Régina à Saint-Laurent : primeurs, marchés, grandes surfaces et grossistes.
Si une contamination est avérée sur un ou plusieurs lots, les lieux de vente seront informés et les bananes devront être retirées des rayons et étals. Une enquête de traçabilité sera effectuée pour retrouver le producteur qui sera alors sanctionné.
Selon les services de l’état, la situation s’est déjà produite en 2016 et en 2018. Des analyses réalisées par la DGCCRF et le SALIM (Service Alimentation) avaient mis en évidence deux utilisations d’éthéphon frauduleuses. Des suites administratives et pénales avaient été engagées à l’encontre des contrevenants.
Des risques pour l'utilisateur
Classé comme « légèrement dangereux » par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’éthéphon est surtout toxique pour l’agriculteur qui en fait usage non maîtrisé. Il peut provoquer des réactions allergiques, des brûlures de la peau, des lésions oculaires, des diarrhées, des crampes d'estomac ou l'augmentation de l'appétit.
Pour le consommateur, l’évaluation toxicologique de l’éthéphon menée par l'OMS en 2015, conclut qu’il est peu susceptible de présenter un risque cancérigène.
« En Martinique, les analyses font état d’un taux de 126 fois supérieur à la réglementation retrouvé sur les bananes examinées. Il peut donc à ce niveau se révéler dangereux également pour le consommateur », souligne Gwendoline Le Liard.
La cheffe du service de l’alimentation à la DGTM indique que 15 nouveaux prélèvements seront réalisés dans les deux prochains mois pour compléter les vérifications.