Une exception dérogatoire au marquage « CE » pour les matériaux de construction a été adoptée par le Parlement européen le 10 avril dernier.
C’est un communiqué de la ministre des Outre-Mer, Marie Guévenoux qui informe de ce régime d’exception qui sera mis en place dès cette année 2024.
Il va permettre aux constructeurs de se fournir dans les pays environnants et ainsi de réduire les coûts du fret et par extension des constructions. La Guadeloupe, Saint-Martin, la Martinique, Mayotte, la Réunion et bien sûr la Guyane sont concernées.
L’adoption de ce texte répond à une demande récurrente des acteurs économique ultramarins. Le sujet avait été débattu lors du dernier CIOM (Comité interministériel des Outre-mer) en juillet 2023.
Désormais, il sera possible « d’importer des produits de construction de pays tiers de leur zone géographique et donc de disposer de produits notamment adaptés aux caractéristiques locales, compétitifs et plus rapides à acheminer. »
Un principe dérogatoire qui ne s'appliquera pas automatiquement
Cela veut-il dire qu’en Guyane, les entreprises pourront acheter librement leur ciment, leur bois, le carrelage ou leurs tôles au Brésil ou au Suriname ? Si la réponse est positive il y a néanmoins un certain nombre de garde-fous à mettre en place.
Selon le chef d’entreprise, Didier Magnan également président de la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises de Guyane), tout dépendra des donneurs d’ordre notamment ceux de la commande publique :
« D’abord, selon moi, il aurait fallu que cela soit étendu dans tous les domaines. On ne devrait pas s’interdire de commercer avec nos pays voisins en permanence… Ils sont capables de rivaliser avec tout ce qui se fait en Europe, il suffit d’aller dans toutes les grandes villes brésiliennes pour s’en rendre compte. Ils construisent d’immenses buildings, leurs matériaux ne sont pas moins bons qu’en Europe. Ils sont à côté de chez nous et sans doute moins cher. »
Pour Didier Magnan, le côté dérogatoire du dispositif est gênant car il pourrait s’arrêter à un moment donné. Par ailleurs, il souligne que le secteur du BTP est majoritairement tributaire de la commande publique. Les bailleurs sociaux, l’état et les collectivités locales qui font la commande publique établissent souvent des contrats peu avantageux voire défavorables pour les entreprises. Ils continueront, peut-être, d’exiger dans leurs cahiers des charges des matériaux normés CE.
Il n’y aura donc pas d’automaticité « Cela dépendra des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre de la commande publique qui tire presque la totalité du secteur du BTP. » conclut le chef d’entreprise.
Un principe dérogatoire qui doit être assorti de garde-fous
Emmanuel Bazin de Jessey, le président du FRBTPG, l’affirme, la mise en place de la solution alternative au marquage « CE » est une très bonne chose « La porte commence à s’entrouvrir ». Il y a cependant des précautions à observer, notamment, l'obligation de se concerter avec les assureurs qui ont un rôle primordial à jouer et acheter des matériaux de qualité.
« Sur les matériaux de construction achetables à l’étranger, le texte entrouvre cette possibilité, nous n’y sommes pas hostiles. Cela peut-être une solution mais il faut être certain que ces matériaux présentent au moins des normes équivalentes aux produits CE et, en tout cas, acceptables… Il faut être clairvoyant et faire venir des produits qualitatifs qui nous permettent d’être plus compétitifs sur nos chantiers tout en étant plus écoresponsables. Beaucoup de produits fabriqués au Brésil sont qualitatifs et sont même envoyés en Europe et nous n’arrivons pas à les faire venir ici. Nous voyons plutôt d’un bon œil cette possibilité »
Le projet de règlement révisé relatif aux matériaux de construction par le Parlement européen constitue une réelle avancée pour les acteurs économiques encore faut-il que toutes les parties prenantes s’harmonisent y compris les donneurs d’ordre souligne le président de la FRBTPG :
« L’autre aspect de la question c’est qu’il faut que le marché le permette. Il y a donc du lobbying à faire avec les maîtres d’ouvrage. Les cahiers des charges des donneurs d’ordres devront faire apparaître cette possibilité... La réflexion une fois aboutie et actée par les assureurs, il n’y aura pas de difficulté de la part des donneurs d’ordre à modifier les cahiers des charges surtout si cela permet de sortir des constructions à moindre coût. »