L'Institut d'Émission des Départements d'Outre-Mer vient de publier une étude sur les moyens de paiement en Guyane. Les Guyanais auraient donc une préférence pour l'argent liquide. "En moyenne, un Guyanais détiendrait 16 800 € de billets (par an, NDLR)", contre 3 800 € pour un Martiniquais par exemple, indique l'IEDOM.
Cette préférence s'expliquerait par plusieurs facteurs :
- la fragilité économique d’une partie de la population et sa faible bancarisation (ce qui explique le faible recours au paiement par carte bancaire) ;
- une économie informelle développée (soit les activités productives illégales et non déclarées, dont les transactions se font majoritairement en espèces) ;
- un positionnement géographique qui favorise la fuite des espèces à l’étranger (en raison de l’attractivité de l’euro, une monnaie forte et stable comparée à celles du Surinam et du Brésil).
Une population fragile faiblement bancarisée
L'IEDOM explique qu'en 2021, 146 117 comptes ordinaires étaient ouverts dans les banques du territoire. Chaque habitant détient 0,5 compte ordinaire, contre 1,2 en Guadeloupe et 1,3 en Martinique. Le niveau d’équipement est donc plus proche de celui relevé à Mayotte (0,3 compte par habitant) que de ceux des voisins antillais.
L’âge serait un élément clé dans la détention d’un compte bancaire (41 % des Guyanais ont moins de 20 ans, le taux de bancarisation est forcément plus faible). Il y a aussi l'illettrisme qui peut empêcher l'ouverture d'un compte. Par ailleurs, 309 006 cartes bancaires sont en circulation mais, plus de la moitié ne sont pas des moyens de paiement, mais des cartes de retrait.
Une économie informelle développée
La préférence des billets comme moyen de paiement s'explique aussi par les activités informelles. "Pour beaucoup d’habitants en Guyane, la vie se déroule autour des fleuves, sur lesquels la pêche
fluviale n’est pas réglementée", dit l'étude de l'IEDOM. Ajoutant : "A Saint-Laurent, un marché informel se tient chaque jour [...] générant un chiffre d’affaires annuel estimé à 700 000 €."
Les trafic illégaux comme l'orpaillage illégal (plus de 500 millions d'euros par an), le commerce illégal des vessies natatoires (1, 25 millions par an) et bien sûr le trafic de cocaïne favorisent l'utilisation des billets comme mode de paiement. "Les espèces en jeu pour le trafic de cocaïne pourraient s’avérer très importants sur le territoire", estime l'IEDOM.
La position géographique de la Guyane
Enfin, le positionnement géographique de la Guyane tient aussi un rôle important.
Les échanges commerciaux entre les rives sont notamment réalisés par plusieurs communautés vivant en bordure des fleuves. L’euro étant une monnaie forte et stable par rapport au réal brésilien et au dollar surinamais, son attrait s’en retrouve renforcé pour les voisins de la Guyane.
Extrait de l'étude de l'IEDOM sur les moyens de paiement en Guyane
Parmi les échanges commerciaux, l'Institut note : les allers-retours en pirogues sur les deux rives (1 000 pirogues par jour évalué pour Saint-Laurent) et les commerces sur les rives qui attirent les touristes. Preuve que les échanges sont importants pour ces commerces : une quinzaine d'entre eux a disparu suite à la fermeture de la frontière avec le Brésil pendant 22 mois en raison de la pandémie.
Pour mieux comprendre, (re)visionnez le complément d'Alexandra Silbert :