C'est la suite de l'affaire relative à deux agents suspendus en mai 2022 au centre hospitalier de Kourou. Les concernées sont en fait une infirmière et une cadre de santé supérieure affectées au service de soins continus. Leurs sanctions viennent de tomber : tandis que l'infirmière a été renvoyée, la cadre a été mise en retraite d'office.
Selon les documents que nous avons pu nous procurer, les faits reprochés sont, pour l'une des mises en cause :
- "manquements professionnels dans la prise en charge des patients (dont prise d'initiative outrepassant les prérogatives d'une infirmière de réanimation, refus de surveillance, erreurs et absences de remise en question sur sa pratique professionnelle et non réglage d'alarme)" ;
- "comportement à l'origine d'une souffrance au travail des agents (sur l'ambiance dans le service, mais aussi des faits de harcèlement et de discrimination)" .
Pour la seconde personne, il est indiqué :
- "insuffisance professionnelle (manquement d'accompagnement des équipes ou encore glissements des tâches)" ;
- et comme la première personne, un comportement à l'origine d'une souffrance au travail des agents.
Des sanctions trop lourdes, selon le syndicat UTG-CHK
Les sanctions ont été prononcées dans la matinée du 16 novembre dernier, par la commission de discipline (délocalisée dans la ville de Bordeaux, dans l'Hexagone). Selon le syndicat Union des Travailleurs Guyanais, les faits reprochés aux deux protagonistes sont "futiles" et les sanctions seraient trop lourdes.
Quand on regarde les éléments de l'enquête, factuellement, il n'y a rien - techniquement - qui puisse arriver à un résultat aussi violent. Il n'y a pas eu de mort de patient. On est sur des problèmes relationnels entre collègues. Apparemment, l'infirmière aurait 'harcelé' des collègues sans qu'il n'y ait d'élément technique qui montre cela [...] et on fait une allusion au racisme parce que l'infirmière parle créole dans le service. Donc il faut qu'on me dise si, le fait de parler créole dans le service, c'est du racisme.
Olivier MONIMOFOU - Secrétaire général adjoint de l'Union des Travailleurs Guyane au Centre Hospitalier de Kourou
Le membre du syndicat UTG prévient, "il faudra s'attendre à des représailles, c'est-à-dire sûrement une mobilisation". Mercredi 16 novembre, justement, une partie du personnel a organisé un débrayage en soutien aux deux agents au moment de leur comparution à la commission de discipline.
Des sanctions justifiées, pour le syndicat Force Ouvrière
Du côté de l'autre organisation syndicale du Centre Hospitalier de Kourou, Force Ouvrière, c'est un autre son de cloche. Marylène Honoré, cadre de santé à l'unité de soins continus (où se sont déroulés les faits) et membre active du syndicat Force Ouvrière estime que "les faits sont suffisamment graves pour qu'une commission de discipline externe, donc neutre, applique des sanctions graves."
On ne peut pas laisser croire qu'on met des procédures disciplinaires pour des faits banals. On parle quand même de négligence, de non-bientraitance, de discrimination, mais aussi d'intimidation faite sur des agents qui ont eu le courage de dénoncer les faits.
Marylène Honoré, cadre de santé à l'unité de soin continu et membre actif du syndicat Force Ouvrière
En effet, la cadre affirme que les agents qui ont dénoncé les faits ayant conduit à ces sanctions vivent désormais dans la peur. "Ma première vision dans cette affaire, c'est que le syndicat UTG ne défend que ces deux personnes (les sanctionnées, NDLR). Ces agents viennent travailler avec la boule au ventre. Au point où la direction a mis en place une procédure de protection", explique Marylène Honoré. Elle poursuit : "J'aurai voulu que ces agents, qui ont dénoncé, soient également représentés."
L'UTG a défendu ses amis au détriment d'une action collective dans l'intérêt du patient [...] Faut-il qu'on attende qu'il y ait des morts dans un service pour agir ? Non. Quand on a des morts, on ne peut plus rien faire, donc les agents ont fait le choix d'anticiper. Ils devraient être pris pour modèles. Quand on m'en a parlé (des faits, NDLR), je n'en ai pas dormi de la nuit. On est sur des faits concrets pour que cette procédure ait été mise en place.
Marylène Honoré, cadre de santé à l'unité de soin continu et membre actif du syndicat Force Ouvrière
Et pour cause, l'un des témoins de l'enquête évoque bel et bien la mort d'une patiente, survenue en septembre 2021, "qui n'aurait pas dû avoir lieu". L'absence de surveillance serait liée à ce décès.
Contactée par la rédaction, l'Agence Régionale de Santé de Guyane affirme qu'elle ne peut pas dévoiler les détails de l'affaire pour l'instant. Elle confirme cependant que les sanctions évoquées sont bien celles appliquées.
Plus de détails à venir dans nos prochaines éditions (radio, TV et web).