Les photos prises par les agents du parc lors de ce survol montrent la lente agonie du fleuve Maroni, notamment entre Maripasoula et Papaïchton. Elles montrent aussi plusieurs sites où les équipes de « garimpeiros », les chercheurs d’or clandestins brésiliens, font couler des rivières de boue après avoir déforesté des espaces (plus de 100 hectares depuis janvier), y compris en pleine zone protégée du Parc Amazonien de Guyane (PAG). Lors de quatre jours de survol en août dernier, le parc a compté 143 sites illégaux, soit une augmentation de 50 % en un an. Après une baisse continue d’août 2020 à août 2022 (de 156 à 95 sites), l’orpaillage clandestin connaît donc un « rebond » dans le Parc Amazonien. Maripasoula est la commune la plus touchée du parc, avec 86 sites illégaux (+20 par rapport au dernier survol en janvier), suivie de Papaïchton, 34 (+5). En plus des observations en août, les agents sont intervenus pendant une journée, détruisant onze chantiers et deux camps logistiques.
1500 km de cours d’eau pollués
Cette année, le parc a recensé 1500 kilomètres de cours d’eau impactés par les garimpeiros, avec des conséquences : ainsi, touchés par une pénurie d’eau courante due à la saison sèche, des habitants du village amérindien d’Elahé, à Maripasoula, ont dû faire des kilomètres chaque jour en pirogue pour chercher de l’eau dans une crique non polluée par l’orpaillage. D’autres habitants du village sont tombés malades. Le maire informe avoir fait amener sur place de l’eau en bouteille ces derniers jours.
« Nous souffrons...les agriculteurs qui se font piller dans leurs abattis, les chasseurs qui réfléchissent une à deux fois avant d’aller à la chasse, car ils ne savent pas ce qui peut arriver, et la pollution générale, dans les cours d’eau »
Jules Deie, maire de Papaïchton et président du Parc Amazonien de Guyane (PAG)
Des "garimpeiros" chassés de Dorlin, désormais dans le cœur du Parc ?
La hausse des sites illégaux dans le Parc à Maripasoula pourrait être liée au bouclage de Dorlin par les autorités suite au meurtre en mars du major de gendarmerie Arnaud Blanc, en intervention dans ce secteur aurifère alors investi par les clandestins. « Il y a une coïncidence des chiffres », explique Pascal Vardon, directeur du PAG. « On a l’apparition de trente sites sur la zone d’eau claire dans le cœur de parc, et en même temps, on a le déménagement de ces garimpeiros de la zone de Dorlin car elle était occupée par l’armée », ajoute le directeur du PAG, précisant que les chantiers d'Eau Claire relèvent du primaire, avec des puits et des galeries souterraines.
Les clandestins ravitaillés à partir du Surinam
83 % des chantiers illégaux impactant le parc amazonien se trouvent dans le bassin du Maroni, ravitaillés par des commerçants implantés sur la rive surinamaise.
« Il faudrait qu’on ait une police conjointe sur le fleuve avec des possibilités de bloquer toutes les pirogues qui transportent des produits illicites »
Pascal Vardon, directeur du Parc Amazonien de Guyane (PAG)
L’un des écueils est la vente libre du mercure au Surinam, produit toxique utilisé par les clandestins pour amalgamer l’or, interdit en Guyane. La localisation des centres logistiques des orpailleurs illégaux à l’abri de la frontière est une problématique ancienne, sans solution à ce jour. « Il faut continuer, toujours se battre, et puis discuter avec nos voisins du Surinam par la voie diplomatique », plaide Pascal Vardon.
A l’est, le Parc est moins touché : 20 sites illégaux tout de même à Camopi, en hausse (+5), et 3 à Saül (-1). Il n’y a donc pas une seule commune du Parc où l’orpaillage illégal ait été totalement éradiqué. C’était pourtant l’un des objectifs de départ de la plus vaste aire protégée de France, créée en 2007.