Déjà 17 éditions du Festival des Danses Métisses. A l’origine de cette manifestation internationale, Norma Claire. Danseuse, chorégraphe et professeur, Norma Claire est une figure emblématique dans le monde de la danse. Depuis la création du festival, elle n’a eu de cesse de promouvoir un enracinement guyanais nourri par les influences extérieures.
Norma Claire a choisi la danse comme moyen d’expression. La danse pour sublimer sa guyanité dans un entremêlement d’arabesques et de chassés. Son retour à la terre natale s’est concrétisé par la création de Touka Danses et du centre de développement chorégraphique national. Ce centre labellisé en septembre 2015 par le ministère de la Culture après 3 ans de préfiguration a intégré le réseau national des CDCN (A-CDCN). Le premier de l’Outre-mer. Une consécration pour cette femme animée depuis son enfance par la danse.
Le Festival des Danses Métisses est l’émanation de son travail acharné. Norma Claire profondément ancrée dans la culture guyanaise reste résolument nourrie par des influences extérieures. Son parcours est le reflet des rencontres, des liens artistiques qu’elle a su nouer de par le monde.
De 1976 à 1992, Norma Claire danse avec les ballets nationaux au Sénégal, au Mali, en Guinée. Elle participe à des ateliers de danse contemporaine avec Christine Bastion, Pierre Doussaint, se forme et collabore plusieurs années avec Elsa Wolliaston. C’est en 1992, danseuse de caractère, qu’elle crée sa compagnie en 1992. Son identité créole prend sa source dans la gestuelle africaine tout en développant un langage contemporain.
Dans ses œuvres chorégraphiques et actions artistiques elle soulève les questions de l’identité, de la créolité, et des métissages. Depuis 1998, Norma Claire mène en Guyane, des actions de sensibilisation à la danse hip hop et afro-contemporaine dans les quartiers et dans le milieu scolaire (ateliers et créations formes légères), crée "Danser la ville" (nouveau concept danse, musique, patrimoine et création lumière de Patrick Rimoux), et le festival de danse contemporaine les « Rencontres de danses métisses ».
"Ma démarche de travail est d’inscrire les choses"
Ma démarche de travail est d’inscrire les choses, cela a toujours été comme cela. Dans tout le travail que j’ai fait en tant qu’artiste, en tant que directrice, organisatrice d’évènement ou d’artiste chorégraphe danseuse, j’ai toujours été dans une préoccupation de construire les choses, de les approfondir et de leur donner du fonds, ancré dans la réalité. Au début j’étais surtout préoccupée pour la Guyane de construire un festival pour faire découvrir la création, de découvrir des artistes guadeloupéens guyanais, martiniquais, africains et des pays de tous bords au niveau national et international. Pour moi c’était faire découvrir et développer une pensée de la création artistique chorégraphique, c’était former un public et permettre à la Guyane d’avoir de plus en plus de scènes chorégraphiques car un pays sans création c’est un pays qui souffre.
Les objectifs du début ont-ils été atteints selon vous ?
Moi je pense qu’ils sont atteints et en fait il faut du temps, cela continue car c’est un processus qui est mis en place. Et qui devrait évoluer avec le temps. C’est un festival qui a commencé à l’origine, simplement, humblement, avec deux jours, un week-end avec des danseurs de Guyane dont Julie Adami que je salue. Et puis nous avons ouverts à la France, la Réunion et puis tout cela a évolué. C’est un processus évolutif d’ouverture. Nous voulons aller plus loin encore.
Avez-vous réussi à faire connaitre, à rendre accessible la danse à votre public ?
L’important c’est cela, donner les moyens à des artistes guyanais. D’ailleurs, aujourd’hui nous pouvons prendre le temps de résidence et de travail professionnel. Ça avance, ça chemine, le mot de résidence de créations, il y a dix ans personne ne savait ce que cela voulait dire. Aujourd’hui des personnes viennent nous proposer des résidences et nous les accompagnons. L’objectif est atteint : nous accueillons et nous intégrons dans un processus de travail, de jeunes artistes qui viennent de partout. Pour moi le festival à l’origine c’était « Rencontres Danses Métisses » et j’ai repris uniquement « les danses métisses » car c’est comme cela que la population les a appelées. C’est le bébé des Guyanais maintenant. On s’y trouve bien, on se réapproprie quelque chose, on vient aussi par curiosité car les danseurs, sont des artistes hors du commun. La création a amené des gens, des publics différents prêts à pouvoir partir dans des mondes, dans des imaginaires. On a le droit d’aimer, de ne pas aimer et c’est extraordinaire. C’est ouvrir l’esprit critique, le monde des imaginaires des personnes, un peuple grandit avec cela, il y a des images collectives mais il y a les images individuelles et l’humain est fait de poésies, de rêves, d’imaginaires et d’émotions. L’art de la danse fait partie de ce qui peut faire grandir un humain et tout un peuple.
La pandémie, la crise sanitaire vous a-t-elle empêché de vous organiser ?
La pandémie a été de l’ordre de la difficulté d’organiser les choses, on s’est battu pour continuer, nous avons cinq salariés au centre et une équipe d’occasionnels pendant deux mois durant le festival. On se bat coute que coute pour que le festival existe. A partir de cela, nous avons eu beaucoup de chance. L’an dernier c’était pareil avec des équipes qui venaient de loin d’Afrique, du Sénégal et du Burkina Faso, nous avons réussi. Alors que beaucoup d’autres festivals ont été annulés. On est tout le temps vigilants sur la logistique et la coordination lorsque l’on gère de l’humain, là il y a cinquante artistes, on sait qu’il y a d’autres problématiques qui arrivent aussi. C’est pas toujours simple ni facile. C’est une histoire de travail, le pays n’est pas toujours facile au niveau structurel. Il faut être prêt à recevoir, tout est à refaire à repréciser en permanence.
Un programme riche
La 17e édition du Festival des Danses Métisses s'achève ce dimanche 5 décembre. Un programme qui s'achève en apothéose.