Abraham Pacheco, jeune homme de 32 ans ne laisse pas passer une semaine sans s’adonner à son hobby : la pêche. Cela lui vaut de connaître tous les spots poissonneux en mer comme en rivière. Il nous a décrit ses habitudes et comment au fil des ans grâce à une observation fine de la nature, il a adopté les comportements adéquats pour préserver la ressource. Il pêche autant pour une consommation très raisonnée que pour le plaisir d’affronter les énormes poissons qui se trouvent au large de la côte.
L’acoupa rouge - Cynoscion acoupa
« L’acoupa rouge est le poisson très recherché de tout le monde, les plaisanciers comme les professionnels. Présent sur toute la bordure guyanaise, dans les estuaires, dans l’océan il est pêché pour la consommation locale et également par la surpêche clandestine pour sa vessie destinée au commerce asiatique. C’est un poisson que j’aime pêcher par rapport à l’attaque, le plus souvent au leurre en estuaire, sur les ponts, sur les fleuves de Montsinéry, du Mahury.
À l’observation je me rends compte qu’il y a une saison pour les gros acoupas rouges aux Iles du Salut ou aux battures du Connétable entre les mois de juin et de décembre. On en trouve mais de plus petite taille (de 1 à 3 kg) dans les estuaires, le poisson vient s’y reproduire durant la saison des pluies. Quand j’ai commencé à pêcher à l’âge de 16 ans, il y en avait beaucoup plus qu’aujourd’hui notamment à proximité des plages et dans les estuaires de reproduction comme ceux de Montsinéry, du Larivot, de Mana ou encore du Mahury. Je pense que cette baisse est due à la présence des grands filets posés au large par les professionnels qui barrent les zones d’entrée et donc cela diminue la ressource sur les plateaux proches de la côte. Ces filets clandestins qui ne respectent pas une grosseur de maille ramassent tout, ils exterminent l’espèce. »
Le machoiran jaune – Sciades parkeri
« C’est un poisson de plus en plus introuvable. Les mois de septembre et d'octobre c’est la période d’entrée dans les zones. On en trouve encore quelques-uns pêchés à la ligne ou au filet mais c’est un poisson qui commence à être un peu rare. Au contraire le machoiran blanc est présent partout. On l’utilise principalement pour le boucanage. Il n’est pas très prisé autrement. On le trouve sur les bords de mer ou encore en estuaire. Il y a aussi le couman couman (Hexanematichthys couma) de la même famille, très présent sur le Sinnamary et utilisé pour le boucanage. Il y en a énormément. Lors d’un concours, il nous est arrivé d’en sortir 45 en une matinée à l’embouchure de Sinnamary. Nous relâchons la plupart de nos prises. Lorsque je prends 10 acoupas, je garde ce qu’il me faut pour ma consommation et je donne le reste ou je relâche les poissons. Il faut préserver nos ressources. »
Le croupia - Anisotremus surinamensis
« C’était un poisson très apprécié des anciens qui arrivaient à le prendre à la canne mais surtout au filet. C’est un poisson saisonnier plus présent de septembre à octobre novembre en estuaire comme en mer, aux îles du Salut également dans le Mahury. Les Chinois sont très friands de ce poisson cuit à la vapeur dans la cuisine chinoise. Il y a plusieurs sortes de croupia : le lippu croupia que l’on retrouve en mer près des îles du Salut. Celui de rivière est surnommé croupia roche. »
L’Aïmara (Hoplias aïmara)
« C’est un poisson d’eau douce, de rivière, très prisé par les amateurs de pêche sportive. Les gens viennent de l’hexagone pour pêcher l’Aïmara sur le fleuve Sinnamary. Généralement, nous allons à saut Dalles après le saut Takari-Tanté. On pêche au leurre (un appât qui fait du bruit).
Ma meilleure prise est un spécimen de 12 kg. Mais, en Guyane, l’aïmara peut peser de 15 à 20 kg, la moyenne étant de 6 à10 kg. Parfois ce poisson a des vers et est immangeable. C’est une maladie qui est apparue dans les eaux stagnantes du lac du barrage de Petit-Saut. L’Aïmara se déguste le plus souvent boucané ou grillé.»
Dans cette courte liste de poissons, on ne saurait oublier l’atipa de Guyane (Hoplosternum littorale). La plus grande concentration de cette espèce emblématique dite préhistorique se trouve dans les marais de Kaw. Pêché durant la saison sèche, l’atipa, gustativement, est très apprécié pour sa chair jaune et ferme au goût particulier.
Grand amateur de pêche sportive, Abraham Pacheco nous cite aussi : le palika ou tarpon et le cubera ou la carpe rouge.
« Le palika est aussi un poisson phare de la pêche sportive. Il y en a en abondance près de l’île du Connétable et aux Iles du Salut. En général, il n’est pas présent sur les étals mais on le retrouve particulièrement lors de grands repas où il est servi grillé. Ce poisson peut atteindre une très grande taille de plus de 2m. Je le pêche au leurre artificiel. »
« On trouve le cubera appelé aussi carpe rouge sur les battures du Connétable. Pour moi c’est l’un des plus beaux poissons de Guyane, très difficile à pêcher. En général, on prend une photo lors d’une prise ensuite on le relâche. »
Abraham Pacheco est inarrêtable sur les poissons de Guyane et pourtant, il ne raffole pas de la chair de poisson. Il en consomme occasionnellement :
« J’aime pêcher c’est un plaisir d’attraper les poissons avec les différentes techniques. Quand j’étais plus jeune ma passion c’était de sortir les poissons, aujourd’hui, j’apprécie davantage la sensation au début de la touche ou encore de l’attaque. J’ai déjà sorti un mérou de 200 kg à la canne. Je pêche depuis 10 ans au moins 4 fois dans la semaine en tenant compte des lunes. Principalement pendant les quarts de lune car à ce moment-là l’eau est beaucoup plus propre et les poissons se rapprochent du bord pour se nourrir. Quand l’eau est salée et agitée, ils vont plus loin au large ou l’eau est plus claire. »
Le pêcheur s’est nourri d’informations auprès de son grand frère et de sa mère mais au fil du temps, il a consigné ses propres observations. D’ailleurs, il partage sur son réseau social de nombreuses vidéos sur ces sorties. De quoi alimenter les phantasmes des amateurs de pêche.
La Guyane est un spot de pêche impressionnant à tel point qu’il y a maintenant une activité touristique de pêche de plus en plus développée nous confiait également un autre pêcheur expérimenté.