Au service de régulation du SAMU du Médipôle, le téléphone sonne constamment. Ce sont en effet plus d'une centaine de dossiers qui sont traités par jour. Un rythme effréné pour les médecins urgentistes, mais également les infirmiers, qui sont peu nombreux à tenir la boutique. S'il n'y a pas de pénurie à ce jour, le turn-over est très important.
"La crise métropolitaine se répercute ici. On a plus les conditions d’attractivité nécessaires pour que le fait que la Calédonie est jolie et que le cadre de vie y est sympa soit suffisant pour garder nos médecins, explique Claire Heydenreich, médecin urgentiste responsable du SAMU. Parce qu’on aimerait garder certains médecins, des jeunes médecins motivés et performants. La situation financière et la conjoncture hospitalière font qu’on ne peut pas toujours leur proposer des postes pérennes, du coup, ils ne s’engagent pas. Pour eux, c’est un manque de reconnaissance que l’hôpital attend de nombreuses années avant de les titulariser. »
Un système plus précaire
C'est notamment le cas de Solène Ruiz, médecin urgentiste au Médipôle. Depuis son arrivée en 2018, elle cumule des contrats en CDD, qui ne pourront plus être renouvelés dans deux ans d’un point de vue administratif. Elle devra donc quitter le territoire, faute de mieux.
« C’est l’organisation qui a été faite ainsi, en Calédonie, explique-t-elle. Elle se calque partiellement sur le système français. Par exemple, vous devez faire deux années d’assistanat avant d’être titulaire dans tous les services d’urgence en Métropole et ensuite, vous devenez praticien hospitalier. Ici, ils autorisent six années plutôt que deux. Donc cela précarise le métier et précarise les urgentistes qui aimeraient rester. »
Carences en médecine libérale
À cela, s’ajoute le départ en retraite de nombreux médecins, mais aussi une certaine mentalité chez les jeunes diplômés, qui, aujourd’hui, sont moins enclins à s’engager dans un seul et même service, et préfèrent miser sur la mobilité.
"On a des médecins qui sont âgés, qui vont partir à la retraite, d’autant plus qu’on est amenés à aller renforcer d’autres services qui sont en difficulté. Mais si on nous donne encore plus de travail parce qu’il y a des carences en médecine libérale dans certaines spécialités, nous, on ne va pas pouvoir tenir le coup, c’est évident", interpelle la responsable du SAMU.
Depuis le début de la crise sanitaire, les urgences se retrouvent ainsi saturées plus régulièrement. En cause, un manque de médecins sur le territoire, et notamment dans de nombreux dispensaires, ce qui se répercute directement sur le flux de patients qui débarquent au Médipôle : "On nous attribue de plus en plus de missions. De plus en plus d’appels sont par exemple directement basculés sur le 15. On se retrouve à absorber des carences de soin un peu partout. On a notamment une augmentation des consultations nocturnes, mais pas de moyens supplémentaires. On passe plus de temps à soigner des choses qui ne sont pas forcément urgentes, ce qui nous laisse forcément moins de temps pour les véritables urgences", analyse Claire Heydenreich.
Augmenter le nombre d'internes
Une solution avancée : augmenter le nombre d’internes - ces jeunes médecins en formation venus de Métropole - qui, pour beaucoup, décident de revenir sur le territoire par la suite. "Quand on est médecin, tout quitter pour venir s’installer ici peut être une étape difficile. Mais quand on a déjà été interne en Nouvelle-Calédonie, il y a un côté rassurant. D’autant plus que globalement, ils sont contents de leur expérience au Médipôle. Ils ont l’occasion de passer par de nombreux services, ce qui n’est pas forcément le cas en Métropole", expose la responsable du SAMU.
Une anticipation qui doit se faire rapidement, afin d’éviter une éventuelle pénurie de médecins urgentistes.