Les 10 millions d'euros actés par les Accords de Guyane : l'Arlésienne des agriculteurs guyanais

Les paysans guyanais tirent la sonnette d’alarme. Sur les 10 millions d'euros promis par l'Etat en 2017 pour soutenir et développer la filière, seuls 2,5 millions d'euros ont été versés à ce jour. Le gouvernement renvoie les agriculteurs vers l'Union européenne. Une façon de s'en laver les mains ?

Que vaut la signature d’une éphémère ministre des Outre-mer ? La parole de l'Etat français peut-elle être soumise à caution ? Deux interrogations qui taraudent aujourd'hui le monde agricole guyanais. Des préoccupations que les élus de la Chambre d'Agriculture de la Guyane ont partagé lors d'une conférence, hier (jeudi 14 octobre), à Cayenne.

Les Accords de Guyane de mars 2017 ont acté d’un fond de 10 millions d’euros pour l’accompagnement technique et administratif des agriculteurs. Les objectifs : organiser, conseiller et rendre plus productive une filière sensée assurer la souveraineté alimentaire du département.

Un retard dans l'encadrement technique et administratif

Gilles Sanchez, maraîcher installé à La Césarée, à Macouria, n’est pas peu fier, cette année, de sa production de melons.

Gilles SANCHEZ, maraîcher, exploitation Moringa à Macouria.

Cette fois, un technicien agricole l'a conseillé et accompagné tout au long de la récolte. Une aide bienvenue car il lui manquait, comme à d'autres collègues agriculteurs, ce petit plus d’ingénierie qui facilite le travail et permet le développement à long terme d'une activité.

"J'étais à 2000 M2. Avec un technicien, avec une vision sur la planification, la commercialisation et en ayant une garantie que le produit va être acheté par le grossiste, on peut élargir la production. C'est à dire planter un peu plus et de façon plus raisonnée pour pouvoir apporter régulièrement des melons aux consommateurs tout au long de la saison sèche."

Gilles Sanchez, maraîcher, exploitation Moringa


L'accompagement des filières agricoles par des conseillers et animateurs spécialisées est un dispositif pour lequel la Guyane accuse toujours un retard conséquent par rapport aux autres départements d'Outre-Mer ou encore à l'Hexagnone.

L'autosuffisance alimentaire à portée de main ?

L'objectif des 10 millions d’euros promis par Ericka Bareigts, ministre des Outre-Mer en 2017, était pourtant de permettre aux filières agricoles de Guyane de monter gamme, en expertise et en volume, afin de répondre aux besoins grandissant du marché local. Un premier plant pour l’autosuffisance alimentaire du territoire.

Aprés quatre années d'attente, la moisson s'avère maigre : seulement 2,5 millions d'euros sur les 10 promis ont été versés.

Quant aux 7,5 millions d'euros restants, Paris renvoie "la patate chaude" à Bruxelles. Des subventions européennes toujours très compliquées à décrocher malgré un engagement signé.. "Une manœuvre de désengagement"  dénoncent les paysans guyanais !

"Nous, nous avons l'impression de manière générale qu'il y a un désengagement de l'état sur les Accords de Guyane. Depuis pas mal de mois, voire années, nous avons participé à très peu de comités de suivi. Il manque ce suivi-là , suite aux Accords de Guyane."

Jean-Yves Tarcy, président du GERHOPA (Groupement d’Employeurs pour le Renforcement Humain des Organisations Professionnelles Agricoles)


Aujourd’hui ,15 emplois sont sur la sellette au sein de la Chambre d'Agriculture de la Guyane. Sans compter tout le bénéfice des 2 années de mise en place de l’accompagnement technique et administratif des agriculteurs.

Une vraie catastrophe "presque" naturelle pour les organisations professionnelles agricoles !

"Nous aurons beaucoup de difficultés à accompagner les cultures. Je pense que l'agriculture guyanaise, à défaut de la banqueroute, risque de ne pas atteindre les objectifs fixés."

Albert Siong, président de la Chambre d’Agriculture de la Guyane


L'ambition pourtant reste de produire plus et mieux, pour parvenir à la souveraineté alimentaire de la Guyane et donc atteindre une certaine forme d'indépendance. Au delà des promesses et des paroles politiques, ce but doit s'accompagner d'actes concrets dans les champs. Le bon sens paysan dira toujours : « Un tiens, vaut mieux que deux tu l’aura !… »