Emmanuel Hidair n’a pas changé. Les années passent et pourtant il a toujours cet air de jeune homme calme et posé. Dans les années 80 avec son groupe "Créole 82" cet audacieux a révolutionné le monde de la danse en produisant des spectacles futuristes, aux chorégraphies explosives, aux déhanchés sensuels, multipliant les extravagances. C’était le temps du disco, du compas, des talons compensés, des pattes d’éléphants et des paillettes. L’île de Cayenne était un village.
Des générations de jeunes danseurs ont évolués au sein de la troupe. Le maître mot était de choquer, d’innover, de bouleverser les codes, tout en offrant au public des spectacles de qualité, et cela fonctionnait. Emmanuel Hidair avait tous les dons, et la volonté de les exprimer.
Emmanuel Hidair a commencé dès 8 ans la danse classique, puis au fil des ans, s’est nourri d’autres styles contemporains. Artiste dans l’âme, transformiste, comédien, ses productions reflétaient ses multiples talents. En 1982, il crée "Créole 82", et recrute ses danseurs (seuses) dans la rue.
Créole 82 a été créé car en fait on cherchait une salle pour s’entraîner, et donc n’ayant pas de salle, on s’entraînait dans la rue, des fois, rue Provence ou boulevard Jubelin. C’est comme cela qu’on ramenait des jeunes dans le groupe dans la rue. J’habitais en face du magasin de disques « la Tour des Miracles » de Daniel Sinaï, l'artiste Dany Play, un jour il m’a proposé de venir danser avec lui dans ses spectacles. C’est comme cela que nous avons commencé à nous produire. Nous avons eu énormément de travail et beaucoup de danseuses. Toutes très jolies, elles passaient et devaient partir à un moment donné, il y a donc eu beaucoup de passages. C’est ce qui nous a permis de durer
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A la une
"Créole 82", se fait connaître sur toutes les scènes d'ici et d'ailleurs. Les tournées se suivent. Régularité, flexibilité, rigueur, créativité, Emmanuel est extrêmement exigeant. Les meilleurs restent, les autres passent. La troupe se professionnalise et le succès est au rendez-vous.
Nous on continuait et nous devenions de plus en plus exigeants, les danseuses devaient être professionnelles. Il y avait beaucoup de difficultés dans les chorégraphies et finalement les danseuses étaient vraiment de très haut niveau. Notre seul mot d’ordre était de se faire connaître, remarquer, nous devions faire des choses osées. Cela n’arrêtait pas. Avec Daniel Sinaï et d’autres artistes nous avons beaucoup bougé, fait des clips, des spectacles. C’était prenant, on n’arrêtait pas, il fallait garder la place de leader, qu’on avait.
Un visionnaire
Le leader et chorégraphe déchaîne les passions. Il fait la une de tous les journaux de l’époque, conscient de choquer souvent la bonne société guyanaise. Emmanuel se lance même dans la chanson et va toujours plus loin dans la démesure.
Moi j’adorais cela car je devais trouver des choses de plus en plus difficiles pour surprendre, et garder les meilleures danseuses. Dès qu’on disait "Créole 82" tout le monde accourrait. Je partais au quart de tour dans les délires. Je créais aussi les costumes, avec un bout de tissu, de la peau de bête, du plastique. C’était très extravagant. Je commençais à oser des choses qui me dépassaient. Je me suis heurté parfois à de l’incompréhension. Avec le recul et les années, je sais que j’ai eu raison.
Renaissance
Aujourd’hui Emmanuel Hidair est professeur de sport au lycée Félix Eboué de Cayenne. Père de famille, il a gagné en sagesse et maturité.
Le groupe "Créole 82 "n’a pas été dissous, il se reconstitue pour un spectacle hommage à venir. Emmanuel et ses danseuses n’en diront pas plus pour l’instant. C'est une nouvelle histoire qui commence.