À l’entrée de Degrad Savane, Ernest James fait son jardin. Il vient de faire pousser de la lavande et envisage de faire un petit potager plus loin. Son problème du moment n’est pas agricole. Depuis quelque temps, Ernest a peur, notamment pour son chien Sky.
« Déjà, quand je venais en vacances ici, ma belle-mère me racontait les histoires de chiens qui étaient mangés… Depuis qu’il y a eu l’attaque de jaguar, je ne laisse plus mon chien dehors. D’autant plus que mon terrain continue là-bas, jusqu’à l’eau… »
À quelques brasses de là se trouve en effet l’abattis où, le 8 décembre dernier, un homme a été blessé par un félin. Jaguar ? Puma ? Il a parlé d’un « tig » qui attaquait ses chiens. Pour les défendre, il s’est armé d’une fourche et a été blessé par l’animal.
Aperçu à l'entrée d'une habitation
Plus loin, chez la famille de Karel Kawafodi, la peur du « tig » qui, chez nous désigne aussi bien un puma qu'un jaguar, est encore plus présente. Un des fils a aperçu un animal à l’entrée de la maison. Celui-ci s’est enfui rapidement.
Toufi, dévoré par un félin qui a laissé ses traces
Photos à l’appui, la famille nous raconte ensuite l’histoire de Toufi. « Il aboyait, il regardait vers la forêt. Il essayait de nous expliquer quelque chose, mais nous, on ne l’a pas compris ». Deux jours après l’attaque sur l’abattis, Toufi a été dévoré par un félin qui a laissé ses traces depuis le fleuve.
La famille vit dans la crainte, surtout pour les enfants en bas âge. Depuis, les chiens sont enfermés. Tout comme Loulou la pakira. « Nous l’avons depuis qu’il est tout petit, précise Karel Kawafodi. Avant il partait se promener dans la forêt et il revenait. Il doit sentir quelque chose parce qu’il n’y va plus ». Le pakira est désormais à l’intérieur d’un enclos. « Quelqu’un m’a dit qu’une association avait relâché trois « tig ». Pour moi, ce sont eux qui font cela, avant, on n’avait pas ce problème-là. »
Pas de relâcher dans ce secteur selon l'OFB
Du côté de l’Office français de la biodiversité, on s’en défend. Selon Mathieu Entraygues, délégué territorial de l’OFB, le dernier relâcher de jaguar remonte à plus de deux ans. « Il s’agissait d’un jaguar qui avait été retrouvé dans le jardin d’un particulier à Rémire-Montjoly. Il a été relâché à Petit-Saut. » Hormis les « bruits de couloir et les articles de presse », l’Office français de la biodiversité indique ne pas avoir reçu, à ce jour, de signalement d’attaque de jaguar.
On est sur le terrain du jaguar, à savoir la nature. On n’est à l’abri de rien.
Albert Golitin, adjoint au maire d'Iracoubo
Albert Golitin, adjoint au maire d’Iracoubo compte « alerter les services de l’Etat » et envisage de poser des panneaux de signalisation afin d’avertir la population du danger et l’inviter à la prudence. « Je sais qu’il y avait déjà eu des cas comme celui-là sur Montsinéry. Je vais me renseigner pour savoir comment ils avaient géré là-bas. On est sur le terrain du jaguar, à savoir la nature. On n’est à l’abri de rien. »
En cas de confrontation avec un félin, l’OFB rappelle qu’il ne faut jamais s’interposer entre un animal sauvage, quel qu’il soit, et sa proie.