Carnaval de Guyane 2025. Un atelier autour du fouet, objet emblématique du carnaval guadeloupéen

Le tressage des cordes
Le groupe Ijakata proposait ce week-end un atelier de fabrication de fouets. Animé par des membres de K’Mas, un groupe venu de Guadeloupe, la rencontre a été l'occasion d'expliquer le symbolisme de cet objet et son importance dans la culture antillaise.

Symbole des punitions infligées durant l’esclavage, le fouet est devenu un objet emblématique du carnaval guadeloupéen. Impossible, sur l’île, de voir un défilé sans ces impressionnants fouettards, tout à la fois admirés et craints. Le phénomène est si important que des concours existent. Ils récompensent l’adresse du fouettard, sa maîtrise du mouvement, la rapidité de son geste.

Parmi les premières étapes: la découpe des bâtons: ici, c'est un manche à balai qui est utilisé

Chez nous, pas de fouets dans les rues, malgré la présence d’Ijakata, seul groupe à peau du territoire. Claude Germain, président d’honneur d’Ijakata en explique la raison : « On peut fabriquer un fouet en quelques heures, mais pour en avoir la maîtrise, il faut plus de temps. C’est pour cela que c’est quelqu’un d’expérimenté qui utilise le fouet. »

L'atelier s'est tenu à Cayenne

Depuis sa création, il y a 28 ans, Ijakata s’applique à partager la culture guadeloupéenne. Aussi, proposer un atelier sur les fouets, s’inscrit pleinement dans sa démarche. Pour mener à bien l’opération, Ijakata a invité des membres du groupe K’Mas. Implanté aux Abymes, en Guadeloupe, ce groupe de « mas matin », qui ne sort qu’aux aurores a profité pendant quelques jours du carnaval de Guyane : découvertes des dancings, parade de Macouria… À cette occasion, le public a pu admirer toute la dextérité des fouettards en actions.

Les participants ont voulu découvrir les secrets de fabrication des fouets utilisés pendant le carnaval en Guadeloupe

C’est le fouet qui ouvre le chemin au groupe. Quand il arrive, tout le monde s’écarte

Malaurry Guilon, fouettard

Malaurry Guilon est l’un d’entre eux. Ce dimanche, c’est lui qui a animé le stage. Étape par étape, le fouettard a expliqué le procédé : la découpe du bois, la préparation puis le tressage de la corde avant de passer à la fixation avec du caoutchouc prélevé sur une chambre à air et du scotch pour finir par l’installation du « karata » au bout. « À l’époque, c’était une liane qu’on allait chercher dans les bois et qu’on tressait ». « Ça durait pour toujours ! » renchérissent deux autres membres du groupe. Aujourd’hui, c’est de la corde qui est aussi utilisée, mais le nom karata est resté.

Nous ne sommes plus sous la domination du fouet. C’est nous qui le maîtrisons

Claude Germain, président d'honneur d'Ijakata

Parmi les motivations des parents : montrer aux plus jeunes une partie de la culture guadeloupéenne

Fouet en main, Malaury Guilon fait une démonstration alors que les stagiaires commencent à préparer leurs cordes.

Le mouvement est à la fois ample et précis. Le claquement est sec sur le sol, le bruit provoqué par le passage dans l’air résonne comme un pétard et agite les animaux au loin. Depuis la cour, les stagiaires admirent le geste. Sarah et sa famille sont Guadeloupéens et résident en Guyane depuis six mois. « En Guadeloupe, je faisais partie du groupe Vim. J’ai grandi là-bas et le fouet du carnaval fait partie de notre culture, même si je ne pratiquais pas. J’ai voulu emmener mon fils Ethan à cet atelier pour le relier à cette partie de sa culture, pour qu’il en connaisse l’histoire ».

Pour Sarah, proposer cet atelier à son fils Ethan est une façon de le relier à sa culture

Cette histoire, les membres d’Ijakata et K’Mas l’ont expliquée. « Le fouet a une connotation particulière dans notre histoire, souligne Claude Germain. À l’époque, le colon l’utilisait pour blesser et punir les esclaves. Aujourd’hui, nous ne sommes plus sous la domination du fouet. C’est nous qui le maîtrisons. »

Petits et grands ont mis la main à la pâte

Ouverture d’esprit

Sonia est membre d’Ijakata depuis 10 ans où elle dirige la section kadriy (quadrille). « Au sein de la section "Mas" J’ai occupé plusieurs postes dans le groupe : rimé kroupion, à savoir l'une des personnes qui chantent et dansent devant les musiciens, j’ai aussi tenu la banderole, porté l’encens… Depuis quelque temps je joue de la musique: tambour-chant et conque à lambi. Quand on a parlé de l’atelier, c’était un nouveau défi personnel à relever ! » La culture guadeloupéenne n’est pas celle de Sonia, mais qu’import. « Il y a toutes les communautés dans Ijakata, il faut briser ses chaînes et avoir une ouverture d’esprit », résume-t-elle.

Dans le passé, les fouets étaient réalisés avec le karata, une liane très solide

Lohann, 9 ans, a été accompagné par sa maman. « Son grand-père est Guadeloupéen et lui a raconté le carnaval. Il lui avait ramené un fouet et mon fils a essayé de l’utiliser en regardant des vidéos. Avec cet atelier, il pourra savoir comment l’utiliser sans se blesser. »

Des membres du groupe K'Mas ont été invités par Ijakata. Au centre: Kenny Belia, président du groupe de Guadeloupe

Au bout de quelques heures et après avoir rigoureusement suivi toutes les étapes, les stagiaires repartent avec leur réalisation. Sonia est ravie. « Je suis contente d'avoir appris et réussi à fabriquer le fouet. Par contre, en ce qui concerne la pratique, ça va demander encore quelque temps d'entraînement ! » plaisante-t-elle.

Le groupe K'Mas a animé un atelier de création de fouets à l'invitation du groupe Ijakata ©Audrey Virassamy