Les cours du sucre restent très bas, trois ans après la fin des quotas

La suppression des quotas sucriers sur le marché européen, en octobre 2017, a entraîné un effondrement des prix du sucre, avec aujourd'hui une surproduction mondiale. Les sucreries des DOM tentent se s’adapter. Gardel a opté pour les sucres de bouche, dont une partie bientôt en bio. 
En octobre 2017, l’Union européenne mettait un terme à son OCM sucre, Organisation Commune des Marchés mise en place en 1968, et qui avait subi ensuite plusieurs réformes. C’en était donc fini des quotas, dispositif de prix garantis, qui visait à protéger la production communautaire, dont celle des DOM français. Les gros pays exportateurs de sucre, dont le Brésil et l’Inde, avaient donc désormais libre accès à ce marché autrefois protégé. 

Surproduction mondiale

L’année suivante, les cours du sucre, sur le marché du vrac, s’effondraient, divisés par deux en 2018. Depuis, ils restent à des niveaux extrêmement bas (jusqu’à 200 dollars la tonne seulement, courant 2020, niveau pas vu depuis quinze ans). L’explication : un marché mondial excédentaire. Cette année, en particulier, le Brésil, premier pays producteur, a fabriqué plus de sucre que d’éthanol, en raison du COVID et du confinement. On estime que le pays va mettre au total 10 millions de tonnes de sucre supplémentaires sur le marché. Résultat : un excédent qui pourrait atteindre 3 à 4 millions de tonnes à l’échelle internationale. Le contexte est donc difficile pour les sucreries des DOM. Sylvain Icart, directeur général délégué de Gardel S.A. : 
 

Sylvain Icart, DG Gardel S.A.

 
Sylvain Icart, directeur général délégué S.A. Gardel

Les cours du sucre de raffinage sont restés très bas en 2019 et 2020

 

Crise betteravière : pas d’effet sur le sucre domien

Les difficultés de production, que connaissent actuellement les betteraviers français, peuvent-elles avoir des répercutions positives pour le sucre de canne des DOM ? Les champs de betterave de l’Hexagone ont subi cette année de grosses pertes, à cause du virus de la jaunisse, transmise par des pucerons (d’où la dérogation accordée par le gouvernement aux producteurs de betterave pour pouvoir réutiliser, de 2021 à 2023, des semences traitées aux néonicotinoïdes, interdits depuis 2018, à cause de la mortalité provoquée par ces insecticides sur les abeilles). 
Mais pour l’heure, en pleine campagne sucrière, les professionnels de la betterave craignent d’importantes chutes de rendement. Et l’Europe, pour la troisième année consécutive, va connaître une baisse de sa production. Alors, peut-on espérer une remontée des cours du sucre sur le marché européen, qui pourrait profiter ainsi aux producteurs de Guadeloupe ? Non, explique le dirigeant de Gardel :
 

Sylvain Icart

 
Gamme de sucres de bouche, fabriqués par Gardel.
 

Gardel opte pour les sucres de bouche

Pour faire face à la chute des cours, la sucrerie Gardel au Moule a fait le choix, depuis plusieurs années, de développer les sucres de bouche, qu’elle commercialise dans plusieurs pays d’Europe et de la Caraïbe. Car ces « sucres spéciaux » se vendent nettement plus cher que le sucre en vrac, destiné aux raffineries. 
Pour la première fois de son histoire, l’usine a ainsi produit cette année plus de sucres de bouche que de sucre de raffinage : 21 500 tonnes, sur les 39 300 tonnes totales de sucre fabriqué en 2020. Cela représente 55 % de sa production. Et l’entreprise entend bien augmenter encore ce pourcentage. Sylvain Icart :
 

Sylvain Icart

 

Bientôt du sucre bio…

Pour mieux valoriser encore ces sucres de bouche, l'usine Gardel est engagée dans un projet de sucre biologique, qui serait le premier sucre de canne bio français, et même européen. Présenté l’an dernier, le projet, porté désormais par toute la filière, vient d’entrer dans sa phase opérationnelle. 
Les premiers planteurs volontaires ont mis en place cette année des parcelles en conversion (qui verront leur première récolte en 2021). D’autres suivront. L’objectif est d’atteindre 1 500 hectares de canne certifiée bio d’ici 2027, pour permettre à Gardel de produire environ 5 000 tonnes de sucre bio par an, soit 10% de son volume. L’usine a prévu de démarrer sa production de sucre bio en 2023. Les prix d’achat de la canne en conversion ou certifiée ont été établis avec les SICA cannières et vont faire l’objet d'un contrat avec chaque producteur.

Le magazine agricole radio « Kamannyòk » sur Guadeloupe La 1ère, vous propose depuis le 10 octobre une série de reportages sur ce projet de sucre bio. A écouter le samedi à 6h15 et 13h15, et en podcast https://m.la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/emissions-radio/kamannyok#podcast_749401
50 000 tonnes de sucre sur 180 millions de tonnes…
Production de sucre :
Monde : 180 millions de tonnes
Europe : 18 millions de tonnes 
France (plus gros producteur européen) : près de 5 millions de tonnes 
dont DOM : 250 000 tonnes
dont Guadeloupe : 50 000 tonnes