Les difficultés du retour au péyi : le témoignage de Jean-Frédéric, diplômé du secteur de l'énergie

Image d'illustration
Au début du mois d'avril 2022, la Collectivité Territoriale de Guyane a annoncé la future mise en place de "Retour en Guyane". Un dispositif pour favoriser le recrutement, sur place, des jeunes guyanais diplômés ou expérimentés. La rédaction a rencontré l'un de ces jeunes. Diplômé dans le secteur de l'énergie, il a dû repartir dans l'Hexagone, pour travailler.

Rentrer en Guyane après l'obtention d'un diplôme à l'extérieur n'est pas toujours chose aisée. Prochainement, la Collectivité Territoriale de Guyane mettra en place un dispositif nommé "Retour en Guyane". Un programme pour favoriser le retour au péyi des jeunes diplômés et/ou professionnels issus du département. L’occasion de s’interroger sur les difficultés rencontrées par nos jeunes lorsqu’ils souhaitent revenir en Guyane après leur formation. Jean-Frédéric, 25 ans, est l’un de ces diplômés. A son retour en Guyane, il s’est retrouvé face à un mur. Après plusieurs mois de chômage, il s’est résolu à repartir en Ile-de-France. Il raconte.

En 2015, après un bac STID2 à Remire-Montjoly, j’ai choisi de partir en Métropole pour un BTS Assistant Technique d’Ingénieur, à Nice. J’avais en tête de faire mes deux ans d’études, puis de rentrer en Guyane pour travailler, à Kourou particulièrement. Au lycée, dans la filière STI2D Innovation technologique et éco-conception, on nous parlait beaucoup d’Ariane Espace, notamment de la conception aérodynamique et l'innovation liés au secteur spatial. On nous disait qu’ils avaient besoin de techniciens.

Jean-Frédéric

La première année de Jean-Frédéric dans l’Hexagone poursuit son cours. L’isolement, le changement climatique et les difficultés financières sont décourageantes mais il ne lâche rien. L’étudiant décide de poursuivre sa deuxième année de BTS à Paris, où il retrouve sa sœur. Moins isolé, il se remotive et obtient son diplôme. Finalement, il postule à quelques offres d’emploi liées à sa formation… sans succès en raison de son manque d'expérience professionnelle (permis par une formation en alternance, par exemple). Après trois mois en tant que vendeur en station-service, il se décide à revenir en Guyane, reprenant le chemin de son projet initial.

Affronter les réalités du territoire

Je suis rentrée en Guyane (en décembre 2017, NDLR). Il y avait peu de poste ou bien, ils ne correspondaient pas à mon profil. En mars 2018, j’ai envoyé ma candidature pour un postes de vendeur en grande surface. C’était en dépannage, pour avoir des revenus. En entretien, on m’a demandé pourquoi je passais d’un BTS à ce poste. On m’a recontacté au bout de quelques jours et j’ai commencé la semaine suivante.

Jean-Frédéric

Durant sa période de vendeur, Jean-Frédéric rencontre régulièrement des étudiants, dont certains sont inscrits à Institut Universitaire Technologique de Kourou. A la suite de plusieurs échanges avec ces derniers, il décide de s’y inscrire. Il est accepté dans la licence professionnelle "Maîtrise de l’Energie Electricité, Développement Durable". Une année de formation pour compléter son BTS, qui pourrait l’aider à trouver son bonheur professionnel au péyi.

Selon l’Université de Guyane, cette formation permet de : former des assistants ingénieurs dans les domaines de la gestion de l’énergie électrique, de la production et distribution de l’énergie électrique, de la supervision et la surveillance de la consommation d’énergie et dans les installations électriques industrielles et domestiques. Les secteurs d’activités listés sont les collectivités territoriales, les établissements publics et les industries.

Se former en Guyane pour s'adapter

En septembre, Jean-Frédéric entame cette formation en alternance (un mois de théorie à l'IUT, suivi d'un mois de pratique en entreprise). Il est embauché dans une entreprise publique connue comme le premier producteur et fournisseur d'énergie en France.

Je me suis dit qu'en m'inscrivant dans cette licence, et en travaillant dans cette entreprise, j'aurai apporté un plus et j'aurai participé au développement du territoire. J'ai aussi pensé aux problèmes de coupures de courant régulières que l'on connaît.

Jean-Frédéric

Parmi les difficultés rencontrées par l'étudiant, il y a le trajet Kourou - Matoury qu'il doit réaliser chaque jour pour se rendre à l'IUT. En raison du prix de l'essence, il préfère tantôt dormir chez un proche sur place, tantôt dormir dans sa voiture. Après l'obtention de sa licence, c'est la désillusion au niveau professionnel.

Alors qu'il espère être embauché après son contrat d'alternant, on lui explique qu'aucun poste ne peut être créé pour lui. Les postes étant déjà occupés. Il garde tout de même contact avec l'entreprise dans l'espoir d'un changement de situation. Sa formation terminée, il entre en période de chômage. Ses candidatures ne donnent rien, il tente aussi l'auto-entreprenariat sans succès. 

Retour en arrière, le choix en plus

Un ancien camarade de BTS, qui vivait dans l'Hexagone, m'a dit "J-F, je t'assure qu'ici, tu trouveras très vite un emploi". Je me suis laissé convaincre. Je suis arrivé le 8 novembre. Vers le 15, je passais des entretiens. J'ai eu des retours, tous positifs, vers le 25. J'ai eu le choix.

Jean-Frédéric

Il décide de rejoindre une entité très proche du groupe où il a été embauché durant sa licence pro. "Je voulais garder une relation avec eux, en me disant que j'aurai un argument en plus pour revenir chez eux lorsque je rentrerai en Guyane". Il reprend, effectivement, contact avec l'entreprise après plusieurs mois d'activité mais l'échange ne dure pas. Après une première réponse, à laquelle il réplique, plus rien. "On ne m'a jamais répondu", rit-il aujourd'hui.

La crainte que l'histoire se répète

Aujourd'hui, deux ans plus tard, il a changé plusieurs fois d'entreprise. Son souhait de rentrer en Guyane est toujours très présent. "Aujourd'hui, je sais que j'ai le savoir-faire, j'ai acquis des compétences ici (à Paris, NDLR). J'espère qu'il y aura une place pour moi quand je reviendrais." Il craint, toutefois, de se retrouver au chômage.

"Ce que j'attends d'un dispositif tel que celui de la CTG, c'est la mise en place système qui favorise véritablement le recrutement des locaux. J'ai l'impression que beaucoup d'entreprises favorisent les personnes de l'extérieur", ajoute-t-il. Il redoute, cependant, que le dispositif prévu ne soit pas profitable au secteur de l'énergie, auquel il appartient.