Emmanuel Macron en Guyane : Le président attendu sur la question du désenclavement à Maripasoula

Pour l'heure, Maripasoula n'est reliée par la route qu'à Papaïchton.
Même si les vols réguliers ont repris depuis le 5 décembre, apportant une accalmie économique, la population attend toujours des politiques de désenclavement ambitieuses, notamment la création d’une route. Le collectif Apachi et les commerçants espèrent que la venue d’Emmanuel Macron fera bouger les lignes.

Si les vols réguliers ont repris depuis le 5 décembre entre Cayenne et Maripasoula, l’activité économique n’est toujours pas sortie de la crise. « On constate une petite diminution des prix, mais Guyane Fly ne répond pas encore totalement à la demande. Les commerçants continuent d’affréter des avions privés et ça se répercute sur les prix », note Patrick Valies, président de l’Association des commerçants de Maripasoula. 

Bien que la délégation de service public (DSP) mise en place suite à la liquidation judiciaire d’Air Guyane ait cours jusqu’en juillet, aucune solution de désenclavement à long terme n’a encore été trouvée. 

Quant au niveau du fleuve, il est, malgré les dernières pluies, bien plus bas que la moyenne, les nappes phréatiques n’ayant toujours pas été rechargées depuis l’intense sécheresse ayant frappé la région lors de la dernière saison sèche. Dans l’état actuel, le trajet en pirogue est particulièrement dangereux.  

"Nous souhaitons vraiment la construction d'une route"

Alors qu’Emmanuel Macron sera présent sur le territoire du 24 au 26 mars, nombreux sont ceux à Maripasoula qui attendent des annonces sur le désenclavement. « J’espère que sa venue va faire bouger les lignes. Ici, à Maripasoula nous souhaitons vraiment la construction d’une route », confie Patrick Valies. 

Philippe Dekon président du collectif Apachi, qui compte une dizaine de militants et « plusieurs centaines de sympathisants », espère lui aussi qu’une rencontre sur ce thème aura lieu avec le chef de l’Etat. Ce collectif, ayant organisé des Etats généraux du désenclavement, fin octobre à Sinnamary, milite pour la construction d’une vaste « route du désenclavement » allant au-delà de Maripasoula et jusqu’à Saül ou Camopi.

 

À ce jour, la simple « route du fleuve », inscrite au schéma d’aménagement régional depuis 2016 et qui prévoit de relier Maripasoula au littoral est pourtant au point mort. Faute de fonds publics, seuls les tronçons Papaïchton-Maripasoula et Saint-Laurent du Maroni-Apatou ont vu le jour, ce dernier ayant presque exclusivement été financé par la CTG. 

Quant aux 140 millions d’euros alloués par l’Etat dans le cadre du prochain contrat de convergence et de transformation (2024 – 2027), ils sont dirigés vers la modernisation des RN 1 et 2 et excluent le lancement de nouveaux projets routiers. 

« Ni la voie aérienne, ni la voie fluviale ne sont des solutions durables à l’enclavement. Le fleuve est dangereux, l’avion est incertain et cher. Il faut cesser d’être dans l’urgence pour avoir un projet global centré autour de la route »

Philippe Dekon, président du collectif Apachi


Pour ses défenseurs, la route permettrait aussi d’impulser une dynamique économique à Maripasoula dans un contexte économique compliqué. « Ces dernières années, on voit qu’il y a une forte baisse de l’activité et beaucoup de gens partent car ils n'ont pas de travail », résume Patrick Valiès. 

« Vivre à Maripasoula, c’est trois à quatre fois plus cher par rapport au littoral. Les entreprises ne veulent pas s’installer ici, car ce n’est pas viable économiquement. L’enclavement tue, avec les accidents de pirogue mais il tue aussi la vie économique », abonde Philippe Dekon. 

L’idée d’une liaison routière est aussi défendue par la mission d’information parlementaire sur l’aménagement et le développement durable du territoire en Guyane, dans laquelle siège le député Jean-Victor Castor, et dont les conclusions ont été rendues en novembre dernier. 

Deux routes à deux milliards 

« Le droit des Guyanais d'aller et venir, comme tout citoyen français, passe par un réseau routier reliant Cayenne à Maripasoula et Maripasoula à Saint-Laurent-du-Maroni. Il s'agit d'une action prioritaire », affirment les parlementaires qui appellent les représentants de l’Etat à sortir d’une logique strictement budgétaire sur ce dossier. 

Un pas qui reste difficile à franchir au regard du coût faramineux que représenterait la création de routes à travers l’Amazonie. On parle de deux milliards d’euros au minimum pour les deux routes citées par le rapport parlementaire, sans compter l’entretien ultérieur. 

L’impact écologique qu’aurait un tel chantier fait aussi débat. Outre le défrichage massif qu’il représente en soi, la route risque de faciliter la création de nouveaux sites d’orpaillage illégaux ou d’entraîner la multiplication d’abattis sauvages le long du tracé. 

« Une large concertation impliquant toutes les populations et leurs représentants sera indispensable à la mise en œuvre d’un tel projet », note le rapport parlementaire qui rappelle l’importance de « tenir compte de la continuité écologique nécessaire à la vie de certaines espèces » et de limiter les « atteintes » au couvert forestier. 

Enclavement de Maripa-Soula commune du haut Maroni à l'ouest de la Guyane

Conférence sur le désenclavement 

Enfin, une autre solution pour améliorer l’offre de transports sur le Haut-Maroni serait d’inscrire le fleuve dans les voies navigables de France, ce qui assurerait a minima la sécurité juridique des professionnels du fleuve et de leurs passagers, qui aujourd’hui ne peuvent être couverts par leurs assurances. 

Au-delà, l’aménagement du fleuve comme cela a pu se faire dans l’Hexagone avec par exemple l’arasement des sauts les plus périlleux à passer ou la construction d’écluses pour faciliter la navigation se heurtent pour l’instant à l’hostilité de la population, notamment amérindiennes et bushinengués pour qui le fleuve et ses sauts revêtent une importance spirituelle, rappellent les auteurs du rapport parlementaire.

Quoi qu’il en soit, même si la venue d’Emmanuel Macron n’est pas concluante sur l’enjeu du désenclavement, les militants du collectif Apachi anticipent déjà la prochaine étape : l’organisation d’une « conférence sur le désenclavement » qui se tiendra à Paris en août. « Ici, en Guyane, nous sommes tous d’accord. Maintenant, il reste à nous faire entendre dans l’Hexagone ».