Serge Letchimy : Une défaite au goût amer

Le député Serge Letchimy, dimanche 13 décembre 2015 près du 36e bureau de vote à Fort de France
Un score insuffisant à Fort-de-France, un bon report de voix de ses adversaires, une campagne qui n’a pas convaincu, des personnalités sulfureuses sur sa liste : les ingrédients de la défaite de Serge Letchimy sont multiples.
La liste menée par Serge Letchimy n’a pas puisé suffisamment dans sa réserve potentielle de voix, notamment à Fort-de-France. La commune qui forme l’une des 4 sections électorales à elle seule, comptait 65 747 électeurs inscrits mais seulement 32 527 votants, soit un taux de participation de 49,47%. 1 électeur foyalais sur 2 s’est donc abstenu, ce qui est habituel certes, mais a été de nature à gêner la progression du résultat que Serge Letchimy espérait. Certes, il multiplie par 1,5 son score du 1er tour, avec 18.157 voix et 58,8% des suffrages.
 
Cependant, ses concurrents multiplient eux aussi dans la même proportion leurs suffrages, avec près 12.740 voix et 41,2%. Avec une progression de 10 points, les résultats eurent été différents. Cependant, la liste EPMN ne progresse que de 7 points.
 
La large victoire, inattendue avec 54,1% des voix de la liste "Gran sanblé pou ba péyi-a an chans", réside pour une bonne part dans ce manque à gagner de Fort-de-France. Toutefois, Serge Letchimy et ses colistiers réalisent leur score relatif le plus important dans la section du Nord, qui pèse pour 31,4% dans le total de leurs 70.776 suffrages obtenus. Pour leurs concurrents, c’est le Sud qui leur donne la clé de la victoire avec 36,3% du total des 83.541 voix de la liste emmenée par Alfred Marie-Jeanne.
 

Contre Letchimy et pour Marie-Jeanne

Cette victoire d'Alfred Marie-Jeanne signifie que l’électorat a digéré et validé cette initiative inédite d’une alliance entre des formations situées sur les bords extrêmes de l’échiquier politique. Dans un récent passé, des rapprochements ont eu lieu entre personnalités politiques opposées. Mais c’est bien la première fois qu’une alliance électorale se noue entre deux tours de scrutin. La surprise a laissé la place à l’adhésion d’une proportion non négligeable de l’électorat. Lequel a été aidé dans son choix par une campagne peu convaincante de la liste EPMN. Les performances de ses candidats lors des débats en télévision et en radio ou pendant les meetings ont été diversement appréciées. Autre fait de campagne qui a pu troubler certains, l’exploitation malvenue de la fusillade meurtrière dans une boîte de nuit du Lamentin, à l’aube du 1er tour.
 
Autre facteur négatif, la composition de la liste qui comportait quelques personnages fortement contestés dans l’opinion publique ces derniers mois. Ils ont été maintenus, à des places éligibles qui plus est, en dépit d’avertissements et d’interrogations. Ceci, sans sous-estimer la position délicate du président sortant de la Région qui avait à la fois à défendre son bilan et à proposer un programme pour la période à venir. Un statut complexe, qui a précipité par le passé la défaite d’autres, comme Alfred Marie-Jeanne en 2010, après deux mandats à la tête de la Région.
 
Désormais, la question se pose de savoir si la défaite de Serge Letchimy ne sonne pas l’échec de la stratégie d’Ensemble pour une Martinique nouvelle. Comment expliquer sinon le désaveu par leurs électeurs de plusieurs maires candidats ou soutiens de la liste ? La réponse sera plus claire à l’occasion des élections législatives en juin 2017 et plus loin, pour les municipales en 2020. Il paraît évident que la logique ayant présidé à la stratégie d’alliance autour du PPM, (Parti Progressiste Martiniquais) a été sanctionnée, ce qui ouvre la voie à une refonte du paysage politique martiniquais.