L’aventure des « Femmes puissantes » a démarré en 2021 en Guyane avec la tenue d’ateliers de création audiovisuelle avec la coorganisatrice du projet Marjorie Delle-Case, autrice, compositrice, DJ de musiques électroniques, membre de l'association Regarts tournée vers la promotions des arts actuels :
« En 2007, raconte-t-elle, j’ai produit mon premier spectacle en Guyane pour la direction des Affaires Culturelles. J’ai rencontré à Taluen une potière Lynia Opoya qui m’a proposé de transmettre mes connaissances en matière numérique aux femmes autochtones. Le résultat de ces ateliers a donné un spectacle avec des vidéos, photos, textes, performances et danses. »
A l’origine, précise Marjorie Delle-Case : « Nous devions les emmener rejoindre leurs homologues d’Amazonie et ensuite celles du Nord-est du Canada »
Lire ici : Femmes Puissantes : une création féminine et authentique à découvrir à l'Encre
Une rencontre transfrontalière
Cette première réalisation ne s’est pas éteinte. Elle s’est poursuivie en 2023 sur le territoire guyanais pour prendre en 2024 une autre dimension. Le concept se transporte sur l’autre rive au Brésil, à Oiapoque, et acquiert ainsi une dimension internationale.
Trois femmes guyanaises se trouvent actuellement pour une semaine au village Manga de la communauté karipuna sur le territoire d’Oiapoque. Elles travaillent en ateliers avec une femme palikur et une femme karipuna.
L’ambition est de permettre la transmission de la culture pour que les traditions perdurent et se renouvellent grâce à la réappropriation créative de ce « matrimoine ».
Rudja Santos, journaliste traductrice constitue le lien qui nous conduit à Oiapoque. Elle participe activement à la réalisation de ces rencontres « Femmes Puissantes/Mulheres poderosas » avec notamment la collaboration du secrétariat de la culture de l’Amapa, une association locale et également une productrice.
« Les deux représentantes brésiliennes viennent des communautés caripuna et palikur. Ce sont des artistes peintres et participent à de nombreux congrès au Brésil sur les cultures des peuples autochtones. Il faut dire qu’au Brésil nous nous sentons très concernés par des échanges avec les autochtones sur des questions d’écologie en rapport avec le changement climatique, la recherche pétrolifère et bien des sujets. Nous n’avions encore jamais fait ce type d’échanges avec des femmes autochtones de Guyane. C’est important culturellement. »
Sortir du silence et affirmer sa puissance dans un spectacle pluridisciplinaire
Cette création artitistique est intéressante à plusieurs niveaux car elle permet aux femmes autochtones de s’exprimer en leur nom propre et de montrer leur force. Cela met aussi en exergue l'importance du rôle qu'elles occupent au sein des villages sur le plan de la transmission des valeurs culturelles.
La résidence de création qui va déboucher sur un spectacle a démarré ce lundi 22 juillet au village autochtone Manga. Ainsi, sont réunies les guyanaises, Silleive Yawalou (Wayapi-Teko), Sharone Stuart (Arawak) et Rachella Xaveira Debidien (Arawak) et les brésiliennes Tairene dos Santos (Karipuna) et Keyla Palikur (Palikur-Arukwayeneh).
Ces deux jeunes femmes brésiliennes sont enthousiastes. Tairene nous confie :
« […] C’est avec beaucoup de joie que je viens partager ici un peu de mon expérience aussi en tant qu'artiste, en tant que femme, en tant que mère indigène, au sein de la société. Nous vivons certains problèmes, certaines joies, tout le monde, mais quand on parle de diversité, de culture, nous sommes des créateurs de culture, nous les femmes travaillons aussi avec les arts, avec la danse, avec la culture corporelle, avec les graphiques indigènes, avec la danse traditionnelle. Donc, tout cela remonte à longtemps, il y a très longtemps. Je fais de la culture depuis mon enfance, depuis mes 12 ans, 11 ans. J'avais déjà une grande expérience en relation avec la culture dans mon village […] »
Keyla insiste, elle, sur l’importance de faire connaître la lutte des femmes :
« […] Je crois que cet échange nous apportera plus de connaissances et l'opportunité de connaître les luttes de ces femmes. Chacune a sa propre histoire et sa propre force, venant de notre ancestralité. Avant de rencontrer d'autres artistes autochtones, lorsque je vivais et étudiais à l'école, je ne me voyais pas comme une personne capable de participer à ces espaces artistiques. On nous a enseigné que les autochtones étaient d'une certaine manière et cela nous a réduites au silence de plusieurs façons. Surtout nous, les jeunes femmes autochtones, qui souvent n'avions pas de perspectives sur qui nous serions. Je crois que le chemin que nous parcourons n'est pas seulement pour nous, mais aussi pour toutes les autres femmes autochtones. Nous pouvons parler de notre peuple à travers la peinture, la performance ou le théâtre. Nous pouvons exprimer nos douleurs, nos difficultés et nos luttes, non pas pour nous affaiblir, mais pour savoir que nous ne sommes pas seules, une main aide l'autre.[…] »
La semaine prochaine à compter du 29 juillet, les jeunes femmes vont se retrouver en Guyane au village Espérance de Saint-Georges.
La restitution de ce travail artistique va s’effectuer en plusieurs temps en Guyane et en 2025 prendra une autre envergure dans le cadre de l’année de la France au Brésil.