Reportage 5/5. De Macapa à Oiapoque, la lutte contre la peste du manioc continue au Brésil

La lutte contre la peste du manioc continue au Brésil.
Dernier volet de notre série de reportages dans l’Amapa. De Macapa à Oiapoque, l’Etat voisin lutte toujours contre la peste du manioc. Comme en Guyane, les plantations de manioc sont décimées depuis 2022, mais trois nouvelles variétés résistantes à la maladie ont été trouvées.

Depuis 2022, la production de manioc a été détruite à 98% dans la région d’Oiapoque. Comme en Guyane, les producteurs brésiliens font face à ce qu’ils appellent : "la maladie du balai de sorcière du manioc". Un champignon s’attaque aux plants rendant les tiges noires et les feuilles flétries. 

Regardez le reportage de Guyane La 1ère :

Le Brésil lutte aussi contre la peste du manioc

Une parcelle d’expérimentation 

A une dizaine de kilomètres d’Oiapoque, sur une parcelle de deux hectares, c’est peut-être la fin d’un mauvais sort. "Depuis bientôt un an, nous avons planté ici ce manioc sain, s’exclame Carlos Arilson, technicien agricole à la mairie d'Oiapoque, en passant sa main dans les feuilles vertes de la plante. Nous sommes ici sur une parcelle de recherche de l’Embrapa, de la chambre d’agriculture municipale, de l’Institut d'extension assistance et développement rural de l'Etat de l'Amapa (RURAP) et de l’Agence de la défense et de l'inspection agricole de l'Amapa (DIAGRO). Tous ces organismes de recherche sont responsables de cette expérimentation de variétés de manioc résistantes à la maladie". 

La région d'Oiapoque est la plus touchée par la peste du manioc.

Des variétés résistantes à la maladie

Sur cette parcelle de deux hectares, une variété de manioc pousse en résistant au champignon. Pour les autorités sanitaires, l’objectif est d’obtenir des bâtons de manioc sains. Au mois de mars, ils seront analysés par l’Embrapa, et si les résultats sont concluants, 70 hectares seront plantés pour être redistribués aux agriculteurs.

Nous sommes en présence d’une variété qui s’appelle le manioc Manihot esculenta, et nous avons des résultats positifs sur cette parcelle traitée avec un produit biologique mélangé avec des minéraux.

Carlos Arilson, technicien agricole

Détectée à Oiapoque

L’an dernier, en juillet, le Brésil a décrété cette peste du manioc comme potentiellement dangereuse pour le pays. Des mesures sanitaires ont été prises rapidement et des recherches scientifiques lancées. Au total, l’Etat brésilien a mobilisé 90 millions de reals, soit 15 millions d’euros environ. 

La maladie du manioc a d’abord été détectée dans des villages amérindiens de la région d’Oiapoque. Elle s’est depuis propagée en remontant vers Macapa. 

La lutte contre la peste du manioc continue au Brésil.

Des barrières sanitaires 

"Les autorités sanitaires tentent de contenir la maladie dans les régions contaminées", explique Hériclès Noronah, secrétaire à l’agriculture à la mairie d’Oiapoque. 

Des barrières sanitaires sont mises en place dans la municipalité d’Oiapoque, mais aussi dans toutes les communes touchées, pour que l’on puisse enfin réussir à cultiver des plantes saines, et obtenir une récolte de manioc sain.

Hériclès Noronah, secrétaire à l’agriculture à la mairie d’Oiapoque

Préfecture d'Oiapoque.

Depuis deux ans, l’Agence de la défense et de l'inspection agricole de l'Amapa (DIAGRO) a pour mission de contrôler la circulation des marchandises, mettre en quarantaine les parcelles contaminées et sensibiliser les agriculteurs aux bons gestes sanitaires. Une véritable course contre la montre. En parallèle, des recherches sont menées. 

Des recherches scientifiques 

"Aujourd’hui, nous avons trois variétés résistantes qui sont en culture pour voir vraiment si elles tiennent le coup face à la maladie, explique Tiago Baltazar, responsable de la défense des végétaux au DIAGRO. Comme c’est une maladie due à un champignon, nous sommes aussi à la recherche de produits chimiques adaptés pour le combattre".

A ce jour, nous n’avons pas encore trouver de fongicide capable de détruire cette maladie, mais en ce moment l’Embrapa mène des recherches efficaces.

Tiago Baltazar, responsable de la défense des végétaux au DIAGRO

Des plants sains distribués aux agriculteurs

L’État de l’Amapa estime être dans une phase de transition. Si les plants de manioc sains et résistants se multiplient, ils seront réintroduits pour relancer la production. 

L’équilibre d’un écosystème et d’une économie est en jeu, selon le gouverneur de l’Amapa. "Ce n’est pas simple", reconnaît Clécio Luis. 

Dans les villages amérindiens, le manioc et le couac ne sont pas juste de l’alimentation, ils font partie intégrante de leur culture traditionnelle.

Clécio Luis, gouverneur de l'Amapa

Avant d’atteindre l’Amazonie, ce champignon avait déjà été identifié en Asie et en Afrique. À Oiapoque, les producteurs de manioc pensent qu’il est arrivé via la Guyane et déplorent le manque de coopération.

Un manque d’échanges avec la Guyane

"Il devrait y avoir un partenariat entre la Guyane et le Brésil, car je pense qu’ils ne sont pas plus avancés que nous", estime Carlos Arilson, technicien agricole à la mairie d'Oiapoque . 

Nous devrions échanger les informations entre nos organismes de recherche pour que vous puissiez bénéficier là-bas des avancées que nous avons ici. Mais cela ne dépend pas de nous pour l’instant.

Carlos Arilson, technicien agricole

À ce jour, de rares échanges ont eu lieu entre les autorités sanitaires des deux pays, mais aucune stratégie commune n’a vu le jour pour mettre fin à cette maladie qui a ravagé le manioc de la même manière, des deux côtés de la frontière. 

En Guyane, un an après la mise en œuvre du plan de relance, des agriculteurs de Saint-Georges ont réussi à faire pousser des boutures saines de manioc, mais il reste encore beaucoup d'incertitudes. Ils attendent toujours le feu vert des autorités sanitaires pour les mettre en terre.