Devant des fonctionnaires du Guyana et du Surinam, Léonard Raghnauth, président du Comité Régional des Pêches de la Guyane, montre une carte inédite, preuve de l’ampleur de la pêche clandestine au large des côtes guyanaises. Ce document du Comité des Pêches et du WWF synthétise les résultats de six jours d’observation aérienne du littoral guyanais, en septembre (voir photo) : en rouge, les filets mis bout à bout des illégaux brésiliens (deux traits qui barrent tout le littoral), en orange, ceux de bateaux clandestins surinamais et guyaniens (quatre traits superposés le long des côtes) et en vert, la pêche locale, submergée (un seul trait).
Nous avons une pression des illégaux, sur des bateaux illégaux, avec des filets illégaux [...] 630 kilomètres de filets sur un jour, quand nous avons un littoral de 350 km… On peut se rendre compte de l’impact : comme vous le voyez, notre territoire n’appartient pas aux pêcheurs locaux.
Léonard Raghnauth, président du Comité Régional des Pêches de la Guyane
Dans l’ouest de la Guyane française, les bateaux illégaux guyaniens et surinamais pêchent de longue date des tonnes de poissons vendus ensuite au Surinam ou au Guyana, une partie étant exportée vers l’Union Européenne. À Georgetown, Léonard Raghnauth rappelle que le secrétaire d’Etat français à la mer, Hervé Berville, a demandé en mai à l’Europe de sanctionner ces deux pays en gelant leurs exports de poissons vers l’UE s’ils n’agissent pas contre la pêche illégale. Le Surinam évoque des mesures répressives et préventives de son service pêche, de sa police maritime et de ses garde-côtes. Malgré tout, il y a des limites. Zojindra Arjune, directeur adjoint du département pêche au ministère de l’agriculture du Surinam, évoque "des problèmes financiers". "Nous avons des faiblesses à ce niveau-là, car c’est très coûteux de patrouiller en mer, de mener ce type d’opérations", ajoute-t-il. "Parfois aussi, la collaboration entre les services prend du temps à mettre en place… Il faut réunir les différents partenaires, c’est toujours un challenge", précise le cadre du département pêche du Surinam.
Au Guyana, où 40 % de la flotte côtière pêche sans autorisation, la prévention est privilégiée. Pour la répression, les garde-côtes ont une douzaine de navires, mais là encore, les moyens manquent pour financer les contrôles et la maintenance. Peut-être y aura-t-il du mieux avec le plan contre la pêche illégale annoncé en début de réunion par le ministre de l’agriculture.
Le plan d’action du Guyana contre la pêche illégale vise à promouvoir la conservation à long terme de l’environnement et l’usage durable des ressources halieutiques.
Mustapha Zulfikar, ministre de l’agriculture du Guyana
Animée par Tony Nalovic, ingénieur halieute et consultant formé à la gestion des conflits, la réunion visait à formuler des propositions communes pour lutter contre la pêche illégale sur le plateau des Guyanes. Deux autres réunions sont prévues l’an prochain, dans le cadre de ce processus organisé et financé par le WWF… Car il y a urgence à protéger les tortues marines. "Nous avons mené une étude il y a quelques années pour définir les menaces expliquant le rapide déclin des tortues luths", informe Soraya Wijntuin, coordinatrice Océans au WWF Guianas (Fonds Mondial pour la Nature). "Nous avons identifié la pêche illégale et les prises accidentelles de tortues comme étant les principales menaces à traiter avant que cette population s’effondre", poursuit-elle.
Parmi les pistes, l’apport de fonds internationaux pour renforcer les opérations de contrôles des pêches et permettre aux Etats d’avoir des bateaux supplémentaires adaptés aux besoins. Le WWF finance déjà des actions de contrôle et de prévention au Surinam dans l’embouchure du Maroni, autrefois haut lieu mondial de pontes des tortues Luth.