Le droit de voter toujours au cœur des débats

En Nouvelle-Calédonie, deux associations défendent plus de quarante mille électeurs qui n’ont pas le doit de vote à toutes les élections. Elles incitent leurs membres à demander leur inscription sur la liste provinciale spéciale avant la fin de l’année. Une façon de se rappeler au bon souvenir des politiques, en ces temps de discussions sur l’avenir institutionnel.

Le message s’avère on ne peut plus clair. "À partager massivement ! Inscription sur les listes électorales spéciales provinciales, pour les élections de 2024", lit-on sur la page Facebook d'Un cœur une voix. "Nous vous accompagnons dans vos démarches. Avant le 31 décembre 2023, inscrivez-vous dans vos mairies."

"Aidez-nous en vous inscrivant sur la liste électorale provinciale !", renchérit l’ACF NC sur la sienne. "La loi en vigueur n'inscrit que les citoyens français résidant en Nouvelle-Calédonie depuis au moins 1998, mais il est fort probable que les critères de résidence seront modifiés par la révision constitutionnelle annoncée en mars 2024."

Porte-voix

Ces associations se sont fait les porte-voix de celles et ceux qui n'en ont pas. En tout cas, à certains scrutins. "Le profil des exclus du corps électoral ne correspond pas à ce qu’on va faire croire. Ce n’est pas un individu européen arrivé il y a deux ans", plaide Raphaël Romano, président d'Un cœur une voix. "En fait, ce sont des hommes et des femmes d’origine wallisienne, futunienne. Des Asiatiques. Des personnes qui ont acquis la nationalité française après 1998 mais qui sont nées sur le territoire. Des gens qui ont marié des Calédoniens ou des Calédoniennes…"

Au tableau annexe

En mai 2023, 42 596 personnes n'étaient pas autorisées à se prononcer pour les provinciales. Gel du corps électoral oblige, elles étaient reléguées dans le tableau annexe. Des résidents du Sud, surtout. Mais aussi environ 2 500 habitants du Nord et presque 800 des Îles Loyauté. Un statut temporaire constitutionnalisé par l’Accord de Nouméa. Vingt ans et trois référendums plus tard, ces non-citoyens réclament leur droit.

"Violation"

"C’est une violation directe de l’article 14 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 depuis plus de vingt ans", proteste Stéphane Quinet, qui préside l'Association des citoyens français de Nouvelle-Calédonie. "C’était accepté au motif que nous étions dans une période transitoire, comme l’a dit le Conseil constitutionnel. Mais à partir de maintenant, nous partons dans une période qui ne sera plus transitoire, qui sera définitive. Et nous ne voyons pas comment nous pourrions encore exclure du droit de vote, aux élections de province, des citoyens français qui n’ont pas été déchus de leur droit comme le sont les criminels."

Propositions

Le dégel du corps électoral ? Toujours un sujet de crispation, surtout en ces temps de discussions sur l’avenir institutionnel. "C’est une obligation juridique, morale et politique", défend Virginie Ruffenach, présidente du groupe Rassemblement au Congrès, "puisqu’on a une exclusion sur place publique de 42 000 de nos compatriotes."

Les politiques ont évoqué un seuil de résidence fixé à trois, cinq ou dix ans. Voire pas de dégel du tout pour l’Union calédonienne, tant que le futur statut n’est pas arrêté. "Nous avons toujours considéré que les acquis que sont le corps électoral citoyen, le maintien sur la liste des pays à décoloniser, le principe d'irréversibilité jusqu'au transfert des compétences régaliennes ne devaient jamais être remis en cause", répétait jeudi encore son président, Daniel Goa.

Réforme de la Constitution

Saisie du dossier, la cour de cassation estime que seule une réforme de la Constitution peut changer la donne. Annoncée par l’Etat pour mars 2024, elle devra être suivie de commissions électorales spéciales, afin d'établir de nouvelles listes. À condition que les élus aient trouvé un accord sur le sujet.

Le reportage de Bernard Lassauce et Franck Vergès

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