Malika Adelson, le témoignage d'une infirmière au coeur de la crise

Malika Adelson infirmière libérale
Combien sont-ils ? Les soignants sont au cœur de la crise depuis des mois. On ne les entend pas ou si peu. Ils travaillent contre vents et marées, loin des polémiques stériles. Malika Adelson est de ceux-là. Infirmière, elle est sur le terrain, et témoigne de sa réalité quotidienne.
Malika Adelson
Malika Adelson n’a que 34 ans et déjà une longue carrière derrière elle, dans le milieu de la santé. Elle est infirmière libérale depuis 4 ans. Auparavant et durant 7 ans, elle a travaillé aux Urgences. Elle connait bien le système hospitalier, ses forces, ses faiblesses. Depuis trois mois, elle est au cœur de la crise sanitaire. 10h par jour, elle arpente les quartiers dits difficiles, à la rencontre de ses patients. Cette infirmière a même fait fabriquer ses propres masques pour les distribuer à ses malades sans bruit sans fureur. Etre soignante, c’est forcément aimer les autres, veiller sur eux, leur venir en aide. Ce mardi, lasse de lire des polémiques sur les réseaux sociaux, elle s’est exprimée courageusement, à contre-courant. Un cri du cœur.

Des tests à grande échelle

Malika Adelson
Outre ses missions, Malika a accepté d’assurer des prestations pour l’ARS (Agence régionale de santé). Elle coordonne notamment des opérations des tests à grande échelle sur le terrain. Elle y croise des centaines de personnes angoissées, paniquées qu’elle réconforte d’un sourire et d’un geste. Malika vit la crise sanitaire, elle sait de quoi elle parle. D’un caractère volontaire et très affirmé, elle n’a pas peur d’aller dans le sens contraire de l’opinion. Cela fait des années, que les failles du système de santé en Guyane sont montrées du doigt. Elle ne comprend pas qu’aujourd’hui la population semble le découvrir.  
« Ce n’est pas d’aujourd’hui que la Guyane a ses problèmes d’ordre sanitaire, il y a eu plusieurs crises,  de grands mouvements de grève, les syndicats n’ont eu de cesse de dénoncer la faillite du système de santé actuel, les pouvoirs publics ont été alertés. Les évasans par exemple, ou le manque de lits... Nous travaillons forcement en collaboration avec les Antilles et l’hexagone. Des transferts de malades, il y en a chaque semaine. Il faut parfois attendre des heures aux Urgences pour être pris en charge. Aller chez un médecin, c’est plusieurs d’heures d’attente. Les exemples sont nombreux. Aujourd’hui tout le monde semble choqué. »
 

Un débat qui date

Malika Adelson avec des membres de l'URPS dont la présidente à l'extrême droite Mylène Mathieu
Le débat sur les tests thérapeutiques l’a fait bondir. Régulièrement des tests ou de traitements expérimentaux sont proposés. Le patient n’a aucune obligation. Les protocoles sont très encadrés.
« C’est à la volonté du patient, si le patient s’engage, il faut bien qu’il y ait la recherche pour faire avancer la médecine. Comment peut-on dire qu’un traitement peut marcher si des expériences ne sont pas faites. Entendre dire que nous sommes des cobayes, c’est un peu fort moi j’aurais préféré entendre le corps médical pour savoir ce qu’il en pense. Je ne dis pas que je suis pour, je ne dis pas que je suis contre, il faut surtout prendre le temps de se poser et d’analyser les choses, surtout quand on demande un CHU, un centre hospitalier universitaire. Un CHU fait faire des essais, fait venir des chercheurs. Je pense que c’est la forme qui n’a pas été, il y aurait fallu plus d’explications en amont. Les personnes qui auraient eu accès à ces essais thérapeutiques sont des personnes qui sont immunodéprimées qui n’arrivent pas à produire des anticorps, à qui on en transfère via le plasma. Ces tests ont été effectués dans d’autres régions de France touchées par le virus. Ce n’est pas qu’en Guyane. »


Humilité et humanité 

Malika ne veut pas se laisser envahir par des émotions négatives ou même par la charge mentale qui actuellement pèse sur tout soignant. Selon elle, des solutions existent. Les personnels de la réserve sanitaire commencent à arriver, la population doit continuer à se protéger et à protéger les autres avec les gestes barrières. Il sera toujours temps de faire le bilan, une fois que la crise sera passée.
«Je pense que le confinement a eu du bon. Cela a permis d’éviter que le virus circule plus sur le territoire. Il faut faire la part des choses et évoquer aussi du positif. Les renforts par exemple. Ils viennent en Guyane aider alors qu’ils ont vécu la même crise, ils viennent sur la base du volontariat.  Les médecins et les soignants de l’hexagone ont vécu la crise avant nous donc ils ne peuvent que nous apporter leur savoir-faire. Il y a des acteurs sur le terrain, les associations notamment qui essaient de faire le maximum. Il faut être objectif et solidaire. De plus on ne met pas assez l’accent sur toutes ces personnes qui sont aujourd’hui guéries. Nous devons également nous remettre en question, inverser la tendance, et prendre en main notre destin sanitaire. Enfin je voudrais ajouter que tous les jours, je vais dans des quartiers dits difficiles, à chaque fois en rencontrant des gens de toutes origines, je prends des leçons d’humilité et d’humanité ».